08 • Un sentiment nouveau

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Fatma Sy, Les jardins du Flamboyant, Ziguinchor

De retour à l'hôtel, mon employeur fend l'air devant nous, se hâtant vers l'ascenseur avant de se fondre dans l'ombre. Je me retrouve seule en compagnie de Mr Idriss.

— Une détente serait bien méritée après tout cela, Fatma. Ça te ferait du bien aussi, tu sais. Accepterais-tu de m'accompagner pour un verre ? Pour me faire pardonner de l'incident du matin. Me demande-t-il avec un léger sourire en coin.

Je réfléchis un instant. Et je ne pense pas que ça soit une bonne idée.

— Je crains que ce ne soit pas le moment opportun. Je préfère rester ici, et je n'ai pas vraiment la tête à sortir. Dis-je.

— Je sais ce que tu as derrière ta petite tête. Je ne te le conseille pas, très cher... Me dit-il. Laissez donc ce souci à Isaac, ce robot. Venez plutôt partager ce verre avec moi.

J'esquisse un sourire amusé.

— J'aurais bien aimé vous accompagner, mais une autre fois, Mr Idriss.

— Bien, je suis ravi de vous avoir revu dans ce cas.

Il me salue une dernière fois avant de disparaître lui aussi vers la sortie. De mon côté, je m'avance vers la réceptionniste, je lui passe mon salut avant de lui demander le numéro de chambre de Mr Grincheux, et elle me le donne sans hésitation en me souhaitant une bonne journée.

Bonne journée ? Tu parles. Tout ce dont j'ai besoin en ce moment, c'est du courage, car plus je m'avance vers l'ascenseur, plus les battements de mon cœur s'accélèrent : je ne sais pas si c'est une bonne chose d'aller le voir kheyneu dafa merr ba légui. (Si ça se trouve, peut-être qu'il est toujours sur les nerfs.)

Arrivée à l'étage, je prends une profonde inspiration avant de frapper à sa porte. Quelques secondes plus tard, il s'ouvre sur lui toujours aussi séduisant, même avec son expression énervée sur son visage.

D'ailleurs, il n'a plus son costume, mais un simple jogging gris et un T-shirt blanc. La tenue typique des jeunes de notre génération, sans oublier ses cheveux mouillés : il vient de sortir de la douche sûrement, je me mets à l'examiner sans possibilité de me retenir.

— Que voulez-vous ? Me demande-t-il.

— Je v...voulais juste savoir comment vous allez ?

— À votre avis ? Je me serais bien passé de ce fichu imprévu, croyez-moi. M'affirme-t-il.

Nous pouvons bien reprendre l'avantage, j'en suis certaine, mais tout dépendra de lui.

— Alors... Vous vous avouez vaincu ?

— Jamais, elle ne sait pas à qui elle a affaire, elle s'est attaquée à la mauvaise personne. Dit-il, le regard ailleurs.

Pour la première fois depuis mon arrivée, je vois dans son visage de l'amertume, lui qui est tout le temps confiant. Il s'est créé une carapace pour ne pas montrer son mal-être. Il ne devrait pas, il se fait du mal pour rien. Et je trouve cela triste...

— Vous êtes sûr de ne pas vouloir en parler, Mr Isaac ? Osé-je lui demander.

J'en suis sûre qu'il ira mieux quand il aura évacué tout ce stress. Trop de responsabilités pèsent sur lui, il en fait un peu trop, je trouve. N'oublions pas qu'il est humain aussi. Il passe ses mains sur son visage avant de me dire qu'il veut bien discuter. C'est déjà ça.

— Je pense que nous serons plus à l'aise à l'intérieur qu'ici, suivez-moi.

J'accepte de le suivre.

OBSESSION MALSAINE - T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant