Chapitre 9 - Calliste 2/2

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Toc, toc, toc.

Trois coups secs frappés contre sa porte la réveillèrent dans un sursaut. Lorsqu'elle constata l'absence de danger, Calliste grogna et se frotta les tempes. Le manque de sommeil tambourinait encore contre son front et elle était déterminée à se défouler contre celui qui avait eu l'outrecuidance de la déranger. Ses mains arrangèrent du mieux qu'elles purent ses cheveux collés par la sueur et les vêtements qu'elle n'avait pas eu le courage d'ôter, puis ouvrit la porte.

Elle tomba nez à nez avec le valet de Dersen qui s'apprêtait à toquer à nouveau. Son regard dû le terroriser, car l'adolescent se figea un instant, puis baissa les yeux vers ses pieds. Le dos courbé et le nez toujours vers le sol, il lui présenta un plateau d'argent sur lequel reposait un feuillet plié en deux :

— Madame.

Dans d'autres circonstances, elle aurait pu s'amuser de la prévisibilité du capitaine. Mais le regard dont il l'avait gracié plus tôt la troublait encore, alors Calliste ravala un gloussement et soupira en refermant sa main sur le papier.

Votre Altesse,

Permettez-moi de vous convier à un dîner en l'honneur de votre vingt-cinquième anniversaire, ce soir dans mes quartiers. Ce sera un moment privilégié pour évoquer l'avenir et les aventures qui nous attendent.

En espérant vivement pouvoir compter sur votre présence,

Respectueusement,

Joseph Dersen.

Dès les premiers mots, son ventre se serra et sa mâchoire se crispa. Ses doigts froissèrent la lettre alors qu'ils y resserraient leur prise. Calliste n'avait pas échangé plus de dix mots avec le capitaine, pourtant, en cet instant, elle pouvait affirmer sans l'ombre d'un doute qu'elle le détestait. Avec sa menace à peine voilée, sa promesse de l'utiliser, de la manipuler, il la répugnait même comme personne avant lui.

Son instinct lui dictait de fuir, de refuser de le rencontrer, mais sa raison lui rappela qu'elle n'avait pas d'autre choix que d'accepter. Il en allait de sa survie, de celle d'Emeric et peut-être même de celle d'Élara. Qui savait seulement jusqu'où l'homme serait prêt à aller pour atteindre son but ?

Elle ignora alors sa nausée et para ses lèvres du plus poli des sourires avant de déclarer au valet :

— Dîtes au capitaine que je me ferai une joie de me joindre à lui.

Le jeune blond hocha la tête, satisfait de sa réponse, s'inclina puis courut informer son maître de l'aboutissement de sa vile manoeuvre.

Une fois la porte refermée, Calliste se laissa tomber sur la chaise. De toutes les émotions qui se bousculaient dans son esprit, ce n'étaient ni le dégoût ni la colère qui prirent le pas, mais la lassitude. Utilisée par tout le monde, elle n'avait plus la force de se révolter. Il ne lui restait qu'amertume et fatigue. Son regard pivota vers le hublot et elle se délecta un instant du miroitement rosé des vagues. Bientôt, le soleil se coucherait et elle se retrouverait en tête à tête avec Dersen. Si seulement elle savait ce qu'il attendait d'elle...

Dans un soupir, elle glissa vers sa malle et fouilla en quête d'une tenue appropriée pour leur dîner. Rien de trop luxueux ou séducteur, Dersen ne devait pas l'imaginer désespérée, mais rien de nonchalant pour autant. Froisser l'égo de l'homme qui avait sa sécurité et celle d'Emeric entre ses mains était la dernière chose que Calliste souhaitait. Ses mains s'attardèrent sur une soie vert sauge aux reflets chatoyants. Ce n'était pas une robe de soirée ou d'apparat, mais elle était suffisamment travaillée pour convenir. Du bout des doigts, elle caressa la dentelle et les broderies dorées du corsage et décida qu'elle ferait l'affaire.

La lame & le veninOù les histoires vivent. Découvrez maintenant