𝐅𝐢𝐬𝐡 & 𝐅𝐥𝐨𝐰𝐞𝐫𝐬 ° Jeongmin 🔚

𝐈𝐈𝐈

 ༚༅༚˳ ✿ ˳༚༅༚

Dans le café silencieux, la noirceur prenait de plus en plus de terrain. Seungmin plongea sa pieuvre dans l'eau mousseuse de son seau et l'essora avant de l'écraser contre le sol. Ses doigts se resserrèrent autour du manche de bois alors qu'il frottait activement les carreaux blancs. Les tentacules de la pieuvre allaient et venaient contre la surface froide. Une traînée humide brillait sur son chemin. Les carreaux redevenaient neufs. Nettoyés de la cohue de la journée.

Plus Seungmin nettoyait et moins il y voyait. La lumière disparaissait. Bientôt, il ferait complètement noir. Il devait se dépêcher.

La pieuvre allait et venait de plus en plus rapidement sur les carreaux. Elle écartait ses tentacules pour mouiller le plus d'espace possible, comme elle se devait de le faire. Elles étaient dociles, les pieuvres. Il suffisait de savoir comment les manier. Même si celle-ci était sauvage au début, Seungmin avait fini par l'apprivoiser. Il fallait dire que Chris n'avait pas acheté la plus obéissante. La moins cher avait fait l'affaire. Il ne le disait pas, mais il aimait bien son argent. Seungmin le savait. Il ne s'en plaignait pas. Au fond, domestiquer cette pieuvre n'avait pas été si compliqué.

Alors que la lumière était presque entièrement mangée, on frappa soudainement contre le verre de la porte d'entrée. Seungmin se tourna d'un air étonné. La silhouette d'un homme se découpait dans la faible lueur qui restait. Les montures en verre de ses lunettes brillaient délicatement. Les roses et les hortensias fleurissaient sous la peau de ses avant-bras. Son sang était leur sève. Seungmin l'avait reconnu. C'était le fleuriste.

Leurs regards s'accrochèrent. Pendant quelques secondes, l'obscurité avait interrompu son repas. Tout le monde était bien trop concentré à les regarder. Ces deux jeunes hommes dont les yeux se rencontraient. Une vitre les séparait. Pourtant, ils étaient presque sûr d'entendre le cœur de l'autre battre à leurs oreilles. Ou peut-être n'étais-ce que les lucioles de jour qui jouaient du tambour.

Lorsque les ténèbres gobèrent l'avant-dernière lumière, Seungmin s'arracha à sa contemplation. Il ne restait plus qu'une lumière. Il se dépêcha de finir de nettoyer et s'enfuit pour passer la porte au moment exacte où tout devint noir derrière lui. Le bout de sa chaussure avait été noirci. Il l'avait échappé belle.

– C'est fermé ? s'étonna le fleuriste.

Seungmin acquiesça. La lune créait des reflets étranges sur son visage.

– Il est pas très tard, pourtant...

– C'est les lumières, expliqua l'employé du café. Elles supportent pas le noir.

– Ah bon ? Il faut en mettre des plus fortes.

– Chris a déjà essayé, mais c'est pareil. Le noir est trop dense. Il mange tout.

Le fleuriste hocha lentement la tête. Il voyait le problème. Il n'avait pas de solution. Mais est-ce que ça voulait dire qu'il n'y avait pas de problème ? Il n'en était pas sûr. Une bourrasque de vent traversa ses lèvres fines.

– C'est bête... souffla-t-il. Vous faites pas les cafés du soir ?

– Non, que ceux du matin. Le noir est allergique au soleil. Et quand le soleil s'endort, les lumières ne tiennent qu'une heure.

– C'est dommage.

– Oui. Tu voulais un café du soir ?

– Oui. Les fleurs dorment alors je voulais me promener un peu.

– Il faut pas les surveiller ?

– Non, sourit le fleuriste. Personne ne vole les fleurs.