One-shot

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- Qui es tu ? Cria la jeune fille pour se faire entendre de l'enfant aux abords de l'étang. Comment tu t'appelles ?
Elle retira les mains qu'elle avait mis en porte-voix. En revanche, elle resta penchée près du vide, ne réalisant pas qu'elle risquait de tomber à cause de l'absence de rambarde.
Elle espéra que personne ne l'avait suivie jusque là, surtout pas les gardes de sa mère, sinon elle était bonne pour une nouvelle séance de réprimandes de retour au château.
Elle était intriguée par le petit garçon qu'elle apercevait en bas. Tout l'opposait à lui : elle avait des cheveux d'or, il était châtain foncé. Elle portait une somptueuse robe bleue aux broderies d'or, plus or encore que ses cheveux, il portait une culotte marron clair pleine de terre, trop courte pour lui, et un haut marron tout court cousu à la main et usé à la corde. Il était même rapiécé sur une épaule.
La petite fille s'amusa en remarquant que toute sa tenue, des bottes aux cheveux, formait un dégradé de marron. Seuls ses yeux se démarquaient. Ils étaient d'un bleu clair comme le ciel, du même azur sans nuages que les couleurs de la famille royale.
- Comment tu t'appelles ?! Demanda t elle encore.
Le petit garçon la regarda avec de grands yeux, ne sachant que faire. Était il timide à ce point ? Ce n'était pas de chance quand même. La seule personne à qui elle avait envie de parler ne le voulait pas. Pourtant il lui avait semblé vif et sûr de lui alors qu'il s'entraînait à l'épée...
Peut être l'avait il reconnue ? Zut alors, elle avait pourtant fait en sorte de fuir Elimith vers la maison à l'écart pour se dissimuler, dans l'espoir que personne ne la reconnaisse.
Au départ, elle souhaitait juste se cacher. Pour faire une blague à sa maman, pour qu'elle la cherche un peu, qu'elles passent un moment toutes les deux.
Mais quand elle était arrivée sur le pont, la sorte de fil qui la reliait depuis qu'elle était toute petite quelque part s'était tendu. Elle avait tourné la tête. Et comprit que ce fil la reliait depuis non pas à un endroit mais à une personne. Le petit garçon à l'épée en bois.
Elle était néanmoins déçue qu'il ne lui réponde pas. Peut être qu'en fait elle était trop loin pour avoir entendu sa réponse ? C'était possible après tout. S'il était timide, il n'avait pas dû parler fort.
Elle fit inconsciemment un pas en avant. Réalisa beaucoup trop tard sa bêtise. Glissa.
Elle tomba du pont, droit vers la rivière. 

Zelda hurla.

 La chute lui parut sans fin.

Elle espéra, pria, de tout son cœur, pour que son Pouvoir, quel qu'il soit - elle n'avait jamais compris de quoi on lui parlait - la sauve en se manifestant d'une manière ou d'une autre. Il n'y eut rien.
Puis son dos rencontra la surface de l'eau, et elle coula à pic, des milliers de bulles blanches remontant à la surface dans un mouvement inverse au sien.
Elle suffoquait. L'eau lui entrait par le nez. Ses yeux lui brûlaient. Elle ne pouvait plus respirer. L'eau remplissait chaque espace vide : le nez, la bouche, les oreilles...
Elle était entraînée vers le fond par le poids de sa robe.
Il y eu une seconde explosion de bulles. Et la petite fille commença à remonter, tirée vers la surface par une personne dont elle ne parvenait à discerner les contours.
Puis son nez, sa bouche et ses oreilles se vidèrent de leur eau. Ses poumons se dégagèrent. Elle inspira une grande goulée d'air. Toussa de l'eau en expirant. Recommença plusieurs fois, savourant l'air inodore et insipide ; et pourtant délicieux.
Elle n'arrivait pas à ouvrir les yeux à cause de l'eau, mais elle sentait qu'une personne la serrait contre elle et la ramenait vers le rivage.
On l'allongea dans l'herbe, lui appuya violemment sur la poitrine. Elle recracha toute l'eau qui était restée bloquée.
Puis elle sentit qu'on lui essuyait les yeux, et elle pu les rouvrir.
C'était le petit garçon qui l'avait sauvée.
- Tout... tout va bien ? Demanda t il dans un filet de voix.
Au même instant, on cria :
- Votre Majesté !!! NE VOUS ÉLOIGNEZ PAS DE NOUS !!!
Avant d'entendre les pas de sa mère se précipitant vers elle, suivis de ceux tintant et horriblement bruyants de gardes, Zelda pensa simplement que le ciel était beau dans son infinité, vu depuis sa position. Elle ne s'était jamais allongée dans l'herbe pour juste regarder les nuages passer. Ce n'était pas digne d'une princesse.
Elle se sentit soulevée, et le bleu du ciel fut remplacé par celui affolé des yeux de sa mère. Peut être que si elle avait hérité des yeux de sa mère et non pas de ceux de son père, le Pouvoir l'aurait trouvée digne.
- Zelda ? Zelda ?! Zelda ! Je t'en prie, réponds moi ma chérie !
Elle avait vraiment dû faire peur à sa mère pour qu'elle se mette soudainement à la tutoyer. La jeune princesse comprit qu'à cet instant, sa mère n'était plus reine, et elle même n'était plus princesse. Elles étaient mère et fille, rien d'autre. Et sa mère s'inquiétait pour elle. Elle s'inquiétait pour Zelda.
Pas pour la princesse. Pas pour la Prêtresse sacrée. Pas pour l'héritière du Pouvoir du Sceau.
Pour Zelda. Et uniquement pour Zelda.
Cette dernière ne put résister à l'envie de se blottir contre sa maman adorée après cette grosse frayeur.
La reine lui caressa doucement les cheveux en lui embrassant le front.
- Là, là... tout va bien ma chérie. Je suis là. Maman est là... murmura t elle.
Zelda ne voulait pas quitter le nid protecteur des bras de sa maman. C'était si rare qu'elle se sente aussi en sécurité...
- Mère...
Mais elle relâcha sa fille. Elles se mirent toutes les deux debout d'un même mouvement et époussetèrent leurs robes identiques - même si cela ne servi à rien compte tenu de son état dans le cas Zelda - toujours en même temps.
Le petit garçon qui l'avait sauvée restait immobile, les lèvres légèrement entrouvertes comme pour dire quelque chose, avec ce regard innocent mais incompréhensiblement triste à la fois que seuls les enfants ont. Il ne savait que faire, que dire.
Alors il se détourna un instant des membres de la famille royale et de leur escorte, au grand dam de cette dernière qui fut outrée à la place de la reine et sa fille, se baissa pour se relever aussitôt en tendant quelque chose à Zelda.
Elle prit tout doucement la fleur blanche et bleue entre ses doigts, comme s'il s'agissait du plus précieux des trésors. Et cette fleur l'était bel et bien à ses yeux. Elle la garda pendant de longues années, en souvenir de ce garçon timide dont le nom fut effacé par le temps et les règles de bienséance, les heures de prière aux Sources et ses études.
Mais tout était encore simple à ce moment. C'était une jolie fleur. Une fleur plutôt rare. Offerte par le garçon qui lui avait sauvé la vie.
Zelda fit un pas en avant, déposa un rapide baiser, toute émue, sur la joue rose du garçon, puis retourna auprès de sa mère.
La reine sourit, et s'agenouilla devant l'enfant pour lui montrer son respect - et aussi pour se mettre à sa hauteur, il était encore plus petit que Zelda. Les gardes faillirent s'évanouir en la voyant faire. Mais elle se moquait complètement de ne pas faire honneur à son rang : Sa Majesté Sonia XIV n'avait pas son pareil pour briser les codes, et en piétiner les morceaux restants.
- Comment te nommes tu, courageux chevalier ? Demanda t elle à l'enfant.
- L...Link... Madame. Dit il en rougissant.
Les gardes s'étranglèrent devant son dernier mot.
- Petit impertinent ! Sais tu à qui tu...
La reine les foudroya du regard et ils se turent aussitôt.
- Eh bien, Link, tu as toute ma reconnaissance pour avoir sauvé ma fille. N'aies crainte, je me souviendrai à jamais de ton geste. Je te suis éternellement redevable.
Elle réfléchit un instant, puis sortit un mouchoir brodé de ses initiales et de sceau royal de sa manche. Elle le lui tendit.
- Je te ferai parvenir un cadeau d'ici une à deux semaines. C'est une magnifique jument, docile, à la crinière pareille à la neige et à la robe chocolat. Je suis sûre que tu t'occuperas bien d'elle. Pour signaler au page qui te l'apportera qu'elle est à toi, tu lui montreras ce mouchoir, d'accord ?
Le petit garçon hocha timidement la tête.
La reine se releva, pris la main de sa fille, et s'inclina.
Les deux gardes passèrent à deux doigts de l'infarctus.
- Ceci n'est qu'un au revoir, petit chevalier. Je suis sûre que nous nous reverrons bientôt.
Puis elle se détourna, et rejoignit les gardes. Il était temps de rentrer au château.
La Princesse de la Sérénité serrée contre son cœur, Zelda fit un discret signe d'au revoir à celui qui devait finir par occuper le poste de chevalier servant à ses côtés un peu plus d'une décennie plus tard. 

Le petit garçon eut un pincement au cœur en la voyant partir.

Car oui, Link l'avait sentit lui aussi, ce fil qui les reliaient l'un à l'autre.
Mais lui avait compris qu'ils étaient reliés envers et contre tout. 

Et ce pour le restant de l'éternité.


Souvenir d'EnfanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant