Les jours succédèrent aux nuits, se répétant inlassablement dans leur routine d'une triste monotonie.
Yoongi se levait plus tard que d'habitude, esquissait rapidement quelques étirements et postures de Yoga sans réelle conviction, choisissait ses vêtements — noirs, comme toujours, ou gris foncé les jours fastes — passait sous la douche, se séchait les cheveux, se brossait les dents, préparait son petit-déjeuner qu'il engloutissait devant la télévision en regardant un documentaire animalier. Ensuite... il tournait en rond dans son appartement jusqu'à l'heure de midi, il se préparait à manger, recevait un appel de Namjoon dès qu'il prenait sa pause, de Jimin dans l'après-midi.
Quand Jungkook vint le livrer une deuxième fois cette semaine-là, ils discutèrent un peu, le plus jeune restant boire un thé avec lui car il avait fait exprès de terminer sa tournée par sa livraison.
— Au fait, tu vas avoir de nouveaux voisins, Hyung ? demanda-t-il en prenant un biscuit dans le plateau devant lui.
— Hein ?
Yoongi avait à peine entendu sa question, son esprit embrumé ayant divagué quelque peu. Ca lui arrivait de plus en plus souvent. De ne pas suivre la conversation, de chercher ses mots, d'oublier ce qu'il voulait dire ou faire en entrant dans une pièce...
Bien sûr, ce genre de petites choses arrive à tout le monde au quotidien. Car on pense à plusieurs tâches à accomplir en même temps, on va vite, nos cerveaux fonctionnent à plein régime... mais dans le cas de Yoongi, il savait que ces symptômes étaient annonciateurs de quelque chose de plus grave.
Il le savait, parce qu'il avait déjà eu cette sensation de flottement, comme si tout autour de lui semblait flou. Il se sentait glisser inexorablement, son esprit ne parvenant plus à se concentrer. Il effectuait les gestes du quotidien par réflexe, par habitude. Le corps allait bien, mais le mental était en berne. Cho et lui en avaient parlé pendant la séance qui avait suivi la crise. Elle ne l'avait pas jugé, ni sermonné. Elle ne lui avait pas dit qu'il se laissait aller, qu'il ne faisait pas d'effort pour s'en sortir, au contraire de sa soeur.
Non, elle lui avait simplement affirmé que c'était normal, que ces symptômes étaient typiques du burn-out. C'était une des raisons pour lesquelles Yoongi l'aimait bien, Cho. Parce qu'elle ne mâchait pas ses mots. S'il fallait dire les choses, mettre le doigt sur un sujet, elle utilisait les mots adéquats, sans se démonter et sans tourner autour du pot. Comme la fois où, lors d'une séance pendant laquelle ils discutaient de sa relation avec sa soeur et de sa tendance à toujours vouloir essayer de lui arracher le moindre soupçon de gentillesse et d'empathie, elle avait prononcé ces mots :
— Yoongi. Je pense qu'il faut que tu acceptes le fait que ta soeur ne t'aime pas. Tu ne pourras rien y changer et elle non plus. Personne ne le peut. Tout ce que tu peux faire, la seule chose qui est entre tes mains, c'est que tu peux apprendre à vivre avec. Ce n'est pas parce que vous êtes nés des mêmes parents que vous avez l'obligation de vous aimer, ni même de vous apprécier ou de vous supporter. Tu es toi, elle est elle. Vous ne vous entendez pas, si tu continues à chercher son affection, tu vas brûler ton énergie pour rien.
Et encore cette fois-ci, elle l'avait dit. La vérité. Les mots qui font peur mais qui doivent être prononcés pour qu'on se rende compte de la situation telle qu'elle est.
Burn-out.
Dépression.
Yoongi savait tout cela, mais il n'avait plus l'énergie de s'accrocher aux cordes qu'on lui lançait pour l'empêcher d'être englouti par l'océan de noirceur qu'il savait rugir au fond de son coeur.

VOUS LISEZ
Imaginary Friend [Sope - ...]
FanficDepuis la fin du confinement, Yoongi ne peut plus sortir de chez lui. Souffrant d'un trouble de l'anxiété sociale doublé d'agoraphobie, il vit reclus dans son appartement, travaillant à distance et recevant régulièrement la visite de son meilleur am...