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Depuis la première fois où j'avais croisé son regard, Elias avait su éveiller en moi une curiosité que je n'avais jamais ressentie auparavant. C'était un mélange d'intrigue, d'attirance et de mystère. Il semblait toujours en contrôle, mais derrière cette façade, je sentais qu'il cachait des secrets. Et malgré cela, ou peut-être à cause de cela, je m'étais laissée entraîner par ce charme sombre et magnétique.

Nos premières conversations étaient superficielles, mais je m'étais vite rendue compte qu'Elias me faisait me sentir spéciale. Il semblait voir à travers moi, lire mes doutes, mes peurs, sans que je ne dise un mot. C'était effrayant, mais aussi réconfortant. Il était comme un miroir sombre qui reflétait mes propres incertitudes tout en m'attirant irrésistiblement vers lui.

Je me souvenais particulièrement de ce soir-là dans le parc. J'étais sortie de la fac, épuisée par une journée interminable de cours et d'études. L'idée de rentrer chez moi, de me retrouver face à mon propre reflet dans le miroir, me semblait insupportable. Alors, j'avais pris le chemin du parc, espérant que l'air frais et le calme de la nuit m'apaiseraient.

Je m'étais assise sur un banc, les épaules affaissées, le regard perdu dans le vide. C'est là qu'Elias était apparu, comme s'il avait su exactement où me trouver. Il s'était assis à côté de moi sans un mot, laissant le silence s'installer entre nous. Ce silence n'était pas inconfortable, au contraire. Il avait quelque chose de complice, de rassurant.

« Tu sembles épuisée tatlim » avait-il fini par dire, brisant la quiétude de la nuit.

« Juste un peu, » avais-je répondu, tentant de minimiser l'ampleur de mon malaise.

Mais il n'avait pas été dupe. « Tu sais, parfois, on porte trop de poids sur ses épaules. On essaie de tout gérer, de tout contrôler, mais on finit par se perdre. »

Ces mots avaient trouvé un écho en moi. Ils résonnaient avec une vérité que j'avais refusé de voir. « Et toi ? » lui avais-je demandé. « Tu as l'air de porter pas mal de poids toi aussi. »

Il avait souri, un sourire triste qui m'avait serré le cœur. « On a tous nos fardeaux. Mais il ne faut pas les laisser nous détruire. »

Ce soir-là, Elias avait réussi à faire tomber une partie de mes défenses. Je m'étais ouverte à lui, lui racontant mes doutes sur mes études, ma relation de plus en plus distante avec Layla , ma jumelle. C'était comme si parler à Elias rendait tout plus simple, plus clair. Pour la première fois depuis longtemps, je m'étais sentie écoutée, comprise.

Les jours suivants, je m'étais attachée à lui plus que je ne l'aurais cru possible. Elias était devenu une constante dans ma vie, une présence rassurante, bien que mystérieuse. Pourtant, il y avait toujours cette ombre, ce voile qu'il refusait de lever. Chaque fois que je posais des questions sur lui, il éludait, changeait de sujet ou répondait de manière vague.

« Où vis-tu, Elias ? » lui avais-je demandé une fois.

Il avait souri, son regard se perdant dans le vide. « Un peu partout, et nulle part à la fois. »

Cette réponse m'avait laissée perplexe, mais je n'avais pas insisté. J'avais décidé de lui faire confiance, de croire que tout s'éclaircirait en temps voulu. Après tout, ne venais-je pas de lui confier mes propres faiblesses ? Il finirait bien par faire de même.

Mais hier soir, toutes mes certitudes s'étaient effondrées.

Lorsque je m'étais rendue à ce rendez-vous dans ce bureau sombre, j'avais ressenti une angoisse sourde, un pressentiment que quelque chose d'irréversible allait se produire. Elias m'attendait, assis derrière un large bureau en bois massif. Son regard était plus grave que d'habitude, son visage fermé, presque impénétrable.

« Je dois te parler de quelque chose d'important, Layana, » avait-il commencé, son ton étrangement formel. « Il y a des choses que tu ignores, et je ne peux plus te les cacher. »

Mon cœur avait commencé à battre plus vite. « Qu'est-ce que tu veux dire, Elias ? »

Il avait pris une profonde inspiration avant de plonger son regard dans le mien. « Je ne suis pas celui que tu crois, Layana. Je ne suis pas un homme ordinaire... Je suis impliqué dans des affaires dont tu ne soupçonnes même pas l'existence. »

La terreur avait envahi mes veines à mesure qu'il parlait. « Qu'est-ce que tu veux dire par là ? »

« Je suis un criminel, Layana. Un homme qui a dû faire des choix terribles pour survivre. Mon monde est dangereux, et je suis en plein dedans. »

Ces mots m'avaient frappée comme un coup de poing. La révélation était trop brutale, trop soudaine. Comment pouvais-je me retrouver face à une telle vérité après tout ce que nous avions partagé ? Les pièces du puzzle que j'avais ignorées s'assemblaient enfin, et le tableau qu'elles formaient était terrifiant.

« Pourquoi ne pas me l'avoir dit dès le début ? » avais-je demandé, la voix tremblante. « Pourquoi ce jeu, Elias ? »

Il baissa les yeux, un masque de tristesse recouvrant ses traits. « Parce que je ne voulais pas t'impliquer dans ce monde. Je voulais te protéger. Mais tu es tenace, Layana, et maintenant... maintenant, tu es en danger. »

Je m'étais levée brusquement, mon cœur battant à tout rompre. « En danger ? Tu m'as menti, manipulée... Et maintenant, tu oses dire que tu voulais me protéger ? Comment pourrais-je te faire confiance après ça ? »

Ma voix s'était brisée sous le poids de la colère et de la douleur que je ressentais. Même si je ne connaissais Elias que depuis peu, j'avais laissé mes émotions me rapprocher de lui bien plus que je ne l'aurais dû. Cette trahison, bien que récente, était un coup de poignard en plein cœur.

« Layana, je sais que c'est difficile à comprendre. Je n'ai pas choisi cette vie, mais maintenant, je n'ai plus le choix. Et maintenant que tu sais, tu es liée à moi, que tu le veuilles ou non. »

Je secouai la tête, refusant d'entendre ses excuses. « Je ne suis liée à rien du tout, Elias. Je n'ai plus confiance en toi. Je croyais... je pensais que tu étais quelqu'un de bien, quelqu'un qui pourrait... » Ma voix s'éteignit. Les mots refusaient de sortir, étranglés par la boule d'émotions qui m'étouffait.

Elias s'approcha lentement, son regard toujours aussi intense. « Je n'ai jamais voulu te blesser, Layana. Mais maintenant que tu es impliquée, je dois te protéger, même si tu ne veux pas de mon aide. »

Je reculai d'un pas, levant une main pour maintenir la distance entre nous. « Ne t'approche pas, Elias. Je ne veux rien de toi. Tu m'as menti, et je n'ai plus rien à te dire. »

L'expression de son visage se durcit, comme s'il se préparait à une lutte intérieure. « Tu ne comprends pas. Ce n'est pas aussi simple. Tu es en danger maintenant. Des gens sauront que tu es liée à moi, même si tu essaies de te distancer. Je ne peux pas te laisser partir sans assurer ta sécurité. »

Je sentis un frisson glacé descendre le long de ma colonne vertébrale. Tout mon être voulait fuir, mettre le plus de distance possible entre nous, mais je savais, au fond de moi, que ce n'était pas aussi facile. Elias avait raison sur un point : je m'étais imprudemment mêlée à un monde bien plus grand et bien plus dangereux que je ne l'aurais jamais imaginé.

Mais pouvais-je encore lui faire confiance ? Pouvais-je vraiment croire que ses intentions étaient sincères, après tout ce qu'il m'avait caché ?

« Je vais m'en sortir seule, » déclarai-je avec plus de force que je n'en ressentais réellement. « Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi, Elias. Je vais trouver un moyen de m'en sortir. Sans toi. »

Un éclat de douleur traversa son regard, mais il ne recula pas. « C'est trop tard, Layana. Tu es dans ce monde maintenant, que tu le veuilles ou non. »

Je tournai les talons et sortis du bureau, la tête haute, même si mon cœur menaçait d'exploser dans ma poitrine. La rage, la peur, l'incertitude... tout se mélangeait en moi dans un tourbillon d'émotions incontrôlables. Mais une chose était claire : je devais me battre pour moi-même.

Je ne savais pas encore comment, mais une chose était sûre : je n'avais pas besoin d'Elias pour survivre. Pas après tout ce qu'il m'avait caché.

Les ombres de paris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant