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 ༚༅༚˳ ✿ ˳༚༅༚

Les rayons du soleil de fin de matinée traversaient les grandes vitres pour venir chauffer les tables de bois vernis. Les vagues des nervures qui ondulaient doucement formaient de jolis courbes. Elles couraient sur le sol carrelé et remontaient pour venir s'entrecroiser sur le comptoir. Une douce odeur de café fraîchement moulu flottait dans l'air. Il faisait agréablement bon. Derrière les grandes vitres de verre, les nuages immaculés flottaient dans l'eau du ciel. La fraîcheur du matin s'estompait.

Seul le bruit régulier du robinet qui fuyait troublait le silence reposant du café tranquille. Les gouttes d'eau s'écrasaient contre le métal froid de l'évier avec une régularité irréprochable. Elles glissaient le long de la surface brillante tel des poissons aux écailles miroitantes pour atteindre la bouche d'évacuation et regagner le grand large. Destin condamné, rêve de liberté.

Derrière le comptoir, un jeune homme rangeait les tasses sur les étagères de bois. Il les alignait avec précision. Ses gestes étaient lents. Dans son regard se mélangeaient ses pensées. Il était grand, pourtant ses cheveux désorganisés de la couleur de la marmelade d'orange lui donnaient des airs d'enfant. Son tablier brun tenait à peine sur ses hanches étroites. La bataille qu'il menait contre la gravité était rude. Aucun gagnant n'était encore prononcé, mais ça ne saurait tarder.

Le jeune homme souleva une tasse brillante de blancheur. Son souffle puissant fit s'agiter les lucioles de jour qui s'envolèrent avec légèreté pour disparaître dans l'air. Ces temps-ci elles avaient tendance à envahir les moindre recoins. L'arrivée de l'été les rendait impatientes. Pourtant, ça n'était encore que dans quelques mois. Elles étaient en avance, cette année.

La clochette de l'entrée cria de sa voix de crécelle. Comme un automatisme, l'employé se tourna pour accueillir le nouveau venu. C'était en réalité une vieille femme. Sa peau de cire était fondue par les années. Le soleil coulait dans les rides de son visage et créait de jolis reflets dorés dans le vert émeraude de son chemisier élégant. Ses cheveux formaient des dizaines de petites tornades pareils à des brocolis. Ça donnait presque envie de croquer dedans.

Bonjour madame Sik, sourit le jeune homme.

Bonjour Seungmin, répondit celle aux cheveux de brocolis.

Ça sera comme d'habitude ?

Comme d'habitude.

Le dénommé Seungmin acquiesça. Il se tourna pour saisir une tasse sur l'étagère et mit en route la machine à faire le café. Alors que le ronronnement du bestiau s'élevait dans l'air, la vieille femme regardait autour d'elle.

Y'a pas de camélias ? s'étonna-t-elle.

Non, que du café.

Le café des camélias sans camélias...

Elle sembla réfléchir quelques longues secondes. Quand elle réfléchissait, les vagues dansaient dans ses yeux.

Tu vas me dire... reprit-elle en passant une main dans ses cheveux de brocolis pour les recoiffer. Le café des camélias sans camélias, c'est mieux que le café des camélias sans café. Mais heureusement, j'ai mon café ! C'est pas que c'est pas bon, les camélias, mais je les préfère en salade. Pour boire, c'est mieux le café.

C'est vrai, approuva Seungmin en versant le lait dans la tasse de café fumant. Y'a jamais eu de camélias, ici. Juste du café.

Pourquoi le café des camélias, alors ?

Allez savoir.

Seungmin allait déposer sa tasse sur le bois du comptoir, mais il s'interrompit. Il se tourna pour verser le poisson rouge dans l'évier et tendit son café à madame Sik. Cette dernière lui remit les pièces qu'elle lui devait. À force, il n'avait même plus besoin de lui annoncer le prix.

𝐅𝐢𝐬𝐡 & 𝐅𝐥𝐨𝐰𝐞𝐫𝐬 ° Jeongmin 🔚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant