Chapitre 4

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Deux sigils se trouvaient là, gravés sur la cime de deux chênes massifs, comme les seuls témoins des actes abominables accomplis. Comme des signatures d'un artiste incompris qui le restera. L'un arborant un carré, l'autre un triangle. Il ne restait plus que deux sigils, deux fois sept jours. Deux semaines avant que son dieu n'arrive. Elle ne savait pas quel type de dieu pouvait-il servir, celui du chaos, ou le diable directement. Mais elle en était certaine, si elle trouvait ce dieu et son prophète, elle deviendrait cet ange déchu qui décapitait le Père de chaque homme. Soit disant nous étions son reflet, alors elle tuerait cette image, elle ne changerait pas la face des hommes, mais se vengerait du soi-disant créateur.

Les deux corps étaient étendus dans le même sens, à même la terre. Comme s' ils avaient pu avoir une cérémonie d'hommage, mais il n'y aurait rien, ne serait-ce qu'une pierre tombale, des fleurs. Elle comprenait que ce sigil sur l'arbre derrière sa sœur serait la seule épitaphe à laquelle elle n'aurait jamais droit.

Innocent et pur

L'enfant est malléable, ses os, son époux, sa peau

L'enfant n'a pas d'époux, l'enfant ne fait pas semblant

Seulement, l'enfant ne le reste pas longtemps, être grand vite,

Vite, vite, pousse comme une plante, qui pousserait même dans un désert aride de tout amour

Un enfant doit être adulte, pas joyeux

Alors je l'ai figée, j'ai pris cette innocence et ce sourire pour le garder au chaud, au fond de mon esprit.

A quelques mètres, l'autre corps d'une fille évaporée depuis des semaines, dans le même état que celui de sa sœur.

Etre magnifique

Passe de jeune fille, à mère, puis à mure

La femme est un etre trop bon

Pour autres hommes avide de posséder

Posséder pour venger cette haine

Posséder en s'appropriant le souffle chaud, la peau, la chair

La scène avait été balisée, et Vallier était incapable de détourner ses yeux de la scène alors que toutes les suppositions de la police scientifique s'enchainaient et fusaient. Elle se trouvait debout, animée à 7 mètres du corps de sa sœur, inerte. Son expression figée dans une haine pure, vide. Son seul souffle, vivant, manifestant de sa promesse non tenue, de sa honte d'elle, être encore en vie face à ce corps. Haine contre lui, ou celle qui n'a rien pu empêcher, elle ne le savait pas. Elle avait pitoyablement échoué.

Seress était sur les lieux, la tenant près d'elle comme un père, l'expression sinistre. Il l'aidait à détourner ses yeux du corps lacéré, à la peau autre fois si douce et fine, maintenant souillée de toute part. Les corps avaient été emmenés et examinés par le médecin légiste. Son regard vide suivait le sac mortuaire noir jusqu'à ce qu'il disparaisse dans l'ambulence. Quelques heures plus tard, les termes s'enchaînaient par les médecins revenus pour informer Eléonore. Des marques de strangulations et d'asphyxie au niveau du cou. Remarquée par des rougeurs et des teintes bleutées. Des lacérations et mutilations sur les membres, beaucoup de veines sectionnées intentionnellement. Surement faites avec un couteau de chasse ou une lame aiguisée, fine. L'on avait retrouvé des traces évidentes de semences, sur les deux corps.

On les avait laissées se vider de leur sang et vomir pendant les agressions. Le goût de la bile la prenait à chaque ligne et elle cachait ses yeux dans ses mains pour encaisser les descriptions. Seress, le regard insistant fit comprendre aux médecins de partir. Mais c'était trop tard, les images étaient là, gravées. Et le pire fut qu'elle les savait déjà. Devant le corps de sa sœur, elle avait scruté chaque détail, analysé le cadavre de sa propre sœur, ce qu'elle avait subie pendant surement des jours, des semaines.

Les heures passèrent dans un brouillard de sons distants, et de perceptions lointaines pour Vallier, le monde semblait se réduire à ce moment précis, figé dans le temps. Des visages méconnaissables s'enchainaient devant elle, elle acquiescait, ils repaertaient. Alors que ses collègues s'activaient autour d'elle, tout devenait flou, presque irréel. Les conversations autour d'elle n'étaient qu'un bruit de fond jusqu'à ce que Lefèvre la rejoigne, une expression grave sur le visage.

« Éléonore, on a trouvé quelque chose... » Sa voix était basse, mesurée, comme s'il essayait de ne pas la briser davantage.

Il l'amena vers le groupe de policiers déjà réunis autour de l'indice.Une longue trace de pneus dans la boue. Alex se pencha près de la trace qui continuait sur une dizaine de mètres avant de s'effacer.

Vallier était perplexe, regardant son collègue arpenter la marque de long en large, se grattant le crâne. "Ça a l'air ancien." - "Ancien comme une deux chevaux ou une américaine ?" demanda un autre "On dirait bien une deux chevaux, Vallier ?" Ils se tournèrent vers elle, elle acquiesça, avant de confirmer, hésitante car n'étant pas autant calée en automobile qu'eux. "Ça ressemble à ce que j'ai entendu ce matin oui.". Il fouilla ensuite dans la boue, pensant voir quelque chose, il alla ensuite montrer à Vallier ce qu'il avait dans sa paume. Un clou tordu et un ruban adhésif noir.

Après quelques minutes à regarder chacun de ses collegues dans le blanc des yeux il se tourna vers Sébastien, perplexe. "Seb ? Est-ce que l'on pourrait te parler ?"

Eléonore serrait fermement les accoudoirs de son fauteuil. Elle ne se souvenait pas s'être assise. Face à elle, Alex buvait silencieusement son café, ou plutôt faisait tourner la cuillère dans le liquide en le fixant placidement. Un silence de mort régnait. Seuls quelques murmures transperçaient les fines cloisons, des suppositions, des paris, des théories. Elle, enchaînait les cigarettes au point ou la pièce avait pris l'apparence d'un fumoir ces derniers jours. Ils attendaient tous les trois leur réponse.

Soudain, un Major entra dans le bureau, toussota un peu et fit dégager une partie du nuage de fumée. Il ajusta son képi et annonça au capitaine, l'air presque désolé et d'une voix bourrue. "Les résultats ADN sont arrivés, les échantillons de Monsieur Moreau correspondent avec la semence. Retrouvée sur.." il s'arrêta quelques instants, regardant tout autour, les mains dans les poches. Eléonore le pressa d'un geste de la main, le regard fixe et sévère "Le sperme oui, et ?"

Et l'on a retrouvé des bijoux féminin dans sa voiture ainsi que du sang correspondant à celui des victimes. Il a été mis en examen et se défend en disant que sa voiture était au garage pour ses pneus depuis la veille au soir.

Tss.. Foutaises. grommela-t-elle, son expression tordue de dégout. Elle continua, dédaigneuse. "Et ses alibis ? Qu'est-ce qu'on a ?"

Rien de convainquant, au premier sigil il se trouvait à un péage de l'A6 pour des contrôles, le couble, il était près de Sens pour "voir de la famille", puis vous avez bien vu qu'il était le premier sur la scène de crime, soit-disant pour côtoyer des travailleuses du sexe. Pour la prostituée, il était à Appoigny, là ou elle a disparu ce jour-là, je vous laisse deviner pourquoi.

Il hésita un moment, mal à l'aise avant de finir "Pour votre sœur il a déclaré qu'il "connaissait à peine cette gamine". Mais il n'a donné aucun alibi."

Le salaud.. jura-t-elle.

Ne vous en faites pas, le procès ne le loupera pas, l'on a toutes les preuves qu'il faut et quelques témoignages.

De qui ? Qui y a survécu ?

Des prostituées, des femmes de son entourage. C'était connu ici qu'il était salace. Dit Alex d'un air dédaigneux.

Le major hocha la tête, les salua et se retira après leur avoir donné la date du procès. Une fois la porte fermée, Vallier sentit ses yeux lui brûler, était-ce par plaisir ? Chagrin ? Ou la fumée ? Elle ne savait pas.

Le lendemain, un appel sinistre, celui de Seress, affolé.

"Oui Eléonore ..? Je.. J'ai eu le Major au téléphone, Moreau, le Prophète est mort.

Elle se figea, laissa tomber sa cigarette au sol, incrédule, ne comprenant rien.

Q-quoi ..?

Oui, il s'est suicidé dans sa cellule en se.. Il s'est noyé dans les toilettes. C'est fini Eléonore.

"L'ENCULÉ !" jura-t-elle, pensant, emplie d'une rage lui montant aux yeux. Il leur avait échappé, lui et tous ses secrets, ce qu'il aurait dû avouer, dire. Et meme si ce suicide était un avoeu de ses crimes, c'était surtout une fuite, une fuite qui les laissait sans réponses.

Le Chant des Sigils (Thriller psychologique)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant