Prologue

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Dans la nuit du 25 février 2010, nous étions partis nous aventurer dans la soi-disant « forêt maudite » de la ville de Castlewarf. Les rumeurs sur cet endroit, bien que plus qu'inquiétantes, ne m'avaient pas découragé, ce qui était loin d'être le cas pour mon ami.
- Olivier, détends-toi, ça va être une expérience de malade, tu verras ! m'exclamai-je.
- Tu es sûr ? Ce n'est pas trop dangereux ? Tu sais, Frank, c'est pas trop mon truc, les forêts hantées, les coins sombres et compagnies...
- Justement ! On tient un moyen de te faire surmonter tes peurs et de te dépasser ! Puis je suis là de toute façon, ce n'est pas comme si tu y allais seul.
- Je sais...
Son expression trahissait son angoisse, il n'avait clairement pas envie d'y aller. Mais je n'avais personne d'autre à qui demander. De plus, nous avions déjà fait les quatre cents coups ensemble, il était hors de question de faire ça sans lui.
Il respira un bon coup et bomba le torse pour se donner du courage :
- Après tout, tu as peut-être raison. Et comme dirait mon père, on n'a qu'une seule vie !
- Voilà ! C'est cet Olivier que je veux voir ! Tu ne seras pas déçu !
Je lui donnai un coup de poing sur l'épaule pour le féliciter et reportai mon attention sur la route. Le reste du trajet fut plus calme et après quarante minutes, nous arrivâmes enfin aux abords de cette fameuse forêt.
Je serrai le frein à main sur une étendue de terre déserte et regardai autour de nous. Le ciel était d'un noir profond comme rarement nous l'avions vu, comme s'il nous criait qu'il s'agissait là d'une très mauvaise idée. Mais téméraire comme j'étais, cela n'allait pas m'arrêter.
- Bon, ça y est, on est arrivés, dit mon ami.
- Allez, descends vite, qu'on ne perde pas de temps !
La première chose que je remarquai en posant le pied en dehors de la voiture fut le sol humide. J'avais bien fait de mettre mes chaussures montantes au risque de me retrouver avec les semelles trempées.
Le son des portières qui claquent résonne. L'ambiance était lugubre. Je ne décelais pas un bruit d'insectes, de chouette ou quelconque autre animal censé être présent dans les environs. Je sentais Olivier de moins en moins serein, mais tentais de le rassurer.
Très vite, nous nous dirigeâmes vers l'intérieur de la forêt et la lampe torche de mon acolyte commença à clignoter.
- Frank... Ma lampe déconne. J'ai changé les piles hier soir, moi je te le dis, c'est un signe !
- T'inquiète, essaie de les inverser, on ne sait jamais, il y a peut-être un faux contact.
Il effectua le changement en vitesse, mais malheureusement, nous ne constatons aucun changement.
- Je commence vraiment à paniquer là, Frank...
- Relax, je suis là, tu ne risques rien, OK ?
J'essaie de faire de mon mieux pour rassurer Olivier, mais je vois dans ses yeux qu'il n'a pas l'air totalement convaincu. Alors que je décidais d'avancer en premier pour montrer à Olivier qu'il n'y avait rien à craindre, je continuai à m'enfoncer dans cette forêt de plus en plus sombre et humide. Seuls les rayons lunaires, cachés derrière des nuages noirs dignes d'un film d'horreur, éclairaient mon chemin.
Après un long moment à progresser dans cette forêt ténébreuse, je ne ressentis plus aucune présence derrière moi. Je me retournai discrètement, craignant le pire, et mes craintes se réalisèrent devant mes yeux... Olivier avait disparu. Je cherchai alors des traces de pas, j'essayai de crier son nom, mais le seul son que j'entendis fut l'écho lugubre de ma propre voix résonnant dans cette forêt maudite.
Je décidai de m'asseoir quelques secondes sur un rocher humide, et à la vision que j'eus, mon cœur manqua un battement... Du sang... du sang encore frais, rouge vif, coulant le long du rocher. Je bondis alors loin de celui-ci, convaincu que cela ne pouvait être le sang de mon ami. Je me suis mis à courir aussi vite et aussi loin que possible. Peut-être trouverais-je la sortie de cet enfer ?
Je continuai ma course sans relâche, mais trébucha sur un caillou à moitié enterré dans le sol. Ne tenant pas compte de la douleur, je me redressai et essuyais mes genoux couverts de boue. Une fois relevé entièrement, j'entendis des bruits de branches d'arbres se briser derrière moi. Je me retournai brusquement, mais aucune présence n'était visible à l'horizon.
- Qui est là ?! S'il s'agit d'une blague, ce n'est pas drôle...
Aucun son, aucune voix. Je décidai alors d'ignorer ce qui venait de se passer et de continuer ma route, mais une silhouette un peu plus loin me paralysa. J'avais du mal à la décrire, je pouvais seulement dire qu'elle était immense, ressemblant à une ombre, avec des mains horriblement longues et fines. J'eus du mal à apercevoir son visage, mais il semblait pâle, comme si cette personne était malade.
- Qui êtes-vous ?
Un silence glacial se fit ressentir, et en un seul clignement des yeux... tout disparut, plus d'arbres, plus de forêt, plus rien. Tout, excepté cette silhouette immense que je parvins soudainement à mieux visualiser. Tous mes membres se mirent à trembler, la peur m'envahit. L'ombre face à moi était vraiment effrayante, loin de ce que je m'étais imaginé au premier abord...
Elle faisait presque deux fois ma taille, voire plus. Mais ce que je n'avais pas remarqué la première fois, c'était que cette chose n'avait pas de visage... elle semblait comme recouverte d'un drap blanc avec pour simples habits, un costume noir et une cravate rouge.
- Ton pire cauchemar ! clame-t-il d'une voix rauque et terrifiante.
Ses mots me donnèrent des frissons tellement puissants que mes jambes ne tinrent plus en équilibre, ce qui me poussa à m'effondrer par terre. En relevant la tête, tout était revenu à la normale. Ce monstre horrible... il avait disparu. Malgré mes membres tremblants, je ne perdis pas une seconde. Je courus en direction de la sortie de cet endroit terrifiant où je ne remettrais plus jamais les pieds.
Arrivé à la voiture, je bondis à l'intérieur encore paniqué, perdu, de ce qui venait de m'arriver. Je regardai dans le rétroviseur et... cette chose était là ! J'ignorais de quoi il s'agissait, mais je n'avais pas envie de le savoir, du moins pour l'instant... La peur avait pris le dessus. Je démarre le moteur et enclenche les vitesses les unes après les autres en direction de chez moi. Je devais retrouver la seule personne qui me restait à l'heure actuelle...
Arrivé chez moi, je fermai la porte à double tour, le front collé à la porte.
- Mon chéri, tout va bien ? demanda ma femme, inquiète.
À l'écoute de sa voix, je m'effondre par terre en larmes, m'accusant des événements que je venais de vivre. Pourquoi avais-je voulu l'emmener avec moi ? Pourquoi avais-je voulu aller là-bas ?
Après quelques minutes, toujours le dos contre la porte et la tête contre mes genoux, j'osai enfin lever les yeux, remplis de tristesse et de culpabilité, vers cette personne que j'avais épousée il y a maintenant trois ans.
Avec difficulté, je me levai avec l'aide de ma bien-aimée pour ne pas chuter à cause du tremblement de mes jambes, submergées par toute cette tristesse. Pendant que ma femme me préparait un café, je pris place autour de la petite table ronde de la cuisine, éclairée par un simple lustre noir suspendu au plafond. Elle revint vers moi avec la tasse à la main et posa mon café accompagné d'un morceau de sucre en face de moi. Elle s'installa sur la chaise à côté de moi et posa sa main sur la mienne encore vibrante.
- Alors, dis-moi ce qui ne va pas ? Les enfants sont couchés, ils n'entendront rien, je t'assure.
J'hésitai quelques minutes avant de me lancer. La peur qu'elle ne croie mon histoire ou qu'elle me prenne pour un cinglé me terrifie.
- Tu peux tout me dire et tu le sais. Je vois bien qu'il s'est passé quelque chose et je voudrais savoir de quoi il s'agit pour pouvoir t'aider.
Malgré ma voix tremblante et saccadée, je me lançai. Je ne pouvais pas rester sans rien dire et lui cacher ce qui s'était passé.
- C'est compliqué... je n'aurais jamais dû y aller... je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça... tout ça, c'est de ma faute...
- De quoi ? Je ne comprends pas très bien... J'ignore tout de ce qui s'est passé là-bas, sois plus clair... et comment va Olivier ? Tu es bien parti avec lui, non ?
- Olivier... Il... il n'est plus là...
- Comment ça ? s'inquiéta-t-elle
- Par où commencer...
Je lui expliquai la situation, de notre arrivée dans la forêt au dysfonctionnement de sa lampe, en passant par la disparition d'Olivier. Du sang retrouvé, de cette... chose et de ma fuite pour rentrer à la maison. Je savais que j'aurais dû rester pour le chercher, m'assurer qu'il ne restait pas une chance de le sauver... mais la peur me paralysait.
- J'ignore de quoi il s'agissait... je ne sais pas pourquoi il a fait ça... tout ce que je sais, c'est que cette forêt est réellement dangereuse, et que cette chose peut recommencer à n'importe quel moment...
Son regard est à la fois celui d'une personne tombant de haut et ayant du mal à tout assimiler.
- Je... je ne sais pas quoi dire. C'est vrai que je ne m'attendais pas à cette explication... Olivier... Qu'est-ce qu'on va dire à sa femme ?
- Je l'ignore... Je ne sais même pas s'il est encore en vie, blessé, ou s'il s'est perdu... je ne sais pas...
- Écoute, tu sais ce qu'on va faire ? Demain matin, tu iras au poste de police leur expliquer tout ce qui s'est passé de A à Z. Ils trouveront sûrement un moyen de le retrouver et essayer de voir qui aurait bien pu faire ça. Tu es d'accord pour le faire ?
- Et s'ils ne me croient pas ?
- Ils vont te croire, et si ça se trouve, ce n'est peut-être pas la première fois que ça arrive... Ou alors tu dis simplement que vous vous êtes fait agresser dans cette forêt...
- Oui, espérons que ça fonctionne.
Après cette longue discussion tenace, nous décidâmes, moi et mon épouse, d'aller nous coucher et d'essayer de mettre tout cela de côté le temps d'une nuit.
Le lendemain matin, vers neuf heures et demie, je me levai avec une fatigue et une migraine intenses. Je me dirigeai vers la salle de bain pour me préparer à aller au commissariat de police. J'avais ruminé toute la nuit, impossible de trouver le sommeil. La disparition d'Olivier et l'homme étrange n'avaient pas voulu quitter mon esprit. Je les voyais partout dès que je fermais les yeux.
Une fois prêt, je me dirigeai vers la cuisine pour me servir une tasse de café. Personne n'était à la maison. Les enfants avaient déjà rejoint l'école et ma femme était au travail. Je me retrouvais seul à la maison avec le chien, notre labrador de cinq ans. Après avoir bu mon café et m'être occupé du chien, je sortis de chez moi et fermai la porte à double tour.
Je montai dans ma voiture, toujours bouleversé par l'événement de la veille, et me mis en route vers le commissariat le plus proche qui se trouvait à cinq kilomètres de chez moi. Je me garai sur le parking public et me dirigeai vers l'entrée du bâtiment. Je me présentai à l'accueil et un policier me prit en charge très rapidement, ce qui m'étonna un peu.
Arrivé dans son bureau, il s'installa sur une chaise en face de son bureau.
- Alors, qu'est-ce qui vous amène ici, monsieur ?
- Eh bien... J'ai vécu quelque chose d'un peu... bizarre hier soir. J'aimerais que vous m'aidiez, si cela est possible, bien entendu...
- Allez-y, je vous écoute.
Évidemment, je répétai la même histoire que celle racontée à ma femme la veille et l'état dans lequel j'étais. Pendant mon explication, la réaction du policier me perturba. Ses mimiques, son calme, c'était comme s'il avait déjà eu affaire à ce genre d'événement.
- Vous pourriez me décrire l'homme en question ?
Il sortit un carnet de notes et attendit ma réponse.
- Oui, bien sûr. Il était plutôt immense. Je dirais trois ou quatre mètres de haut, avec de longs doigts fins et pointus. Un costume et...
- Et pas de... de visage, je suppose ? me coupa-t-il.
- O... oui ! C'est ça, mais comment...
- Pour tout vous dire, nous avons déjà eu affaire à ce genre d'homme l'année dernière. J'ai bien peur qu'il soit revenu, alors je vais vous demander de rentrer chez vous et de ne plus vous approcher de cet endroit. Avec mes collègues, nous allons nous diriger sur place et mettre en place les protocoles nécessaires pour éviter que cela n'aille plus loin.
- D'accord... Eh bien, je vous remercie beaucoup... j'espère que vous retrouverez Olivier...
Il ne répondit pas, comme pour éviter de me donner de faux espoirs. Je lui serrai la main et repartis dans ma voiture avec un sentiment un peu étrange. Je ne saurais pas vraiment décrire ce que je ressentais, mais j'étais bien content de me dire que je n'étais pas la seule personne à avoir déjà eu affaire à cet homme.
De retour chez moi, je referme la porte à clé derrière moi et enlève mes chaussures pour m'installer sur le fauteuil. Je devais essayer de ne plus penser à tout ce qui s'était passé. Mais comment étais-je censé m'y prendre alors que mon ami avait disparu...

Pourquoi moi ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant