Léa se tenait devant l'immeuble austère où elle et Camille travaillaient, cherchant dans son sac à main les clés de son bureau. Le bâtiment, bien que moderne, semblait avoir absorbé toute la grisaille de la ville. À l'intérieur, les murs blancs étaient à peine éclairés par les néons, créant une atmosphère froide, presque clinique. Camille, sa meilleure amie depuis l'université, l'attendait déjà à l'intérieur, un café à la main, ses yeux pétillants d'enthousiasme.
« Prête pour une nouvelle journée de folie ? » demanda Camille avec un sourire radieux.
Léa acquiesça en attrapant son propre café. « Aussi prête qu'on peut l'être pour une journée pleine de consultations juridiques. » Travailler comme avocate en droit des affaires n'était pas la carrière la plus passionnante du monde, mais elle lui offrait une certaine stabilité. Camille, quant à elle, était sa collègue au cabinet depuis deux ans. Elles formaient un duo complémentaire : là où Léa était calme et réfléchie, Camille était vive et intuitive, capable de capter les moindres détails.
La matinée se déroula sans encombre, rythmée par les dossiers à traiter et les rendez-vous avec des clients. Pourtant, Léa ne parvenait pas à se concentrer entièrement. Son esprit retournait sans cesse à Gabriel. Elle repensait à cette rencontre étrange, à la froideur implacable dans ses yeux, à la manière dont il avait fermé la porte sur ses propres émotions, comme pour les contenir derrière un mur de glace.
Vers midi, alors que Camille et Léa déjeunaient ensemble dans la salle de repos, Camille remarqua l'air préoccupé de son amie. « Quelque chose te tracasse ? » demanda-t-elle en mordant dans son sandwich.
Léa hésita un instant avant de répondre. « J'ai rencontré quelqu'un... enfin, je veux dire, j'ai croisé quelqu'un. Il est... étrange. »
Camille releva un sourcil, intéressée. « Un étrange intéressant ou un étrange bizarre ? »
« Plutôt les deux, » admit Léa en poussant un soupir. « Il est sombre, distant, et... je ne sais pas. J'ai l'impression qu'il cache quelque chose de lourd. »
Camille l'observa, ses yeux se plissant légèrement. « Il s'appelle comment ? »
« Gabriel. Je ne sais pas grand-chose de lui, en réalité. Il vit seul, dans un vieil immeuble pas loin de chez moi. Il est... tellement fermé, comme s'il portait le poids du monde sur ses épaules. »
Camille haussa les épaules, l'air pensif. « Méfie-toi des hommes comme ça, Léa. Ils ont souvent des démons qu'ils ne veulent pas partager. »
Léa hocha la tête, mais une partie d'elle était déjà trop curieuse pour faire marche arrière. Camille la connaissait bien, et cette lueur d'intérêt dans ses yeux ne passa pas inaperçue.
Le reste de l'après-midi s'étira en longueur, chaque minute semblant s'écouler plus lentement que la précédente. Léa essaya de se plonger dans son travail, mais les pensées de Gabriel ne cessaient de la distraire. Il y avait quelque chose chez lui, une douleur qu'elle reconnaissait sans pouvoir l'expliquer. Quelque chose de familier, qui la poussait à vouloir percer son armure de glace.
Une fois la journée terminée, Léa décida de ne pas rentrer directement chez elle. Une impulsion qu'elle ne comprenait pas la conduisit à marcher vers l'immeuble de Gabriel. Ce n'était pas une décision rationnelle, et pourtant, elle avait besoin de le revoir, de comprendre ce qui le rendait si distant, si inaccessible.
Arrivée devant l'immeuble, elle hésita un instant, puis prit son courage à deux mains et entra. L'ascenseur, vétuste, gronda tandis qu'il montait lentement. Arrivée au dernier étage, elle se retrouva devant la porte de Gabriel. Elle frappa doucement, presque en retenant son souffle. Il ouvrit après ce qui sembla une éternité, et ses yeux gris la fixèrent avec une froideur calculée.
« Léa ? Que fais-tu ici ? » demanda-t-il, sa voix calme, mais dénuée de chaleur.
« Je... » Léa chercha ses mots, soudainement consciente de l'absurdité de sa démarche. « Je voulais juste... te parler. »
Gabriel la scruta longuement, comme s'il essayait de lire dans ses pensées, avant de s'écarter pour la laisser entrer. L'appartement, sombre et dépouillé, reflétait parfaitement la personnalité de son occupant. Peu de meubles, aucune décoration personnelle. Un lieu froid, presque impersonnel.
« Assieds-toi, » dit-il en désignant le canapé. Il ne s'assit pas, restant debout près de la fenêtre, les mains croisées derrière le dos. « Qu'est-ce que tu veux savoir ? »
Léa se sentit soudainement mal à l'aise, comme si elle s'aventurait sur un terrain dangereux. « Je... je ne comprends pas. Pourquoi es-tu si... »
« Distant ? Froid ? » Gabriel termina la phrase pour elle, un sourire sans joie se dessinant sur ses lèvres. « C'est ainsi que je suis. Il n'y a rien à comprendre, Léa. »
Elle le regarda, essayant de percer ce masque impassible. « Tu ne peux pas être comme ça par choix. Il y a forcément une raison. »
Il détourna le regard, fixant l'obscurité au-delà de la fenêtre. « Certaines histoires ne sont pas faites pour être racontées. Elles sont mieux enfermées, oubliées. »
« Tu ne peux pas tout enfermer pour toujours, » murmura Léa, sa voix douce mais déterminée. « Cela finit toujours par revenir, d'une manière ou d'une autre. »
Gabriel la fixa à nouveau, cette fois avec une intensité qui la fit frissonner. « Crois-moi, Léa. Il vaut mieux que tu ne saches rien. Pour ton bien. »
Léa sentait la tension monter, comme un orage sur le point d'éclater. Mais elle ne pouvait pas simplement abandonner. « Tu as raison, je ne te connais pas. Mais je sais que personne ne mérite de vivre dans la solitude que tu t'infliges. »
Un silence pesant s'installa. Gabriel semblait lutter intérieurement, comme s'il était partagé entre l'envie de la repousser et celle de la laisser entrer. Finalement, il secoua la tête, ses traits se durcissant encore davantage. « Je ne peux pas te donner ce que tu cherches, Léa. Va-t'en. »
Léa se leva lentement, déçue mais résolue. « D'accord. Mais sache que je ne renonce pas facilement. Je veux comprendre, Gabriel. Je veux t'aider. »
Elle quitta l'appartement, sentant son regard peser sur elle jusqu'à ce que la porte se referme. Dehors, l'air frais de la nuit l'enveloppa, mais cela n'apaisa en rien l'agitation qu'elle ressentait. Quelque chose chez Gabriel l'attirait irrésistiblement, une douleur qu'elle ne pouvait pas ignorer. Mais elle savait aussi qu'il y avait des dangers à vouloir creuser trop profondément dans les secrets d'un homme aussi brisé.
Alors qu'elle marchait dans la rue déserte pour rentrer chez elle, elle se fit la promesse de ne pas reculer. Peut-être que ce serait difficile, peut-être même dangereux, mais elle sentait que c'était une épreuve qu'elle devait affronter. Et peut-être, en aidant Gabriel, elle finirait par se découvrir elle-même.
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Le Piège du Désir
RomanceDans un tourbillon d'émotions intenses, Léa rencontre Gabriel, un homme mystérieux dont le charme envoûtant dissimule des ténèbres profondes. Alors qu'elle tente de reconstruire sa vie après une série d'échecs personnels, Léa est irrésistiblement at...