Les Chroniques d'un Petit Renard

chapitre Trois feux et regret

Durant une nuit froide et humide, un fragment d'une puissante armée est stationné devant une ville assiégée depuis déjà dix jours. Malgré les assauts répétés, la cité tient bon, repoussant chaque attaque qui se brise contre ses hautes fortifications. Des lignes de fusiliers déversent un déluge de feu et de métal à chaque tentative d'assaut.

Désormais souillés du sang des soldats tombés, les vastes champs de blé, autrefois opulents, ne sont plus que des lopins de terre désolés où les corps s'accumulent, pourrissant au gré des intempéries, au grand bonheur des charognards.

La majorité des fantassins dans le camp abordent un regard fatigué. Un certain nombre portent des bandages, tandis que d'autres grignotent de maigres rations, leurs museaux envahis par l'odeur de la putréfaction qui règne aux abords du bivouac. Non loin de là, des potences érigées à la hâte balancent les malheureux qui ont tenté, sans succès, de déserter.

Dans cette atmosphère morose, les généraux se regroupent. Parmi eux, de vieux félins et canins, qui étudient des cartes, discutent de possibles tactiques et se disputent sur la marche à suivre, leurs visages ridés et cernés marqués par les ravages du temps.

Un des généraux, à peine capable de se tenir debout, observe la discordante discussion qui éclate sous la lueur vacillante des lampes. Ils se querellent pour savoir quelle stratégie adopter, sans jamais parvenir à un accord.

- Nous devrions faire appel à l'école de la lance. Son nouveau maître pourrait être capable de faire la différence, murmure l'un d'eux, qui se tient un peu à l'écart.

Un lourd silence s'installe.

- Demander de l'aide à ce gosse arrogant ? Je préfère encore perdre cette campagne ! hurle l'un des généraux, suivi par un chœur d'insultes et de désapprobation.

Les voix se taisent soudainement lorsque le bruit d'une canne frappant le sol retentit. Tous se tournent pour regarder l'auteur de ce geste, l'ambiance devenant encore plus pesante.

- Général Astros, pensez-vous que ce nouveau maître de l'école pourrait faire la différence ?

Tous répondent d'un garde-à-vous peu énergique, avant de quitter les lieux. Le matin suivant, alors que le soleil se lève, le camp, qui est bien moins impressionnant que lors de leur arrivée, se remplit à nouveau de vie. Une foule se regroupe devant un transporteur blindé qui traverse l'endroit, son moteur rugissant à peine en dessous de sa puissance minimale, faisant penser à une bête contrainte de se restreindre. Tous les regards se tournent vers le flanc en métal, où est gravé l'emblème d'un loup tenant une lance dans sa gueule, symbole reconnu de l'école impériale.

Le transporteur s'arrête devant les tentes des généraux, et sa trappe arrière s'ouvre dans un bruit grinçant, laissant sortir une troupe de grands hommes-loups à la carrure imposante et au visage fermé,

Ces derniers sont équipés de grandes lances, et d'un pistolet pendant à la ceinture. Des murmures s'élèvent parmi les soldats, peu convaincus que des hommes utilisant des armes aussi primitives puissent faire la différence, les jugeant plus proches de sauvages que de véritables soldats, voire pire, de mercenaires. L'un d'eux, portant un béret sur le crâne, affiche un visage impassible, n'exprimant que le strict minimum. Il prend une grande respiration et hurle d'une voix proche d'un coup de canon.

- EN GARDE !

Sa voix résonne avec force et autorité. Les hommes loup obéissent immédiatement, chacun attrape son arme, plante la tête de la lance dans le sol et plie le genou, y compris celui qui a lancé l'ordre. Un tel respect choque tous les autres soldats qui observent la scène. L'instant d'après, apparaît un jeune homme loup au pelage d'un blanc immaculé, le bout sombre de son museau contraste avec sa fourrure. Ses yeux, d'un bleu profond, scrutent les alentours, un sourire en coin se formant sur son visage. Sa stature dépasse le mètre quatre-vingt, faisant de lui la personne la plus grande de tout le camp. Certains spectateurs jurent halluciner en voyant la lance mesurant le double de sa taille.