14.Vers un accord ?

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Suivant Lendroy sur sa monture tigrée, les cinq amis marchèrent parmi les soldats encore sur pieds. Certains garderaient de lourdes séquelles de cet affrontement contre le Titan et ses Gobelins. Entre les soupirs désabusés et les râles de douleur, la majorité songeait à abandonner leur poste pour une vie plus simple et surtout moins dangereuse. À quoi bon lutter contre un ennemi si fort ? La traversée des collines écarlates en faisait réfléchir plus d'un. La terre y semblait gorger de sang, comme si les victimes s'étaient toutes concentrées en ce lieu afin de se rappeler au souvenir des vivants. Des dizaines de milliers d'habitants – civiles ou guerriers – avaient déjà succombé des suites de terribles attaques de leur farouche adversaire. Sa faim paraissait intarissable et sa colère, impossible à réfréner. Les efforts de l'armée royale et de son Général pour le repousser ne parvenaient en réalité qu'à le rendre encore plus hargneux.

Chacun sentait au plus profond de son cœur qu'ils seraient tous morts sans l'intervention miraculeuse de ces étrangers. D'où qu'ils puissent venir, il ne faisait aucun doute que la magie leur donnait assez de puissance pour tenir tête au Titan et à sa horde de créatures sanguinaires. En dépit de l'originalité de leurs tenues, ils savaient se battre, c'était indéniable. Les soldats les admiraient pour leur bravoure et le sens du devoir qui les avait poussés à risquer leur vie pour aider des inconnus.

Le regard rivé sur l'horizon, le Général repensait avec amertume à cette dernière bataille. Le royaume n'aurait sans doute plus d'armée à l'heure actuelle sans l'arrivée de ces surprenants alliés. Lendroy répugnait à le formuler à voix haute, mais il n'était pas capable de venir à bout de leur ennemi. Levant les yeux au ciel, il se demanda s'il était obscur parce que leur monde pleurait une époque pas si lointaine, mais heureuse. Peut-être, se dit-il, amer. Ces cinq combattants feraient-ils la différence et les épauleraient-ils à mettre un terme à ces attaques d'une sauvagerie inouïe ? Il l'espérait du fond du cœur. Depuis la mort de son souverain, Neodrys risquait chaque jour de disparaître. La menace ne cessait d'enfler et la jeune reine avait beau faire de son mieux, elle ne pouvait inventer une solution qui n'existait pas. Avec l'aide des cinq étrangers, tout redevenait envisageable. Lendroy les avait vus combattre. Ils conjuguaient magie et habileté. En les menant jusqu'au château, il espérait une collaboration mutuellement profitable. Si la reine Abigaël peinait à saisir les subtilités de l'art de la guerre, elle concevait fort bien, en revanche, l'intérêt du dialogue et des accords. Ces visiteurs semblaient bien loin de leur monde, ils voudraient sans doute tôt ou tard rentrer chez eux. Le Général comptait sur la sagacité de sa jeune souveraine pour les inciter à conclure un compromis avec Néodrys.

Alors que leur destination s'annonçait encore lointaine, les cinq amis prirent leur distance avec le Général pour discuter. Ils avaient certes accepté de le suivre jusqu'à la demeure royale, mais devaient préparer la manière dont ils se présenteraient à la reine. Antonnella l'avait connue enfant. Elle se souvenait d'une fillette radieuse et intelligente.

— Soyons honnêtes avec elle, proposa la Régulatrice. N'oublions pas qu'elle est en guerre contre une menace qu'elle ne parvient pas à contenir. Nous avons besoin les uns des autres. Cela devrait suffire, à mon avis.

— Alors tu penses que ce sera aussi simple que cela ? demanda Johanson, soupçonneux. Moi, je dis qu'il faut se méfier de cette souveraine. Elle est comme tous les dirigeants, elle veut avant tout conserver son trône. Elle va promettre de nous aider et ensuite, quand son royaume aura retrouvé la paix, ce sera vite oublié...

— Non, elle n'est pas comme cela ! s'énerva Antonnella. Tu ne la connais pas comme moi. Son père était quelqu'un de bien...

— Son père, oui, mais il est mort à l'heure actuelle ! répliqua le ferronnier d'art, têtu. Et une enfant peut changer en grandissant. Autant dire que tu ne sais rien d'elle !

Au nom du pouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant