Chapitre 2 : La Danse des Ombres

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L'appartement d'Elena était plongé dans l'obscurité, un reflet parfait de l'état de son esprit. Assise sur le rebord de son lit, ses doigts serrant nerveusement la couverture, elle repensait à cette rencontre avec Gabriel. Ses paroles, ses gestes, tout en lui semblait calculé, destiné à éveiller quelque chose en elle qu'elle avait longtemps enterré. Mais quoi ? Et pourquoi lui ? Pourquoi cet homme l'avait-il choisie, et pourquoi n'arrivait-elle pas à échapper à son emprise ?

Le silence de la pièce était presque oppressant, brisé uniquement par le bruit occasionnel des voitures qui passaient en contrebas. L'air semblait chargé d'une tension électrique, une tension qu'elle ne parvenait pas à dissiper. Malgré ses efforts pour garder son calme, son esprit revenait toujours à cette soirée, à cet échange troublant. Ses paroles, son regard... tout en lui hurlait danger, mais quelque chose en elle refusait de se détourner.

Elle se leva brusquement, cherchant à échapper à ses pensées en se dirigeant vers la petite fenêtre de son appartement. Le paysage nocturne de Verone s'étendait devant elle, les lumières de la ville jetant des ombres inquiétantes sur les murs de la ruelle en contrebas. Elle avait choisi cet endroit pour son anonymat, un refuge où personne ne viendrait la chercher. Mais ce sentiment de sécurité semblait maintenant dérisoire.

Elle se surprit à chercher inconsciemment Gabriel dans les ombres, comme si sa présence obsédante s'était glissée dans chaque recoin de son esprit. Une part d'elle-même voulait qu'il soit là, qu'il l'observe, mais l'autre partie – celle qui avait appris à survivre à tout prix – savait que sa présence ne pouvait signifier que des ennuis.

Ses pensées furent brusquement interrompues par une vibration sur la table de chevet. Son téléphone. Elle hésita avant de répondre, son cœur battant à tout rompre. Qui pouvait bien l'appeler à cette heure ? Lorsqu'elle vit le nom s'afficher sur l'écran, elle sentit une bouffée de soulagement. C'était Marco.

"Elena," dit-il dès qu'elle décrocha, sa voix grave trahissant une inquiétude sous-jacente. "Est-ce que tout va bien ?"

Elle s'efforça de garder une voix calme. "Oui... Je crois. Pourquoi ?"

Il y eut une pause au bout du fil. "Cet homme... Gabriel. J'ai fait quelques recherches après qu'il soit parti. Il n'est pas... disons qu'il n'est pas quelqu'un à qui on veut s'attirer des ennuis."

Elena sentit son estomac se nouer. Elle avait déjà deviné que Gabriel n'était pas un homme ordinaire, mais entendre Marco le confirmer rendait la menace plus tangible. "Que veux-tu dire par là ?" murmura-t-elle.

"Il est impliqué dans des affaires louches, des choses dont tu ne veux probablement pas connaître les détails," répondit Marco. "Je pense que tu devrais faire attention, Elena. Cet homme... il ne fait pas que suivre les règles de son propre jeu, il en crée de nouvelles."

Elena ferma les yeux un instant, essayant de calmer la tempête intérieure qui faisait rage en elle. "Merci, Marco," dit-elle finalement, sa voix tremblante malgré elle. "Je vais faire attention."

Elle raccrocha avant que Marco ne puisse ajouter quoi que ce soit d'autre. Elle n'avait pas besoin d'entendre plus de mises en garde ; elle savait déjà que Gabriel représentait un danger. Mais ce qu'elle ne comprenait pas encore, c'était pourquoi elle ne pouvait pas se résoudre à simplement l'éviter.

Il y avait quelque chose en lui qui l'attirait, quelque chose qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps – un mélange de crainte et de désir. Elle secoua la tête, refusant de laisser ces pensées prendre le dessus. Elle ne pouvait pas se permettre de baisser sa garde.

Et pourtant, une part d'elle savait déjà qu'il était trop tard. Le piège s'était refermé autour d'elle dès leur première rencontre.

Le lendemain soir, Elena retourna au Raven's Den, bien qu'une petite voix intérieure la suppliait de ne pas y aller. Elle avait toujours été attirée par le danger, mais cette fois, il s'agissait de bien plus que cela. Gabriel avait allumé une flamme en elle qu'elle ne parvenait pas à éteindre. Une partie de son esprit rationnel lui hurlait de fuir, mais ses pieds la conduisaient malgré tout vers ce bar, vers l'inconnu.

À son arrivée, Marco l'accueillit d'un regard lourd de sens, mais il ne dit rien. Il savait qu'Elena faisait toujours ses propres choix, même si cela la mettait en danger.

Elena prit place à son habituel tabouret au comptoir, et sans un mot, Marco lui servit un verre de vin. Il resta silencieux, mais son regard en disait long. Elle n'était plus en sécurité ici, mais quelque chose en elle la retenait dans cet endroit, comme si elle attendait inconsciemment la suite.

Et elle ne tarda pas à la voir.

Gabriel entra dans le bar, sa silhouette imposante attirant immédiatement l'attention. L'air sembla se figer autour de lui, chaque mouvement calculé et empli d'une confiance froide. Elena le sentit avant même de le voir, une tension invisible s'étirant entre eux comme une corde prête à se briser.

Il la rejoignit au comptoir sans un mot, ses yeux glacés se posant sur elle avec une intensité presque déstabilisante. Elle sentit son cœur s'accélérer, mais elle refusa de détourner le regard. Elle n'allait pas le laisser gagner aussi facilement.

"Tu es revenue," dit-il calmement, sa voix grave résonnant dans l'air comme une promesse non tenue.

Elena prit une gorgée de vin, tentant de masquer son malaise. "Pourquoi ne le serais-je pas ? Ce bar est assez grand pour nous deux, non ?"

Gabriel esquissa un sourire énigmatique. "Tu sais aussi bien que moi que ce n'est pas une question d'espace."

Elle fronça les sourcils, sentant sa patience s'amenuiser. "Alors qu'est-ce que c'est, Gabriel ? Qu'est-ce que tu attends de moi ?"

Il s'approcha légèrement, réduisant l'espace entre eux, son regard perçant droit dans le sien. "Je veux que tu arrêtes de fuir. Que tu acceptes ce que tu es."

"Et qu'est-ce que je suis, selon toi ?" répliqua-t-elle, son ton défensif.

Gabriel posa sa main sur le comptoir, proche de la sienne sans la toucher, créant un contraste déstabilisant entre distance et proximité. "Tu es comme moi," murmura-t-il, ses mots lourds de sous-entendus. "Brisée. Mais pas irréparable. Tu as encore des parties de toi que tu refuses de voir."

Elena sentit un frisson courir le long de sa colonne vertébrale. Ses paroles la touchaient plus profondément qu'elle ne voulait l'admettre. Il voyait à travers elle, comme si chaque mur qu'elle avait érigé au fil des années n'était qu'une façade fragile à ses yeux.

"Tu ne sais rien de moi," rétorqua-t-elle finalement, sa voix un peu plus faible qu'elle ne l'aurait voulu.

Gabriel laissa un silence s'installer avant de parler à nouveau. "J'en sais plus que tu ne le penses." Puis il se redressa, rompant cette tension presque insupportable. "Mais tu finiras par voir. Je suis patient, Elena."

Elle le regarda partir, incapable de bouger. Ses mots résonnaient encore dans son esprit, laissant derrière eux un poids lourd et oppressant. Il était comme une ombre qu'elle ne pouvait pas échapper, toujours là, à la fois distant et terriblement proche.

Plus tard cette nuit-là, alors qu'Elena tentait en vain de trouver le sommeil, des souvenirs qu'elle avait enfouis refirent surface. Des images de son passé – de la nuit où elle avait dû tout abandonner, fuir son ancienne vie pour se protéger. Les visages des hommes qu'elle avait laissés derrière, des menaces qu'elle avait esquivées de justesse, hantaient son esprit. Gabriel, avec ses yeux perçants et ses paroles énigmatiques, avait ravivé des souvenirs qu'elle avait tout fait pour oublier.

Et quelque part, elle savait qu'il en était conscient.

Mais comment ? Comment pouvait-il comprendre ce qui la tourmentait ? Ses pensées s'embrouillaient, mêlant désir, peur et une fascination presque malsaine pour cet homme mystérieux qui semblait la connaître mieux qu'elle-même.

Sous l'emprise des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant