Chapitre 1

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Son hurlement qu'elle retenue escalada ses poumons tranchants de lourdeur à pas saignants qui s'enfonçait avec difficulté dans sa gorge mais il sortit avec une puissance considérable accompagnant la peur, tristesse et douleur que la jeune fille avait ressenti. Ses vêtements étaient collés à sa peau, mouillés par la pluie. Les fils de soie que bavaient le ciel sombre d'encre glissaient entre les nuages pour tomber en pluie d'étoiles sur elle. Ce n'était pas une pluie d'étoiles pourtant. Le cœur de Morgan eut du mal à se calmer, il accélérait tellement que ça lui étouffait les côtes et la respiration. L'averse réussit cependant à la bercer lui prodiguant l'effet de pleins de petits tambours dans un rythme irrégulier mais pourtant disant tout. Son père lui disait que si jamais on regardait trop longtemps la pluie on pouvait observer le monde à travers. Ses pleurs salés furent adoucis par les gouttes de la lune qui brouillèrent ses larmes acres qui couraient les mains noués sur ses joues.  Des scènes de la mort des parents lui tranchèrent la tempe pour venir enfoncer sa lame de l'autre côté de sa tête explosant son cerveau et ses émotions. Elles se vomirent en couleurs dans sa poitrine, se serrant sous la douleur de son cœur. Ça la tourmenta un instant, sa gorge nouée de sanglots qui se lamentaient, les mains en sang les gouttes coulant inexorablement contre leur peau pâle et mouillée d'une sueur nerveuse. Elle songea. Était-elle morte ? Elle espéra. D'un mouvement qui se voulait souple, elle se redressa mais sa tête repartit brusquement un instant faisant valser ses tourments en elle. Enfin, Morgan ouvrit les yeux. Ses vêtements n'étaient plus mouillés, propres, chauds et dorénavant confortables. L'odeur gorgée d'humidité qui remplissait l'air auparavant avait été chassée par le parfum simple qu'offrait les nouveaux objets, ayant leur signification propre à eux-mêmes de ce fumée qu'ils dégageaient. Précisément enroulée dans des draps elle était assise dans un petit lit simple à roulettes, ses yeux durent se rabattre plusieurs fois avant qu'ils s'habitue enfin à la lumière qui diffusait une petite couche de bienveillance sur son regard comblé de profondeur. Les murs étaient hauts, grands épais mais qui paraissaient pouvoir s'ébranler à n'importe quel coup de vent de leur allure fine à cause du marbre qui léchait les parois. Il pleuvait dehors. Le toit en verre était bombé et la pluie se jetait dessus dans un élan de suicide, leur cadavre éclatant comme des petites bulles créant la symphonie qu'elle émettait à chaque fois qu'elle se déversait. La nuit était toujours aussi noir, comme attirés les rayons de la lune baignait la salle dans une ambiance calme et silencieuse. Morgan médita un instant ses pensées en observant les cheveux d'argent que les nuages laissaient négligemment tombés sous leur chagrin qui se fait aveugle. Ses yeux se reposèrent sur une dame devant elle avec lenteur. Il n'y avait qu'elle dans la pièce qui paraissait incompréhensiblement grande et le lit qui grinça à sa respiration sifflante. Comme un hôpital. D'un geste vif elle porta ses doigts secoués de frissons sur son cou en tâtonnant sa peau fébrile à la recherche d'une cicatrice. Sa main dessina deux petits points sur le côté de sa gorge. Sûrement les aiguilles qu'elle avait senties. Ramenant son membre devant ses yeux elle partit à la recherche d'un sang qui aurait pu se déposer après avoir touché la présumée preuve mais rien. Elle eut un soupir, ce n'en fut pas un de soulagement. Ce n'était pas qu'un mauvais cauchemar qu'elle pourra radoter dans son journal ou dans l'oreille épuisée de ses amies qui aurait fait mine de s'intéresser après la huitième fois qu'elle l'eut raconter. La dame devant elle, polie mais à l'œil stricte l'observait en attendant. Avec de petites lunettes en croissant de lunes, elles contrastaient avec ses cheveux joliment courts pas plus longs qu'au-dessus de ses oreilles. Sa tenue était simple, une découpe qui se voulait professionnelle formait son ensemble d'infirmière. Morgan laissa courir son regard sur elle. Elle était étrangement pâle, terne, et ses yeux...Blancs, vidée d'un contraste qui l'aurait rendue humaine. L'étrangère faisait partie de ces gens qui avaient soit la quarantaine ou la vingtaine, leurs traits fins mais cette mine profonde d'un semblant d'expérience dans le monde. Morgan voulût articuler quelque chose à son égard mais ses paroles se métamorphosèrent en un grognement qui coula de ses lèvres. Honteuse, elle baissa les yeux, une étrange odeur de sang s'écroulant en elle. D'un geste simple de la tête la dame l'en excusa.
<<Morgan Districia Orticia Rosevelt.>> récita-t-elle, sa voix trahissant un soupir.
  La jeune fille en question hôcha rapidement de la tête, son pou s'accélérant.
<<Vous êtes à demi-morte, madame.>>
  Morgan leva un sourcil étonné et se racla douloureusement la gorge.
<<Comment ? réussira-t-elle à articuler après un moment.
-Vous avez été converti en vampire.>>
  Ses sourcils se froncèrent maintenant mais son échine fut partcouru d'un tremblement.
<<Je suis désolée mais je vais avoir besoin de plus que ça...>> marmonna-t-elle, sceptique, ne voulant pas paraître insolente.
  Ses parents étaient morts, elle faillit y passer et maintenant elle se trouvait là. Elle s'attendait quand meme à de meilleures explications. La dame l'observa un instant, paraissant déconcertée avant murmurer qu'elle arrivait dans un instant. Incapable de faire autre chose que de rester là, la silhouette de l'étrangère fondit alors qu'elle s'écarta d'elle. Étonnée, Morgan chercha autour d'elle où elle aurait pu glisser mais ne vit aucune issue. Elle se frotta les yeux. Peu de temps après seulement, la figure de ce qu'il semblerait être l'infirmière se dessina devant elle. De nouveau la jeune fille se frotta les yeux et distingua une petite étiquette qui indiquait que la dame s'appelait Suzanne sur la poitrine de celle-ci. Suzanne s'agitait à préparer elle ne savait quoi.
<<Vous savez où sont mes parents ? s'exclama Morgan de façon brute, bafouillant ses mots.
-Je ne sais pas...Morts ? On laisse les cadavres là où ils sont... D'habitude.>>
  Inquiète, la dame jeta un coup d'œil à la fille derrière elle, espérant ne pas avoir blessé les sentiments de la jeune qui paraissait être déjà bien chamboulée. Celle-ci avait juste le regard baissé, pensive. L'infirmière glissa un plateau sur ses genoux. Il comportait juste un miroir.
<<C'est un miroir spécial...Pour votre cas.>> se justifia-t-elle.
Avec un petit sourire qui paraissait la comprendre, elle rajusta l'objet. Ses yeux se posèrent sur sa figure. Elle avait toujours ce teint de porcelaine criblé de tâches de rousseur pâles et plates qui recouvraient le dessous de ses yeux, ses prunelles d’un noisette pétillant. Mais sa peau paraissait un déclin plus pâle et ses yeux rouges, sûrement par les larmes mais elle ne paraissait pas morte. Ses cheveux étaient roux mélangeant et confondant ses reflets à une couleur sable, ils étaient entre le frisé et le bouclé et formés pleins de grosses boucles encadrant son visage, ses cheveux étaient coupés en un carré court et imparfait et elle avait une frange qui restait cependant sauvage soutenue par une petite barrette rose sur le côté.
<<Tout va bien. annonça-t-elle à la dame.
-Souriez.>>
  Morgan se sourit, d'une expression faible qui barra son visage.
<<Avec vos dents.>>
  Elle entrouvrit la bouche comme si elle s'apprêtait à parler. La jeune fille marqua une pause. Ses deux canines avaient anormalement grandies caressant la frontière de ses lèvres inférieures. Elle essaya de se les arracher pour voir si jamais elles étaient fausses mais rien ne bougea. En balbutiant elle leva la tête et se jeta un regard dans le miroir. En fait, ses yeux étaient carrément rouges, sa peau vraiment pâle. Elle se tapota les joues qui se chauffaient de pluie. Morgan voulait accuser la dame de quelconques chose mais s'y empêchant, détourna le regard. Elle n'y croyait pas encore mais avait franchement changé physiquement.
<<Je suis où au juste ? À l'hôpital ?>>
Ramassant un scalpel délicatement de sa poche, Suzanne l'apporta à son poignet ignorant superbement sa question.
<<Ne vous en faites pas. Je ne crains rien, ce n'est qu’une procédure.>>
  Elle s'entailla le long de son bras. D'un hoquet de surprise Morgan se redressa, se sentant démunie de l'aider d'une façon ou d'une autre. Le sang de la dame coula et une goutte tomba sur le sol, le souillant alors qui paraissait si blanc auparavant. Soudainement il eut un retentissement chez Morgan. Sa respiration se raccourcit et ses sens parurent se décupler, ses pupilles se dilatant. Le bruit de l'explosement de la goutte résonna en elle alors qu'un parfum enivrant s'en dégagea la prenant en plein fouet. S'agitant dans son lit, elle parût drainer vers le poignet. Elle voulut crier alors que son poulse s'accéléra, ses phalanges blanchissant à mesure que son regard trembla. La pression se relâcha soudainement alors que la femme couvrit son bandage d'un tissu.
<<Tu es vampire.>> répéta-t-elle en rangeant les ustensiles, distraitement.
  Sa blessure s'était miraculeusement refermée et le tissu fut bientôt arraché pour être jeté grossièrement froissée dans une poubelle non loin de là. Abasourdie, Morgan rejeta la tête en arrière. Elle éclata douloureusement en sanglots en se tenant le ventre. Sous les conseils de l'infirmière qui se retrouva de nouveau déconcertée, elle se reposa, du moins, elle essaya profondément tourmentée par les suites des évènements. Elle n'avait étudié les vampires qu'un bref instant dans son programme scolaire de 4°. Apeurée, feignant de dormir, son oreiller se gorga d'une flaque salée que l'averse ne pût cette fois l'adoucir de leurs marmonnements et caresses. Elle était seule, apeurée par la suite et ne comprenant toujours pas ce remue ménage et dans le pétrin où elle s'était fourré. Est-elle vraiment devenue un monstre ? Pourtant ça semblant être si soudain, rapide. Personne ne lui avait demandé son avis. Imaginons que ce soit le cas, comment est-ce possible ? Qu’allait-elle devenir ? Où est-elle ? La dame n'avait pas répondu. Une vampire…C'était imaginaire. Pas possible. Comment elle avait réagit face au sang ce n'était pas elle ! On lui avait arraché son identité et maintenant elle avait du mal à la retrouver. Elle s’imaginait déjà chasser des humains, boire du sang…Qu’était l’infirmière ? Est-ce donc des monstres qui les ont attaqués ?  Pourquoi eux et pas elle ? C’était tellement injuste. Fixant le bout de la salle qui paraissait être à des kilomètres de là, elle se dit tout bas que Suzanne ne pourra plus l’ignorer. Pourrais-t-elle la convaincre de lui en dire plus ? Quand elle se réveilla le toit bombé de verre était recouvert d'un étoffe mais laissait quelques rayons du soleil encore pâle le traverser. De la même position qu'hier la dame se posta devant elle après qu'elle lui servit sa nourriture qui était composée d'une compote aux fruits rouges, d'un tartine à la confiture de fraise et d'un jus étrange de cette même couleur cramoisie que les autres aliments.
<<C'est pour t'habituer. justifia Suzanne alors que Morgan avait décapsulé sa compote. Tu vas devoir prendre le bus dans une vingtaine minutes.>> rajouta-t-elle simplement.
  Morgan la regarda en fronçant des sourcils. Le bus ? L'infirmière s'agita un peu, enfin, s'asseya sur le petit tabouret positionné devant le lit.
<<Non ! Je veux retrouver mes parents ! Chez moi…vous avez pas le droit de me garder ici. Je vais appeler la police ! essaya-t-elle de s’imposer.
-Écoute. Tu ne fais plus partie des “humains”. Maintenant t'es parmi nous...Tu ne retourneras pas à la civilisation.>>
  Bafouillante Morgan la regarda choquée paraissant paniquée et secouant la tête.
<<Oui c'est vrai, oui maintenant t'es parmi des monstres mais tu vas devoir t'y faire. Nous sommes deux mondes. Et maintenant tu ne fais plus partie du tien donc tu vas devoir t'habituer. Tu as dépassé une ligne et il n'y a pas de chemin retour. expliqua-t-elle un peu sèche mais avec un regard désolé et fuyant. T'étais là au mauvais moment…c’est un accident.>>
  Morgan pleura de nouveau, avec de grands sanglots alors qu’elle prenait conscience qu’elle ne pourra pas partir. Suzanne hésita mais la quitta pour qu'elle puisse manger et se calmer lui laissant des vêtements propres et nouveaux au pied de son lit, la jeune fille était toujours dans son pyjama. Morgan s'était calmé et avait mangé docilement même si la boisson lui avait laissé un goût âcre dans la bouche comme ces nouvelles. Elle s'habilla rapidement en ne pensant même pas à constater ce qu'elle allait porter. La jeune fille était réjouie de pouvoir être de nouveau sur pieds, petite étincelle dans l'océan de nuit. Éventuellement Suzanne revint et l'accompagna au bout de la salle mais avant de traverser la porte s'arrêta. Étant naturellement un peu petite Morgan leva le regard mais l'infirmière lui empêcha l'effort en posant un genou par terre.
<<Si jamais ça ne va pas... émotionnellement bien sûr mais aussi physiquement. Viens faire un tour, les gens ne vont pas être doux avec toi après ton arrivée aussi brutale. Au nom de Suzanne Namasis.>>
  Morgan eut un sourire tremblant accompagné d'un regard mouillé. Sortant un spray de sa poche, elle fit signe à la jeune fille de s'écarter. Respectant son autorité, celle-ci le fit et comme parfumer elle fut aspergée par la fumée qui se déposa sur celle-ci. C'était inodore, soit dommage ou une chance pour elle.
<<Tu es sensible au soleil, ce spray aide mais ne protège pas. Reste à l'ombre s'il te plaît. Va à l'arrêt rouge, ça serait dommage de se perdre tout de suite.>> souria-t-elle en lui faisant signe de sortir et lui tendant un sac.
  Assez lourd, elle le rejeta sur ses épaules, se les dégourdissant. Elle n'était plus tout à fait faible mais quand même. La grande porte claqua derrière elle alors qu'elle se retrouva dehors. On aurait dit qu’elle allait à l'école avec son cartable sur les épaules. Qui étaient les autres ? Autant essayer de se fondre dans la masse vue qu’elle va passer un moment ici…En haut d'une bute, elle jeta un coup d'œil dans le bâtiment où elle était. Comme une énorme église à cause de l'architecture elle découpait de sa silhouette la lumière du jour qui commençait peu à peu à baigner l'environnement imitant sa silhouette en un fantôme. En contrebas d'autres bâtiments s'étendaient au loin. Ce qu'elle supposa être l'infirmerie dans son dos, était le bâtiment le pluie éloigné les autres édifices rassemblés en un tas au loin. Un grand village et ramolli devant une bâtisse lugubre recouvrait une partie du paysage, respectueusement écarté comme s'il craignait la grande figure, les maisons recroquevillés sous son ombre mais comme une foule. Le château épais et long était composé d'un clocher avec barrières dangereusement pointues et hautes, sa figure se dessinant à travers les rayons mourants du soleil. Tout ça dans une épaisse forêt. Les arbres allongés leurs bras au-dessus d'eux les protégeant de la lumière du jour, elle en fut rassurée et observa un instant leur cime qui ne paraissait jamais s'arrêter. Entre les habitations et l'hôpital local se distinguait un cimetière flou d’une brume et puis devant un petit abri dont Suzanne avait parlé. Il y avait une masse d’étrangers mais elle reconnut le rouge vin, le véhicule n'étant pas encore arrivé mais une horde braillait dans la même tenue qu'elle devant. Elle déglutit difficilement. Morgan descendit la butte, ses chaussures claquant sur le sol exprimant son anxiété qui n'avait cessé de croître alors qu'elle essaya d'ajuster ses cheveux. Suzanne l'avait mise en garde qu’ils n’allaient être pas doux…Ces camarades ? Elle était revêtue d'une chemise noire profond simple à col levé, de gants en laine gris foncé imitant la teinte de son pantalon qui tombait sur ses chaussures soignées, portant une sorte d'écharpe d'un rouge de la même teinte que l’arrêt du bus. Ça avait l'air formel mais elle espérait au moins être un minimum mignonne se trouvant déjà horrifique avec son teint pâle, ses yeux rouges profonds et ses dents acérées, tout ceci était nouveau pour elle. Plus elle s'approchait, plus sa boule au ventre pesait, plus elle avait envie de s'agiter, courir, s'enfuir précisément. Elle se mordilla les doigts à son habitude après avoir enlevé ses gants pour se calmer quitte à les faire saigner, étonnée elle remarqua qu'elle ne réagissait pas à son propre sang également. La brume ou quelque soit ce brouillard l'empêchait de voir distinctement les élèves mais elle s'essuya discrètement le sang sur son pantalon avant de s'approcher. Elle essaya de réguler sa respiration en rythme avec les battements de son cœur qui commença de nouveau à battre dans ses côtes. La mise en garde et le fait que ça soit des monstres la mettait à cran. Avec un silence pesant pour elle, Morgan se plaça à côté d'eux qui continuaient à beugler sans gêne. Elle se ratatina sur elle-même, baissant les yeux, une sueur froide croulant sur son dos qui devint voûté sous la pression quand le silence avec lequel elle était venue s'abattit sur elle. Une cinquantaine de paires d' yeux se glissèrent sur elle. Elle blottit son nez dans une écharpe par frayeur, devenant plus pâle qu'elle ne l'était déjà. Dans un moment involontairement coordonné, tout le monde s'écarta installant un périmètre considérable entre les élèves et elle. L'humiliation cuisait très douloureusement sur elle alors que tout le monde fut parcouru d'un murmure suspect. Ses yeux se remplirent de larmes et elle fit en sorte que personne ne le vit son écharpe rouge gorgeant ses larmes d'anxiété et panique à la vue de tous ces gens sur elle. Ça lui parut une éternité jusqu'à que le bus arrive enfin en crissant devenant le nouveau centre d'attention des élèves relevant qu'une petite couche d'inquiétude chez Morgan. Mais elle resta minuscule. Ne voulant pas s'imposer elle les laissa s'engouffrer en se bousculant à l'intérieur du bus; restant derrière, elle se fonda dans la masse et monta avec difficultés les marches pour se retrouver face à l'allée du bus qui s'était débouché devant elle. Ce nouveau silence s'abattit, assourdissant pour elle cependant. Tout le monde posa son sac sur le siège à côté d'eux pour évidemment lui faire comprendre que la place était prise, même ceux qui étaient assis en duo firent de même en les posant sur leurs genoux. Au cas où. Avec des pas silencieux elle traversa le couloir en baissant les yeux n'osant faire aucun contact visuel avec ces monstres sinon elle crut pouvoir en mourir sur le coup. Finalement elle s'assit sur un siège mal fichu où personne n'était là pour la rejeter. Ce n'était pas vraiment confortable, les poils courts et fibreux des sièges ne rendent pas les choses faciles. De nouveau, le bus crissa et commença à se déplacer, l’épais et flou cimetière défilant avec une petite vitesse mais, respectivement. Tout le monde reprit leurs conversations, essayant d'ignorer superbement Morgan. Celle-ci soupira et baissa les yeux avec douleur sur le sol. Elle n'aurait pas pu espérer mieux honnêtement au moins, elle pourra survivre. Posant sa tête contre la vitre, son visage toujours emmitouflé dans son écharpe, devenant un objet de réconfort, une cachette, elle se permit d'observer ce qui semblerait être les autres vampires autour d'elle avec un regard intéressé. La plupart avaient des cheveux noirs, très longs fondant en une cascade sur leurs épaules, les même yeux rouges, la pâleur et les dents. D'autres, plus rares, une peau beaucoup plus sombre, des cheveux épais et encrés, paraissant de nature féroce, ils lui jetaient des regards remplis de reproches étanchant leurs poings féroces et ne s'échangaient que de brèves paroles. D'autres plus pâles que “l'ordinaire” et les cheveux d'un blanc au bord du flamboyant, avec leurs yeux roses, on aurait dit des albinos, ils avaient l'air particulièrement calmes et collectés, pas chaleureux pourtant. Enfin, il y en avait aux cheveux courts, hirsute, ils contrastaient avec d'autres couleurs dans leurs mèches, du marron au rouge au noir et étaient particulièrement chevelus, et leur peau variait, leur dentition étaient les plus aiguisées. Comme une grande famille, ils discutaient ensemble en beuglant le plus fort dans le véhicule. Morgan détourna les yeux, son visage toujours contre la vitre qui était froide collait sa peau alors qu'elle rejetait des petites bouffées de chaleur à l'intermédiaire de sa bouche pour gribouiller sur la buée qui s'était formée en une flaque imprécise, tourmentée par ce qu’il l’attendait. Avec curiosité elle jeta subitement un regard à son sac qu'elle avait distraitement déposé à ses pieds et décida de voir ce qu'il y avait dedans. Des livres, des cahiers soupirant d'être utilisés, une trousse entassée avec un agenda, les deux objets étouffants écrasés par le poids. Elle tira un peu sur un ouvrage épais de poussière pour voir le contenu, du moins le titre. “1000&1 façons de dépecer un cadavre.” Avec dégoût, elle fit une grimace en rangeant l'objet qui semblerait scolaire n'ayant pas l'audace de penser en plus à ce qu'ils allaient lui apprendre, détournant le regard. Il y avait un carnet de brouillon sinon mais pas autre chose. Tirant sur la fermeture éclair d'un geste lent et soupirant le bus ralentit en toussotant s'attardant devant le grand château à clocher. Tous les élèves se levèrent et coururent vers la sortie, piaillant. Une fois le bus vide, elle se souvint de son manque de politesse face au chauffeur et avant de se sortir voulut le remercier. Personne ne conduisait. Elle s'enfuit du véhicule qui décolla aussitôt. Trouvant qu'il y avait déjà une belle variété de personnes dans le bus, cette fois il y en avait une multitude. Pendant un instant elle resta figée sur le bord de la route en observant le monde. Morgan tâtonna son vêtement et y trouva une capuche, décidée à ne pas se faire remarquer elle la rabattit sur sa tête, ses bouclettes rebiquant pourtant sur les bords de son visage. Une fois que le groupe de vampire s'était enfoncé dans la cour qui devançait le bâtiment, elle s'enfonça à son tour dans l'endroit vibrant d'énergie. Sa boule au ventre se dénoua, restant pourtant un gros tas de torchon à son anxiété qui eut une respiration quand elle remarqua qu'elle se fondait bien dans l'endroit. Avec un peu plus d'entrain, elle regarda autour d'elle, le bâtiment étant ouvert la jeune fille rentra dedans balayant les feuilles sur son passage, celles-ci craquèrent en gémissements étouffés alors que son talon venait d’une main puissante les faire taire. Réjouie de se faire un peu oublier bientôt ses chaussures cirées de bonne grâce coula en tapotements réguliers contre l'étranger parquet du couloir du bâtiment. Oubliant de simples détails on aurait typiquement dit une école, encore, ce sentiment familier, mais qu’allait-elle apprendre ici ? Il fallait juste subir jusqu'à qu'on puisse la donner aux “humains”, du moins elle espérait, se tordant les mains, anxieuse de se faire attaquer. Morgan retrouva refuge dans son écharpe quand elle posa son nez dans le tissu épais, s'enfonçant davantage entre les étranges personnages qu'elle croisait. D'un jeune homme sans visage, d'une figure d'une opacité faible laissant seulement leur montrer un semblant de sa silhouette, un squelette qui pourrait s'ébranler et dégringoler sous n'importe quelle brise et d'une petite fille qui avait des respirations sifflantes faisaient vibrer les bronchites sur le dessin de sa mâchoire qui s'agitait de sa nature propre. Ils avaient l'air intéressants mais elle garda la tête baissée, la trace de son humiliation avec ses nouveaux coéquipiers encore trop fraîche. Cependant, au bout d'un moment, elle se rendit compte qu'elle commençait à errer inutilement. À la recherche d'un mot, elle posa son genou qui crissa sur le carrelage pour farfouiller dans son sac mais elle ne trouva aucunes informations. Un mur éclata près d'elle, le cri de la paroi se répercutant en une fine couche de poussière autour du trou. Morgan leva brusquement la tête, étonnée et avec un réflexe et à l'aide de la paume de ses mains, s'écarta de l'endroit. Deux jeunes monstres, d'une apparence féminine, roulèrent au milieu du couloir avec des cris perçants qui déchiraient les encouragements des spectateurs. Une masse impressionnante d'élèves créa avec une rapidité considérable une ronde autour du combat, la jeune fille faiblit face à sa curiosité et réussit à se trouver une place rabattant toujours les pans de sa capuche sur son visage blême. Parfois, des gens se battaient dans son  établissement. Principalement verbalement, les mots fusaient, tranchant et négligemment et très rarement physiquement ou ils se poussaient. Les professeurs accouraient toujours pour pacifier le moment. Un de ceux qui paraissaitment un adulte hurlait d'acclamation à côté d'elle en observant les filles se blesser avec violence. Les cheveux rejetés dans une queue de cheval grossière, une des filles essayait avec de violents coups de serres de blesser son ennemie, des plumes piquant sur sa peau caramel à certains endroits. La fille avec les bronchites qu'elle avait vu auparavant, crissa des dents en hurlant contre l'élève face à elle, de longs cheveux verts foncés tombant en une cape ravissante autour d'elle quand elle s'agitait. La fille à plumes se jeta subtilement sur elle, ses mains fortes et épaisses cherchant à arracher le cou  de son adversaire. Avec un succès non voulu, elle lui fit une profonde entaille sur l'arcade mais ne réussissant pas à se rattraper elle dégringola sur la sirène qui hurlait de douleur et de surprise. Au dessus de la fille aux cheveux vert elle en profita pour lui nouer les mains autour du cou, folle de rage. Morgan, qui avait été jusque-là totalement subjugué par le spectacle, entendit un long hoquet à côté d'elle et d'un regard qui se voulut bref, s'attarda sur une nouvelle personne. De cette même palette terne que Suzanne, un jeune homme aux cheveux étrangement blancs était au bord des larmes, ses joues frémissantes et ses yeux écarquillés devant le spectacle. Ses deux mains tremblantes étaient posées devant sa bouche. Morgan fut étrangement perturbé par cette vue, voulant s’approcher mais se ravisa tout de suite. Ne pas attirer l'attention. Son regard se dirigea de nouveau sur le combat. La fille aux plumes avait ses cheveux maintenant défaits et dominait toujours son ennemi, ses mains nouant toujours la gorge de celle-ci avec une force démesurée mais ses avant bras et ses mains étaient recouvertes de puissantes coupures et éraflures sûrement données de la part de la sirène que le public paraissait encourager. Croyant que la jeune fille verte s'affaiblit, elle se permit de jeter un coup d'œil cuisant et triomphant autour d'elle. Ce fût une terrible erreur car tout de suite celle qu'elle recouvrait la renversa sur le dos en lui tordant les jambes. Tout le monde eut une exclamation de surprise y compris Morgan et l'adrénaline monta de nouveau lorsque la créature marine, hurlant de rage laissant ses imposantes dents pointues sortir, commença à rouer de coups l'élève en dessous d'elle explosant son nez comme une fleur qui était sur le point d'éclore quand le sang éclaboussa le sol et les pieds des plus proches camarades. Avec dégoût, Morgan remua son pied pour en dégager le liquide. Enfin, la jeune fille plongea son visage dans le cou de la harpie, mourante, pour lui arracher sa trachée. La victime fixait Morgan avec de grands yeux. La sirène jetta ses bras dans les airs et poussa un cri de victoire rauque et sanglant à l’assemblée. Comprenant le message tout le monde la souleva dans les airs en l’acclamant. Morgan voyant cet effet de groupe si animé, elle tapota tout simplement des mains, se fondant dans le chahut du couloir. Se faisant bousculer, la vampire observa avec des yeux ahuris l’adulte près d’elle se jeter sur le cadavre de l’adolescente brune par terre et suivi du public. Ne voulant pas assister au festin, Morgan recula à petits pas avant de faire volte-face. La gagnante était maintenant encerclée par de diverses “personnes”, dégageant une aura étonnamment “non-agressive” qui attirait la jeune fille à les approcher. Une touffe aux cheveux blancs lui tournait le dos, elle reconnut l’élève. Il lui inspirait pitié. Morgan, avant d’avoir jeter pour la dernière fois un coup d'œil derrière elle, décida de se poster près des “casiers” pour écouter de manière discrète de quoi ils parlaient. Mine de rien, elle s'appuya contre une des grandes armoires en jouant avec le bout de sa chemise. La sirène avait des yeux verts bouteille, une tenue un peu vulgaire avec sa mini jupe de la couleur de ses prunelles, et ses bottines. Son haut noir à manches longues partait légèrement en décolleté, mais l'endroit était recouvert par pleins de colliers qui contrastait plutôt bien avec sa peau café au lait.
<<Tu risques rien maintenant au moins. marmonna une jeune fille à côté d’elle, avec des yeux scrutateurs. Elle est morte.
-J’espere oui…
-Elle a dit des bêtises à Mr.Hankey ? grogna une grande et épaisse personne à la peau rouge.
-Mais c’est horrible ! hurla la jeune fille. Je suis tombée du rang ce matin à cause de cette idiote.
-Un rang de quoi ? De ta chorale, peut-être ? marmonna le jeune homme qu’elle avait vu en agitant ses mains.
-Isey qui perd la grosse tête, hihi. susurra un camarade à la palette sombre.
-Tais toi.>>
  Un jeune homme aux cheveux turquoise légers tortilla ses doigts un instant, en levant ses yeux verts fluos vers la sirène.
<<Sans blague…Aisha pourra m’aider à remonter en grade, pas vrai ?
-Bah…Bah…>>murmura de nouveau la fille aux yeux scrutateurs, en agitant sa tête et ses dreadlocks noirs qui fondait dans son dos.
  Le petit groupe soupira.
<<C’est pas comme si c'était grave…On ferait mieux de déguerpir à la place. grogna de nouveau l’élève blanc.
-Petit imbécile, je te rappelle que j'ai besoin de ce titre pour nous tous.>>
  Elle commença à parler à voix basse,  son groupe échangeant soudainement des regards paniqués en rajustant ses longs cheveux à ses chevilles et sa frange droite avec précision. Il eut un silence brisé parfois par les bruits de mastications des autres et le présumé Caesar pointa du doigt Morgan et enchaîna une nouvelle combinaison de moment. Lugubre, elle continuait de les écouter et se rendit compte de leur silence, leva la tête. L’adolescente rabattit davantage sa capuche et stressé, s’avança mais avant qu’elle puisse parler Isey l’attrapa par la manche et contre son gré elle suivit la jeune sirène dans les toilettes. Un instant elles se fixèrent et Morgan enleva sa capuche pour commencer à essayer une introduction. Isey lui infligea une torture à dose de coups contre le carrelage de la salle la meurtrissant avant de la quitter tirée par des personnes pour qu’un trio d'autres élèves viennent l’achever à coups de ciseaux dans les cheveux et humiliation en lui plongeant sa tête ensanglantée dans l'eau souillée des toilettes par amusement, méchanceté ou tout simplement ennui. Le clocher sonna midi et une voix assourdissante se répercuta dans les couloirs, invitant tout le monde à se retrouver au milieu de l'enceinte. Morgan prit le miroir de poche que Suzanne lui avait donné et l’amena au niveau de ses yeux, assise contre le mur d’une cabine. Le visage de la jeune fille était un tableau de souffrance. Des coupures zébraient sa joue droite, certaines encore fraîches et suintantes, sa lèvre inférieure, fendue en deux endroits, portait des traces de sang séché et une plaie ouverte sur son arcade sourcilière laissait perler une goutte de sang, traçant une ligne rouge le long de son nez. La douleur et la fatigue se lisaient dans chaque pli de sa figure, ses traits tirés et déformés par l'épreuve. De ses doigts, elle tapota sa chevelure. Ayant les cheveux assez courts de base, ses bouclettes rousses étaient ravagées, sa tête tombant en une forêt de mèches hirsutes irrégulières défiant toute logique esthétique. Une goutte roula en une petite perle triste contre sa joue, brouillant le sang de sa blessure. Elle posa le miroir contre sa poitrine alors que son cœur se serra douloureusement, elle ne s'attendait pas à ça et ses muscles, étirés et tendus la faisaient grimacer davantage.  La voix qu'elle avait entendu hurla de nouveau. Morgan se releva à contre cœur après avoir jeté un dernier regard à son abominable portrait puis s’éclipsa discrètement, par chance les toilettes ne paraissaient pas être réellement fréquentées. Une cachette ?
Elle colla son oreille contre la porte. Plus un bruit dans les couloirs. Le sang tambourina dans le creux de son oreille lui susurrant son anxiété qui grandissait au fur et à mesure. La jeune fille remit son écharpe et sa capuche et, seule, traversa le passage à la recherche du point de rendez-vous, l’écho chuchotant autour d’elle sa présence qu’elle enveloppa de ses doigts. Elle voulait y aller pour trouver de l'aide, quelqu'un pour l’amener à Suzanne et surtout déguerpir. Cet endroit était le pire enfer de sa vie. Morgan atteignit bientôt une grande porte en verre, de mauvaise état, des fissures ou griffures zigzaguaient contre la matière en ondulations qui formaient un dessin lugubre. Lentement, elle poussa l'objet et s’éclipsa dehors. Un grand jardin se présenta à elle, l’endroit n'étant  recouvert que de la même étoffe que celle de l’hôpital elle donnait à l'endroit cette même atmosphère paisible avec un toit si étrange, ses bouts attachés sur les clôtures qui donnait à la forêt. Le jardin était éparpillé de bancs et de multiples statues étranges qui piquaient leurs têtes curieusement entre les nids à feuilles, du moins celles qui en avaient. À peu près l’entièreté des monstres étaient têtes levées vers une grosse bouche collée à une poutre qui articulait des mots. La jeune fille s'avança dans le chemin vers une grande fontaine et maussade vers les jeunes gens, les observant d'un œil inquiet en les voyant dans cette attitude de transe. Les lèvres du mur se refermèrent en une barre. S'attendant à une multitude de jappements de la part des élèves, elle se couvrit les oreilles. Pas un bruit. La jeune fille releva les yeux.
<<Morgan Districia Orticia Rosevelt.>> récita la personne alors qu’un œil mouillé et injecté de sang s'ouvrit au-dessus de cette bouche fendue et craquelée.
  En plus de cette pupille, tous les regards se fixèrent sur elle. Elle lui faisait penser à Sauron. La tension monta inexorablement quand un roucoulement traversa l’assemblée.
<<Morgan Districia Orticia Rosevelt. Bienvenue. Malgré les circonstances de votre venue je souhaite…sincèrement…à votre introduction à ce monde. J’espère que tout s'est bien passé jusqu'à là…>> susurra l’oeil, du moins la bouche alors que le trait qui lui servait de pupille se rétrécissait à vue d'œil.
  La poitrine de la jeune fille s'était serrée, lui privant de l’air dont elle avait besoin pour affronter cette pression qui l’écrasait, cette scène la mettait très mal à l'aise, elle avait l’impression d'être dans un film. Son cœur battait dans son sang, ses côtes et autres avec une raideur considérable.
<<Pas vrai ?>> hurla la voix.
  Tout le monde, y compris Morgan, eut un cri de douleur profond quand cette question stridente avait éclaté les tympans de toute l’assemblée, écorchant leurs oreilles d’un sifflement aigu et d'un volume sonore inexplicablement toujours plus fort. Haletante, Morgan hocha rapidement de la tête alors que la voix sonnait encore dans ses oreilles cherchant à grignoter espièglement chaques petits morceaux de son cerveau qui lui restaient.
<<...Bien. Bonne appétit.>>
  Dans un clignement et un fredonnement les paupières et les lèvres se fondèrent sur la poutre alors que les élèves, sortit de leur transe, recommencèrent à s'agiter de nouveau en cherchant des yeux la quelconque nourriture. Elle leva les yeux vers un élève à côté d'elle. La jeune fille voulut parler mais referma la bouche, elle avait déjà de la chance de ne pas s’être fait persécuter après comment elle s’est fait afficher devant les spectateurs, c'était tellement étrange comment ils étaient tous là à fixer cette présence, comme étant possédé d'une quelconque manière et cet chose…Ça lui donnait encore des frissons. Elle observa mieux l’endroit autour d'elle. Des tables étaient regroupées à des poutres distantes en cercle autour de la place de la structure d’eau, de différentes couleurs et un grand plateau remplis d'une seule nourriture mais différente à chaque endroit. Un rouge avec des boyaux ou membres, un autre bleu avec des algues et fruits de mer aigres, un autre gris avec des carcasses et des animaux en fin de vie…Bref. On passait de cafards à la peau, de bœufs entiers à des os. Mais il n’y avait rien de comestible, enfin, pour elle, car la multitude de gens autour d’elle dévorait leurs repas. C'était évident quelle table était attribuée à qui mais en voyant sa la sienne dégoulinante de sang…Elle réprima un relent de dégoût et s'écarta, encore une fois étonnée qu'elle ne réagisse pas au sang. Son ventre gronda et elle se tordit un peu pour étouffer le bruit, gênée. En y repensant, Suzanne lui avait donné de la nourriture humainement familière, peut-être en avait-elle laissé dans son sac ? Morgan se traîna au bord de la cour, contre une colonne qui offrait des insects frits et ouvrit son sac. Par chance il y avait effectivement du pain, il était ramolli par la poids des cahiers mais de son soupir offrit à la jeune fille une odeur réconfortante. Elle voulût prendre la nourriture mais s'arrêta. Les gens vont peut-être la trouver bizarre avec ce pain, peut-être ne connaissaient-ils pas ce que c'était…Ne pas se faire remarquer. D’un geste plus vif qu’elle le voulut, elle refermit son sac pour le jeter sur ses épaules endolories. Elle devait essayer de demander à quelqu'un de l'amener à l’infirmerie…Un adulte ? Pour l'instant elle avait eu des problèmes avec tout le monde mis à part eux. Une partie des personnes qui était présente s'était éclipsée, allant sûrement manger autre part. Elle devrait essayer avec quelqu’un de sa race. La jeune fille maudit sa propre pensée. Il aperçut un homme de la cinquantaine au teint pâle et cheveux longs toujours pencher au-dessus de la table au plateau rouge, paraissant hésiter avec un froncement de sourcil entre un cœur ou un rein il ne fit pas attention à Morgan qui lui tapa sur l'épaule. Celle-ci recommença. D’un geste brusque sa tête se tourna vers elle, son regard transperçant le sien, hostile, et il siffla un instant entre ses dents. Morgan avala sa salive. La dernière fois qu'elle s'était vue seule face à quelqu'un…
<<Bonjour, monsieur, pouvez-vous me renseigner sur l’infirmerie ? J'aimerais mis rendre.>>
  Celui-ci, déconcerté, la fixa un instant avant de regarder les cheveux de la jeune fille qui réussissaient à piquer et rouler sur ses joues. Les mains de l’inconnu se crispèrent, son teint plus pâle qu'il ne l'était déjà. Avec un grognement, il partit, à cran, sans lancer un regard derrière lui à sa nourriture. Morgan resta interdite pendant un instant en fourrant ses mèches à l’arrière de sa capuche de nouveau, un rictus d’inquiétude qui se rajouta aux plis de son visage. Il n'aimait pas les rousses ? Vexée, elle comprit que personne n'allait pouvoir l'aider si ça continuait comme ça, déterminé elle décida d’y aller elle-même. Avec un peu de marche…Beaucoup. Et un sens d’orientation exceptionnel. Se donnant du courage elle commença à quitter l'endroit mais jeta un dernier regard vers la grand poutre où l'œil et la bouche étaient apparus auparavant. Morgan avait été totalement écrasé par la pression de cette présence mais la nourriture l'avait totalement distraite. Suzanne pourra peut-être la renseigner plus tard. Quand elle la retrouvera et si elle voudra. Pour l'instant elle se résigna à aller la rejoindre. Son ventre maugréa de nouveau avec force et elle se tordit de nouveau, la jeune fille devait d’abord aller manger quand même..mais où ? Elle songea aux toilettes, c’était sûrement le meilleur endroit où traîner
pour l'instant. Ce n'est pas comme si quelqu'un allait y tenir un banquet, du moins elle espérait. Rapidement, elle s’éclipsa et rentra dans les couloirs où les monstres adossés aux murs ou tout simplement assis par terre mangeaient ensemble. Ils riaient, discutaient, chantonnaient parfois…Comme des humains. Morgan ne s'égara pas davantage et poussa légèrement la porte de la salle d’eau, celle-ci, rouillée, poussa un cri silencieux alors que la jeune fille scrutait la pièce par l’entrebâillement. C'était désert. Elle en profita et rentra en claquant la porte derrière elle, jetta un coup d'œil de nouveau autour, et s’enferma dans le cabinet le plus reculé de la pièce avec son sac, dégageant enfin sa tête de sa capuche qui commençait à l'étouffer dangereusement de ses bras. Morgan s'assit sur la cuvette avec soulagement et commença à mordre dans le pain en songeant. Elle n’avait pas été attiré par la nourriture que son “équipe”, comme elle l’avait été avec le sang de Suzanne. Étrange. Son côté humain avait pris le dessus ? Ses sens étaient beaucoup décuplés avant ? Est-elle seulement hypnotisée par le sang d'un Homme, pas d’un animal ? Ça faisait du bien de manger, du moins, elle se sentait mieux, plus concentrée et apte à réfléchir. C'était choquant comment cet oeil avait totalement momifié ces monstres par sa simple vue, et quelle voix puissante…Son cri faisait écho encore dans sa tête en une répercussion physiquement insupportable. Pourquoi n'avait-elle pas été affectée par cet envoûtement ? Parce qu’elle était nouvelle ? Enfin, plus vraiment, mais encore un petit peu ?  La jeune fille poussa un gros soupir, épais d’énervement, elle commençait sérieusement à en avoir marre de tout ça. Mais en soi, même, cet endroit c'était quoi ? Tout l'avait aidé à se rapprocher de l'école, les commodes à la place des casiers, les livres dans son sac, la nourriture le midi…Il y avait même eu plusieurs sonneries pendant le massacre qu'elle avait vécu derrière les murs de sa cuvette. Bon sang, vivement Suzanne…Son sourire, comment elle l’a rassuré, la compote qu’elle l’a donné, ses lunettes. C’est la seule chose réconfortante que Morgan connaissait jusque là, dans ce “monde”. Enfin, si elle pouvait appeler ça un monde, n'étant toujours pas convaincue de la réelle existence de cette endroit même si les blessures plaquées sur sa peau la titillait. Les muscles rouillés, la jeune fille s’étira en atténuant les picotements qui parcouraient sa peau qui lui rappela de nouveau son massacre. Elle avait été incapable de se défendre devant son assaillante. Mais pourquoi avait-elle fait ça au juste ? Car elle était nouvelle ?  Morgan massa en des cercles qui se voulaient relaxants le coin ses tempes. D'abord elle l'avait écouté, elle et ses amies sur ses cheveux après qu’elle eut abattu son ancienne rivale. Après s'être faite surprise entrain de les espionner par un des membres du groupe dont elle ne pouvait se rappeler; elle se fit enfermée aux toilettes. C'est à ce moment là que ça c'était compliqué après que la porte avait claqué. Isey, avait laissé planer un regard strict sur elle, un rictus évident trahissant son irritation. Morgan, tendue, été restée plantée là et prête à entamer le premier dialogue propre avec une des ces créatures. Son cœur battant dans ses oreilles, et l’odeur moite et souillée dans les toilettes grisant son cerveau; elle avait décidé dans un geste amical, d’enlever sa capuche. Ses bouclettes rousses après son mouvement avaient rebondi près de ses joues atrocement pâles avant qu'elle contempla le visage d’Isey, osant poser ses yeux sur l’expression de la fille. Le silence s’était fit étrangement plus sec et les pupilles de son interlocutrice s’éloignèrent en une expression de rapide panique avant qu'elle se jeta sur elle. Face aux souvenirs qui submergea son corps de nouveau, Morgan poussa un soupir tremblant. S’en survenue de la scène, seuls des cris et des mains qui vinrent attraper la fille pour la déchirer d’elle, partant en courant à ses côtés. Et ces étranges filles qui ont eu le plaisir de lui refaire une coupe…C'était tout ce dont elle pouvait s’en souvenir jusque-là et elle n’en avait rien à en tiré. Juste la légère expression apeurée d’Isey. La jeune fille se releva, ses phalanges blanchissant quand elle agrippa avec douleur le rouleau de papier toilette, retrouvant son équilibre. Elle agrippa son sac, toujours frotté négligeablement par terre avant de le pendre à ses deux épaules enrouées pour sortir de la cabine. Elle devait rejoindre Suzanne, impérativement. Morgan poussa lentement la porte du cabinet qui la cachait et fila discrètement par l’ouverture, ne s’attardant pas près de la glace fendue qui tapissait le mur devant elle. Pas besoin de se tourmenter davantage. La jeune vampire fit de nouveau vibrer une porte qui donna sur le couloir, du moins une des nombreuses allées du château. Le tunnel était rempli de monstres, leurs braillements et cris déchirant l'air en un échos, les murs, susceptibles de s’ébranler à n’importe quel instant, tenaient bons. Morgan s’y glissa contre et commença à longer les imposantes murailles. Un faible bain de soleil vibrait à travers le vitrail aux couleurs sanglantes des fenêtres, projetant sur elle et le sol comme des tâches et explosions de sang ou de roses à chaque fois qu'elle passait devant, son pas de plus en plus pressé. À son soulagement, personne ne lui prêta vraiment attention, ni à peine déposa son regard vaguement sur sa forme quand elle se faufilait entre eux. Elle était un peu perdue, désorientée dans cet endroit qui lui restait très soudain mais prenait peu à peu ses marques. Cette cire velours des bougies qui avait coulé sur le sol et qui collait à sa semelle. Ce tapis tranché et meurtrie à son milieu épais qui décapitait la divinité étendue. Ce bouquet de roses sèches dont les pétales se perdaient autour de lui. Enfin, plus loin devant, elle pouvait déjà distinguer la silhouette de la porte d’entrée et avalée par la masse des autres élèves qui mangeaient leur plat si atroce mais si heureux. Morgan zigzagua entre les personnes et enroula ses doigts autour de la poignée crochue de la frontière du dehors avant d’amener la porte vers elle qui ne sourcilla pas. Avec panique, la vampire recommença son mouvement, jetant de grands claquements en échos dans les couloirs. Certaines têtes se retournèrent en un craquement, leurs visages déformés par une expression irritée. La jeune fille continua, ébranlant les grandes plaques de bois avec détresse, ses bras se jetant contre les portes frénétiquement. Une main silencieuse se referma sur son poignet et la tira, la restreignant de faire davantage de bruit. Une sueur froide coula dans son échine, le contact de la peau étrangement chaude contre la sienne. Elle écarta vigoureusement son bras de la personne en manquant de trébucher. Les visages qui avaient pivoté vers l’intéressé à cause du bruit reprirent un angle humain, se préoccupant davantage de leur carcasse meurtrie sous leur grippe. Morgan transperça ses yeux dans celles de son assaillant. La sorcière fit un pas en arrière, marquant une distance rassurante entre les deux jeunes filles.
<<Pas de panique, c'est que…que tu fais un de ces boucans.>> souria-t-elle gentiment à Morgan qui lui tourna le dos, dorénavant concentré sur la porte.
  C'était une de ce groupe, qui avait participé à la discussion des cheveux d’Isey, donc sûrement une de ses amies. Ses yeux scrutateurs et ébènes cuisaient sur elle comme ce charbon qui allait alimenter l'étincelle pour l’enflammer et ses longues dreads n'étaient que la braise. Son regard la terrifiait et elle sentit son cœur se noyer en elle alors qu'elle commença de nouveau à vouloir secouer la porte pour sortir de ce château. Confuse, Aisha, ferma l’espace qu’elle avait imposé entre elles pour l’appeler. Ses mots furent étouffés par cette bulle épaisse autour de Morgan. Savait-elle ce que la sirène avait fait ? Si oui, pourquoi lui parler à elle, alors ? Ne l'avait-elle pas reconnu ? Pourtant elle l’avait vu, arracher les épaules d’Isey qui l'a dominait dans les toilettes avec une expression tordue en celle d’inquiétude alors qu’elle avait crié. Contre qui, au juste ? L’avait-elle aidé pendant ce moment douloureux en arrachant son amie ? Mais non, pourquoi quelqu'un lui voudrait du bien ici, de toute façon. Ses paroles silencieuses explosaient en répercussions autour d’elle et la bulle éclata quand Isey la secoua.
<<Arrête avec cette porte ! Arrête !>> avait hausser le ton un jeune homme pour reprendre l’intention de la vampire.
Morgan garda la tête baissée, son teint maintenant cireux, alors qu'une autre personne avait rejoint la sorcière, son ton sussurant maintenant familier.
<<Écoute…reprit Aisha d'une voix plus douce. Tu ne peux pas sortir d’ici pendant la journée, personne le peux. Tu devrais savoir ça, pas vrai ? Fuguer c’est pas la meilleure idée.>>
  Elle ne répondit pas, ses yeux plissés en deux fentes immobiles alors qu'elle resta silencieuse.
<<Ça va ?>> marmonna la jeune fille en posant une main sur l'épaule de Morgan, ses yeux ébènes paraissant de moins en moins terrifiants.
  Le garçon à côté d’elle échangea un regard avec son amie et poussa légèrement le membre de Morgan en arrière, faisant tourner la vampire vers elle révélant son visage précédemment dissimulé par sa capuche et sa mine sombre.
<<Écoute, essaye de…commença la sorcière avant que ses cils vibrèrent en réalisation.
-C’est elle ! La rousse ! La rousse !>> commença à barboter son compagnon, agitant ses nombreux bras en une illusion dansante sous l’étonnement.
  Légèrement vexée par ce diminutif, Morgan leur lança un regard chacun avec un visage impassible avant de reculer, ses pas trahissant sa nervosité.
<<Écoute ! Écoute-moi, je t’en supplie ! s'étouffa Aisha en reprenant les pas que la vampire créait en reculons. Je te jure, elle ne voulait pas ! Elle a paniqué !>>
  Elle n'en voulait pas de ses explications, elle ne leur faisait pas confiance et surtout pas eux également. La jeune fille émit un rond parfait et s’échappa entre les élèves de nouveau, à sa grande surprise ils ne la suivirent pas, abattus. Son pas se fit plus rapide et ferme. Elle ne pouvait pas sortir. Morgan continua à se faufiler et elle poussa la grande porte en verre qui menait au vaste jardin de dehors avec ce même drap au-dessus d’eux. L'endroit était désert, les tables volatilisées avec le reste et surtout c'était calme. Les buissons et fleurs fanées crépitaient autour d'elle et les silhouettes en marbre frissonaient.  Morgan resta sur un coin d'herbe, cachée par un ange enchaîné, les rayons du soleil faibles piquant doucement sur sa peau en un rappel éternel. Elle reprit son souffle, prenant un moment de paix. Un nuage épais de charbon passa. Le tonnerre gronda subitement dans le ciel assombri, secouant l'air avec une force brute. Le sol trembla légèrement sous la violence de ce cri, annonçant l'approche imminente de la pluie. De fines gouttes commencèrent à tâcher la peau frêle de Morgan et le château se fit tambouriner d’un assaut de larmes. Étonnamment, la pluie flirtait singulièrement à travers la toile, réduisant les longs fils de bave en une danse de perles autour du jardin. Elle leva les yeux vers la statue derrière elle. L’ange dont les bras étaient rongés par les chaînes laissait sa tête dure et épaisse de marbre tombée en avant en une tentative d'évasion. Sous cette inclinaison, les gouttelettes purent prendre l'aspect de pleurs sur son visage qui rebondirent sur la matière et sur les joues de Morgan. Dans un geste lent elle les essuya et s'enfonça dans l'endroit, approchant les barrières. Donc, elle ne pouvait pas passer par la porte, pas vrai ? Elle écarta le buisson et elle en déchira des feuilles. Étonnée par sa force, elle grimaça à la douleur des coupures et se fraya un passage malgré tout jusqu'à l’encontre des barrières. La jeune fille approcha son visage d’entre les piques pour percevoir la plaine embrumée de dehors. Les arbres avalaient la fumée naturellement, lançant une couverture de mystère sur le paysage qui se dessinait si loin mais si proche d'elle. Elle essaya de passer son bras à travers pour mesurer l’écart des barreaux, malheureusement elles étaient bien serrées, ne laissant passer que sa main. Morgan entendit Aisha se morfondre au loin, sûrement à la frontière du début de l’espace vert. La vampire étouffa un soupir. En une nouvelle tentative, elle posa ses deux mains sur les morceaux de métal et essaya de les déplacer ou du moins de les tordre. Elle puisa son énergie dans une source qu’elle n’avait pas et réussit juste à se coincer les doigts en un angle désagréable. La jeune fille relâcha sa prise douloureuse en s'écartant de l’endroit pour s'enfoncer dans les feuillages, taillant ses bras davantage dans ses mêmes lignes zébrées qui traversaient son épaisse peau. En peu de temps elle rejoint le jardin en vagabondant. Donc il n'y avait pas de sortie, aucunes ? Elle devrait peut-être demander à la sorcière, du moins, c’était la seule qui eût la volonté de lui parler proprement…mais avant d’avoir découvert qu'elle avait été la victime de son amie. La situation était maladroite entre eux, Isey l'avait mutilé mais ils avaient l’air prêts à l’aider en quelque sorte. Mais de remords ou dans un élan de pure humanité ? Ils avaient dit qu'elle ne voulait pas…Non. Elle devait se trouver un allié chez les vampires pas avec ces monstres, du moins, mener l’enquête sur eux. Enfin, les vampires étaient aussi d'horribles créatures mais du moins ça lui paraissait plus important de “sympathiser”. Morgan soupira et leva les yeux. La pluie s'était transformée en une rosée enivrante, comme une buée, en vagues de parfums  qui s'étaient gorgées de la forêt. La jeune fille l'inhala avec plaisir, alors que les engrenages de son esprit continuèrent à s'enrouler. Elle devait se trouver un but. S’échapper. Et potentiellement redevenir humaine, mais à part cette idée de sympathiser avec un vampire, à quoi bon ? Elle pouvait rester seule et ça l’arrangeait, pour l'instant personne ne lui a reproché son manque de présence mais elle devait bien trouver un moyen de sortir. Que étaient même supposés faire les monstres ici ? Ça serait bien de la découvrir, ça pourrait m'arranger. Elle rentrit dans le château, ses pas de boues et trempés formant un sentier glissant derrière elle. Les couloirs étaient déserts et laissaient rebondir en une répercussion douloureuse ses mouvements. Morgan entendit un bruit mouillé et distinct, elle aperçut une paire de yeux se volatiliser. La jeune fille s'approcha du mur de pierres et passa un doigt sur les reliefs sans distinguer aucuns restes de l’apparition, étrangement. Elle continua son chemin en faisant attention pour la première fois aux portes. Elles étaient toutes tracées et gravées de symboles étranges, et à chaque fois qu'elle essayait d'en ouvrir une, elles se verrouillaient singulièrement. Inquiète, elle continua, et atteignit le bout de l’allée face à deux escaliers. Un qui montait, et un qui descendait. La vampire jeta un coup d'œil dans ce manteau d'ébène sombre qui amenait à un étage plus bas et recula pour atteindre celui qui montait. Les marches étaient grincheuses et chancelantes sous son poids et son ombre était filtrée par les mêmes vitraux rouges des couloirs. En peu de temps, elle monta l'escalier pour commencer à longer les nouvelles allées qui débouchaient devant elle. Le plancher rugissait alors qu’elle continuait à explorer le grand château humide. Depuis certaines pièces il y avait des cris, des craquements, des mastications et autres horreurs qui l'obligeaient à accélérer son pas pour atteindre une nouvelle entrée dont la porte portait le même rouge que son écharpe. Croyant avoir rejoint une pièce qui lui était destinée, sa main s’approcha mais elle fût parcouru d'une sueur froide, d'un mauvais pressentiment qui la prenait par le cœur. Dans l’endroit il eût  des pas. La jeune fille colla son oreille et distingua des chuchotements étranges.
<<Il aurait…marmonna la première voix.
-Non…Non. Pauvre St.Santrusis.
-Après…
-Comment…
-Peu importante.>>
Les voix se coupèrent et il eut quelques pas près de l’endroit où la jeune fille espionnait. Instinctivement elle dévala les escaliers pour atteindre l'étage dont elle avait été temps effrayée, déterminée à créer une distance impressionnante entre le premier étage et le sous-sol. Où étaient donc partis les élèves ? Voulait-elle vraiment les rejoindre ? Elle songea un instant à cet œil et cette bouche qu’elle avait vu, était-ce le même être ?
<<Monsieur…Bonjour. Où suis-je sensée être ?>> essaya-t-elle avec une voix qui trahissait son frisson.
  Morgan guetta autour d’elle les couloirs humides du sous-sol, juste éclairés faiblement par une ou deux bougies tous les dix pas devant quelques portes. L’entité n’apparut pas contrairement à ce qu'elle envisageait et elle soupira un instant.
<<M’as-tu appelé ?>> éclata un chuchotement rauque.
  La vampire fût parcouru d’un sursaut violent alors qu’elle s’affala contre le mur derrière elle. Les briques se déplacèrent en une vague épaisse pour amortir sa chute malheureuse, secouée par une âme qui ne la laissa pas indifférente. Morgan s’appuya contre et fût rencontré par cet même œil devant elle. La scélérat était d’un ébène qui remuait en écumes autour de l’iris. D’un blanc nacré et laiteux elle était trouble et imprécise, la flamme distincte des bougies lançant un feuillage de reflets sur lui. La bouche en dessous remuait ses lèvres craquelées et affreusement sèches en des mouvements incorrects à la voix.
<<Allons, Morgan. Ressaisis-toi, ce n’est pas la première fois que tu me vois.>> elle susurra.
La jeune fille s’épousta, la voix grave qui miroitait avec celle d'un homme collant contre sa peau. Troublée et interdite, elle se contenta de fixer en retour l’être.
<<Respire un bon coup, d'accord ?>>
  Elle hocha lentement de la tête en laissant s'introduire dans ses poumons l’oxygène poisseuse et humide de l’endroit, légèrement touchée par la bienveillance de l'œil.
<<Je suis venue vous demander ce que je suis censée faire. dit-elle maladroitement en rajustant son écharpe.
-Ce que tu es censée faire ?
-Oui.
-Eh bien, mademoiselle, n'êtes-vous pas supposée rejoindre votre case ?
-Les vampires ?>>
  L’être eut un ricanement chaleureux, découvrant des dents bondées de sang en un bain de bouche affreux et difforme.
<<En autre oui, Mme.Rosevelt.
-Où sont-ils ?>>
  Morgan sentait son frisson et cette dureté au fond de son ventre se dissiper, bercée par la lumière dansante des ornements et la voix grave mais douce de la personne. Sous ses pieds le parquet, qui s’était revêtu en un amas de briques et graviers, roula en un mouvement synchronisé un petit tsunami la fit glisser à travers le couloir pour la rejoindre à l'escalier du haut. La jeune fille poussa un petit cri et secoua un peu les bras pour reprendre sa balance. Une main artificielle et tout de briques lui agrippa lentement la sienne pour l’aider. En peu de temps et sous le bruit du remue-ménage des planches dorénavant, elle arriva près d’une de ces nombreuses portes et épaisses de bois à barreaux sur le petit carré qui voulait entrevoir l’intérieur. Le sol se lissa sous elle et la main lâcha la sienne en un mouvement souple pour rejoindre le mur. Il eut un bruit mouillé, familier, et la paupière s’ouvrit à côté de la porte.
<<Bonne journée, mademoiselle Rosevelt.>>
  Puis, avant qu’elle ne pu lui rendre sa politesse avec une salutation ou une protestation, il s’éclipsa. Muette et hébétée, Morgan tourna sur elle-même. La voilà dans un de ces nombreux couloirs sombres aux mêmes murs et sols de matières sales. Près de la porte où elle était restée plantée en une statue à la position neutre, une bougie d'un rouge profond crachait son feu en un halo angélique autour d’elle. La flamme léchait le mur en une lampe torche indispensable au manque de luminosité de l'endroit. Le monsieur, à en juger par sa voix rauque et sombre, avait été d’un contraste impressionnant entre sa première apparition dans le jardin et puis celle-là lorsqu'elle l'avait réclamé. Il était venu si vite, trop même. Un cri et une foule de ricanements l'arracha de ses pensées quand la porte vibra. Elle passa son doigt frêle et mutilé d’anxiété sur le symbole qui n’était qu’une sorte de v à plusieurs coutures gothiques à l’envers. Il brilla un instant d'un contraste rouge impressionnant et les mots “SANG” se formèrent en une lière singulière. Un nuage froid passa sur le visage de Morgan qui contenait auparavant une expression satisfaite et calme. Elle plissa des yeux et ne put s'empêcher de le relire deux ou trois fois. La jeune fille jeta un coup d'œil circulaire autour d'elle. Sur les pans des autres portes, elle pouvait distinguée de sa vue maintenant pointue des plates gouttes de ce liquide épais et séché par terre. Elle reporta son œil sur le bord du sien et aperçut les mêmes évidences au message. Morgan devait verser son sang pour rentrer. Elle déglutit nerveusement et jeta un coup d'œil à l'intérieur de la pièce entre les petits barreaux de prison pour apercevoir un échantillon d’un mouvement à l’intérieur et une multitude de longs cheveux longs noirs se déchaînaient. C'était bien où elle devait aller. D’un geste rapide, elle rabattit sa capuche sur son front bombé d'inquiétudes et regarda autour d'elle une astuce de comment verser son fluide rouge. La vampire agrippa la bougie et la décrocha d'un geste sifflant de son ornement. La cire, chaude et fondue entre ses doigts lui rapportait une source de réconfort dans ces grandes allées secouées par les vents glaciaux du dehors. Elle porta la bougie un instant à ses poignets mais s’arrêta. Ça n'allait que la brûler en une tâche rouge et sèche contre sa peau fragile mais pas saigner. Dans un silence assourdissant elle porta quand même la flamme contre sa peau qui commença à griller et fumer en une odeur mortifiante. Une bulle de plaisir monta en elle alors que ses doigts et sa main tremblaient en douleur et que des frissons coururent contre son échine. Elle reposa la bougie dans son cocon original et rabattit le tissu sur son poignet meurtri. Morgan tourna sur elle-même et chercha de nouveau de quoi lui procurer du sang. Songeant, elle commença à croquer la peau de ses doigts à son habitude et une larme rouge coula dans sa bouche. Dans un élan négligeant elle voulût s’essuyer sur son pantalon à la fibre épaisse mais s’arrêta pour coller ses doigts contre le signe avec un battement d’espoir. La porte fit un bruit singulier et enfin la consigne s’effaça. Contente, elle regarda ses mains et les enfoncèrent de retour dans les gants de laine à ébène pour être présentable. Elle porta sa main sur son visage où se traçaient les séquelles de sa lutte. Enfin, présentable, en règles du moins. Morgan poussa la porte particulièrement lourde et rentra dans la pièce, l’entrée se refermant du couloir en une détonation grottesque et la bloquant pour un temps indéfini. Prise d'un élan de panique elle frappa contre la porte et la secoua, affolée mais elle ne broncha pas. L’air se fit envahir par un nombre impressionnant de rires et moqueries autour d’elle. Elle pivota sur elle-même. Morgan s'était introduit en une grande pièce ressemblant en un salon sanguinolent et gothique d'un aspect froid. Les murs étaient couverts d’une tapisserie garnie en un rouge bordé d'or, leurs fils riches et délicats frayant un chemin sur différentes formes singulières mais royales respirant une poussière maladive. Le sol était d'un parquet noir fondant en un bois naturel impeccable dans des vagues, formant la pièce en un pantagone étrange sur deux grandes fenêtres en plat couvert par des rideaux du même aspect que le reste de le couture à sa droite. Les vampires à la palette de l’automne que Morgan avait distingués comme plus bruyants que la norme se suspendaient au-dessus de l’ouverture des plaques de verre. Ils se jettaient tous dans le vide. Leur lueur de folie s’incrustait et se nacrait contre le ventre des tissus qui recouvraient les  dans un buisson imparfait de perles et leurs cris comme la vibration des feuilles sous le vent. Au milieu de la pièce, de grands sièges aux moulures mielleuses et coussins de soie étaient réunies en un cercle autour d’un grand tas grotesque de sang et peau, comme un feu de camp où étaient répartis une vingtaine de vampires au longs cheveux noirs d'ébènes. Tous maniaient des morceaux lugubrement et formaient différents piles près de leur chaise. Au-dessus d’eux, dans un parfum suicidaire, pendait lourdement un lustre fin d'un orchestre de diamants. Les rubis et les cristaux lactés se perdaient en une dose et artifice impressionnant, chancelant près de la tête des créatures. Morgan s’y écarta et se tourna de l’autre côté de l’endroit, à sa gauche. Une bibliothèque formée le mur. Les étagères soutenaient toutes en une puissance considérable les manuscrits aux rebords jaunies et livres à la rainure de cuir dans une montagne de ressources  impressionnante. Des vampires à l’allure fantomatique et d’une expression commune à celle d’un cadavre longeaient ou lisaient les recueils en une danse de nuages et de soie harmonieuse. Chacuns manipulaient dans leurs mains certaines écritures, le nez plongé entre l’odeur âcre et usée des pages. Puis, d’autres, étaient avachis contre un épais canapé ou d’autres chaises en griffonnant. Enfin, entre ce mur de livres et les fenêtres se trouvait une porte. Noire et clouée en une ombre intimidante, elle restait de marbre sous l'œil lourd de Morgan qui la défiait du regard. Les rires s’épuisèrent en un souffle quand elle fit face à ses camarades. Les concernés au boucan continuèrent machinalement leurs activités en l’ignorant. La jeune fille, perdue, s'écarta pour coller son dos à l’une des fenêtres et jeter un coup d'œil à travers par inquiétude. Ça menait à dehors, la forêt s'étendant devant ses yeux ainsi qu’une nuée de chauve-souris qui montait dans les airs. Morgan déglutit péniblement et se laissa glisser contre les rideaux. Les vampires attablés devant le tas lui jetaient des regards curieux et reculants à l'idée qu’elle soit là, et d'autres parlaient joyeusement. Elle passa un doigt sur la rainure des carreaux qui ondulait, les vitres légèrement embuées. Sa transe fut tiré par un glapissement.
<<T’as vu les petits crocs ?>> s’exclama un des monstres devant le tas.
  Il arracha une des dents avec un craquement mouillé en la tendant à son voisin. Celui-ci la prit du bout de ses doigts, faisant rouler l'objet entre ses phalanges couvertes de bagues.
<<Ça me fait penser à ceux de cette gamine, aujourd'hui. pouffa-t-il en la jetant négligeablement à ses pieds. Tu sais là…
-Isey ?
- Oui ! Je m'attendais pas à ça ! Comment elle a réussit à déchiqueté Marianne…
-Pareil ! ricana une, en détachant un tabias dans une explosion de sang de l’amas. On sait tous qu'elle aboie beaucoup mais je m'attendais pas à ce qu’elle morde aussi, la petite chienne enragée !>> ponctua-t-elle amusée en se moquant honteusement de la sirène.
  Elle éclata de rire en compagnie des autres, remuant la salle d'un vent de bonheur malsain. La jeune vampire prit la dent et la compara pensivement à ses propres canines en reprenant la parole.
<<C'est qu'elle n’est pas faible non plus la petite demoiselle. On la sait fougueuse mais…Après, il y avait beaucoup de menaces entre les deux. À ce qu'il paraît…Elle aurait fait ça pour ses amis ou pour les défendre. Mais bon, franchement, qui ferait ça pour protéger quelques morceaux de viande à sentiments ? Et surtout tuer quelqu'un…>>
  Une main blanche lui arracha le croc dont elle s’était emparé pour l’apporter à son oeil. Une des créatures pâles qui s’occupait de la bibliothèque s’interposa :
<<Marianne était une harpie. Elle ne savait pas se battre au corps à corps contrairement à notre vainqueure. marmonna-t-il en posant l'objet délicatement dans une étagère près de la bibliothèque. C'était évident qu’elle gagne, avec ou sans motivation.>>
  Il eut un chuchotement collectif dans un mélange de scepticisme et d’approbation. Morgan sentit son cœur battre plus fort contre la paroi de son corps en écoutant la discussion se dérouler. Avait-elle vraiment protégée ses amis ? Un froncement de sourcils trahit sa frustration. Elle serait tombée sur les bonnes personnes au mauvais moment même si elle ignorait encore le motif pour l'avoir blessé d’Isey. La jeune vampire resta contre le drapé des rideaux de soie, assise sur le plancher en réduisant ses yeux à deux fentes. Ses pensées prirent une danse endiablée dans son esprit alors qu’elle était déchiré entre les théories. Le vent souffla soudainement dans son cou en une écharpe glaciale alors que le fenêtre s'ouvrit en un claquement, faisant vibrer les murs derrière elle. Sous la force de l'impact elle couvrit sa tête roulée de sa capuche croyant qu'une marée de verre allait la renverser mais il n’en fit rien. Calmant son cœur et rencontrant l’expression neutre des autres personnes dans la pièce qui n'avaient pas broché, elle laissa ses prunelles de sang couler sur la source. Des éclats de voix puissants explosèrent alors que les vampires aux teintes sauvages de plus tôt se déposèrent sur le plancher en un craquement. Un d’entre eux refermit le verre de cette même force en marchant sur Morgan naïvement, son petit cri se tuant contre leurs paroles. La jeune fille les observa se vautrer contre les chaises répartis en cercle autour de l’amas en formant ce bazar joyeux. Les créatures blanches qui ne voilaient pas leur irritation par des rictus prononcés se rabattirent contre les étagères en une vague, ne les saluant même pas. Encore nerveuse de leur entrée, Morgan resta à terre, tremblante et frissonnante d’anxiété. La trace de chaussure du monstre qui l’avait piétinée était restée en une flaque difforme et moite sur le tissu de son pantalon épais. Elle passa une main délicate sur le bois sec et tendre du sol avec une mine pensive en pensant à la provenance de l'eau de la tâche. Des pas plus posés et fermes s’imposèrent en la détachant lentement de son attention à la trace. Avant qu’elle ne puisse poser ses pupilles sur les nouveaux arrivants, les voilà déjà campés au fond de la pièce du côté bibliothèque. C'était ceux menaçants, à la palette sombre et intimidante du bus qui lui lançait des regards remplis de reproches dans le bus. Exténuée, elle ne chercha pas davantage à vouloir connaître d’où ils vinrent, préférant garder ses paupières baissées en une expression calme pour ne pas les alarmer. Malgré sa façon d’agir ils la fixèrent de nouveau, ne partageant pas la conversation parmi les autres vampires. Bientôt, en un écho lointain et mélodieux, le clocher sonna quatre heures de l’après-midi, le son traversant le couloir du ciel jusqu'à eux. Ce hurlement qui s’était répercuté à l’heure de manger se répéta à plusieurs reprises. Sans don de sang ni autres mutilations, ils sortirent tous un par un avec précipitation, laissant Morgan abattue et seule. Elle rassembla ses dernières forces et dans un effort considérable se leva, poussant la lourde porte en bois sur le côté de nouveau.

Mourir sous un rayon de soleilWhere stories live. Discover now