Chapitre 1

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La lumière du matin perce peu à peu mes paupières, j'ouvre puis je referme les yeux. Il a l'air de faire beau temps, mais je dors trop bien pour m'éveiller sur le champ et vérifier. Je me mets sur le côté et pose délicatement ma tête sur mes mains déposées sur l'oreiller. Ma tête se heurte au bracelet qui entoure mon poignet. J'ai dû l'oublier de l'enlever hier soir. Impossible, je sors de mon sommeil et réfléchis : il n'y a pas eu d'hier soir, je ne suis pas rentré chez moi... pourtant je suis dans mon lit. Un frisson me parcourt l'échine. Je suis figé, après avoir pris le temps d'observer le sol, la table de nuit et la couleur de mon oreiller, mon cœur se met à battre de plus belle. Je ne suis pas dans mon lit. Je ne suis pas chez moi.

Alors je prends mon courage et m'assois sur le lit. Confirmation, je ne suis pas dans mon appartement. Ce n'est pas ma petite chambre payée par mes parents que je partage avec ma colocataire et meilleure amie. Non, la chambre dans laquelle je me trouve est grande et lumineuse. En face de moi se trouve une bibliothèque qui, même malgré le stress, me fait envie. Je balaye la pièce du regard : je suis dans un lit deux places, mais il n'y a que mon oreiller et la place d'à côté n'a pas l'air d'avoir été utilisée cette nuit. C'est déjà ça. Sinon, il y a une armoire et une table de nuit en bois, et une coiffeuse noire.

Lentement et discrètement, comme pour ne pas me faire prendre, je me lève et me rapproche de la fenêtre. Je suis dans un appartement, et de ce que je vois, toujours à Paris. Je remarque que je suis habillé comme la veille, à l'exception de mes chaussures que je n'ai plus à mes pieds. La porte de la chambre n'est pas complètement fermée, pour autant je ne vois pas l'autre pièce qui se cache derrière. Je fixe cette porte, j'essaie de calmer ma respiration et de me souvenir de ce qui s'est passé hier soir.

Je me souviens, j'écoutais Taylor Swift, j'avais oublié... ah oui, ma batterie dans le bureau de M. Morelle et quand je suis allé la récupérer... je me rappelle de la vision troublante et effrayante de mon patron transpirant, ligoté à sa chaise. Mes yeux s'écarquillent. Où est-ce que je suis tombé ? J'ai été emporté dans un autre monde comme dans les livres ? Ou alors l'un de mes nombreux bookboyfriends est apparu dans le vrai et m'a amenée avec lui ?

Brune, stoppe ! Tu n'es pas la protagoniste d'un roman de fantasy ou encore moins celle d'une romance ! Il faut que j'ouvre cette porte. Elle est peut-être ma destinée ou la dernière chose que je vais apercevoir. J'avance, j'ouvre la porte en fermant les yeux. J'attends une, deux, trois secondes, rien ne me saute dessus. Je m'autorise à ouvrir les yeux. Mes pieds se plantent dans le sol. À quelques mètres de moi se trouve un canapé dans lequel est assis un homme.

Cet homme n'a pas l'air vieux, je dirais la vingtaine. Ses cheveux bruns et courts sont en accord avec ses yeux marron si foncé que je les ai d'abord crus noirs. Son teint est clair, sa mâchoire bien dessinée et ses joues très légèrement creusées. Il est vêtu d'une sorte de col roulé noir. Autour de son cou, pendue à une chaîne en or, une bague sublime surplombée par ce que je crois être du rubis. Elle est gravée, mais je ne m'attarde pas sur la gravure. Il a un pantalon en toile noir assez basique. Il est étrangement beau, mais ça ne me rassure pas du tout. Au contraire, c'est carrément flippant. Et cet homme me fixe. Je dois avoir l'air terrifiée et honnêtement, c'est ce que je suis. Il sourit et une fossette apparaît au coin de sa bouche. Je ne sais pas quoi faire, pas quoi dire, à vrai dire je ne réalise pas trop ce qui est en train de se passer. Alors, pour briser le silence, je lâche :

- Qui êtes-vous ?

Alors il sourit de plus belle et me répond

- Abel Corvus pour vous servir

Puis il reporte son attention sur l'ordinateur portable posé sur ses genoux que je n'avais même pas remarqué avant. A-b-e-l, je ne connais pas d'Abel et encore moins d'Abel Corvus. Je n'ose rien dire, j'ai envie de lui demander pourquoi ? Qu'est-ce que je fais ici ? Mais la première phrase qui sort de ma bouche est :

- Je m'appelle Brune...

Je n'ai pas le temps de continuer. Il me coupe sans même me regarder :

- Tu t'appelles Brune Martin, tu as 18 ans, tu vis dans un appartement partagé avec ta meilleure amie, ce sont tes parents et les siens qui paient le loyer. L'appartement leur évite de déménager à Paris, d'ailleurs ça t'arrange parce que tu ne t'entends plus avec eux. Tu adores les livres, tu lis énormément. Tu aimes aussi les musées et l'art en général. Tu es une grande fan de Taylor Swift et d'Olivia Rodrigo. Tu es aussi la meilleure élève de ta classe, tu aimes les animaux mais tu as une préférence pour les chiens. D'ailleurs, tu as un labrador chez tes parents, il s'appelle Sisi. Tu es sérieuse, tu travailles bien, tu fais du baby-sitting pour avoir un peu d'argent. Tu es généreuse, tu es la jeune fille que tout le monde rêverait d'avoir dans sa vie. Tu as été élevée près de Versailles mais tu n'y es pas née. Tu aimes bien la nature et ta fleur préférée est de loin la tulipes. Je ne vois pas de choses essentielles à rajouter, mais tout ça pour te dire que tu n'as pas besoin de te présenter. Je sais exactement ce que tu es et ce que tu vaux, Brune.

Après avoir fini, il se remet à sourire, mais ne me regarde pas. Je suis bouche bée. Comment sait-il tout ça ? Puis je me souviens de ce qui s'est passé hier. Alors, je le questionne :

- C'est toi qui as ligoté M. Morelle hier ?

- Peut-être,

me répond-t-il avec un petit rire.

- Qu'as-tu fait de lui ?!

- Tu ne le reverras pas.

Ma mâchoire tombe. Cet homme est un PSYCHOPATHE. Je calcule la distance entre ma position et la porte d'entrée... clairement, je ne cours pas assez vite. Alors, je continue la discussion.

- La police va te retrouver et puis tu as pensé à sa femme et ses enfants ? Et où est-ce que je suis là-dedans ?! Je n'ai rien à voir avec cet homme ! Il est juste mon supérieur et encore !

Cette fois, il éclate de rire. Son rire est clair et rempli de sarcasme. Il se moque clairement de moi. Il finit par me répondre :

- Ne t'inquiète pas, personne ne viendra signaler sa mort, son entourage l'a oublié.

Personne ne peut oublier son père, son frère, son mari, si ? Je lui demande

- Comment ça ?

- Littéralement.

Alors il accompagne cette parole d'un petit geste de la main et une boule s'installe dans mon estomac. L'homme, enfin Abel, porte des gants. Des gants griffus, ou plutôt des gants ayant pris la forme d'une main griffue. Cet homme n'est clairement pas net. Il y a quelque chose qui ne colle pas, qui ne va pas. Je commence à observer chaque petit détail autour de moi. Puis mon attention se porte sur son ordinateur où est affiché une messagerie. Un message d'un correspondant est visible : « Pourquoi tu ne lui as pas lavé le cerveau comme les autres ? » Je sens mes mains trembler et mon pouls s'accélère. Puis, comme pour me ramener à la réalité, il claque des doigts. À nouveau, j'aperçois ses gants.

- Pas de panique,

me dit-il avec une voix qui se veut plus douce. Alors, troublée, je lui réponds :

- Qu'est-ce que j'ai fait de mal ?

Il sourit.

- Rien, je te le promets.

Alors, je passe un moment à discuter avec lui pour essayer de faire disparaître ma peur. Je le questionne tout d'abord, puis je dérive sur d'autres sujets. Il a le visage des gens qui écoutent sans jamais parler ni interrompre. Je ne le connais pas, lui apparemment me connaît mieux que personne ... il pourrait être mon futur assassin mais je continue à parler. Quelque chose m'interpelle quand il finit par me dire que je peux rester et que c'est même dans mon intérêt, mais que surtout il faut que j'évite de rentrer chez moi. J'ai peur, bien plus qu'il ne le croit. Alors, je prends une décision, peut-être lâche, mais peu m'importe. Je vais sortir quand il sera parti, car il m'a annoncé qu'il partirait dans une heure et qu'il reviendrait ce soir. Et une fois sortie, je retournerai chez moi et oublierai ce jeune homme à jamais. Que ma vie reprenne son cours. Que je continue la vie avec Emma, ma meilleure amie. D'ailleurs, j'y pense, c'est étrange qu'elle ne se soit pas inquiétée de mon absence et que mes professeurs n'aient pas appelé mes parents. Bon, tant pis, ça doit être une erreur.

POMEGRANATE || Première versionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant