- Prologue -

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Lorsque l'on meurt ou que l'on souffre d'une horrible perte, nous traversons tous cinq étapes, les cinq étapes de la peine.

On passe par le déni, car la perte n'est pas envisageable, on ne peut imaginer que c'est réel. On s'énerve contre tout le monde, contre les survivants, contre nous-même. Puis, on trouve un arrangement, on supplie, on implore, nous offrons tout ce que l'on a, nous offrons nos propres âmes en échange d'un jour de plus. Quand les négociations échouent, la colère est difficile à contenir, on tombe dans la dépression, le désespoir, jusqu'à ce que l'on accepte finalement que l'on a tout tenté. Puis, on abandonne. On abandonne et on accepte. Le chagrin peut être une chose que l'on a en commun, mais il est différent pour tout le monde. Cependant, il n'y a pas que la mort dont on fait le deuil, de la vie, d'une perte, d'un changement.

On se demande pourquoi cela bloque autant parfois, pourquoi ça fait tant de mal, mais la chose dont on doit se souvenir, c'est que ça peut changer. C'est comme ça que l'on reste en vie, quand ça fait si mal, que l'on ne peut plus respirer, c'est comme ça que l'on survit. En se rappelant, qu'un jour, qu'en quelque sorte, vous ne le ressentirez plus de la même manière, que ça ne fera plus aussi mal.

Le chagrin vient à chacun en son temps, de sa propre manière. Alors le mieux que l'on puisse faire, le mieux que chacun puisse faire, c'est de recourir à l'honnêteté. Le truc vraiment merdique, la pire partie du chagrin, c'est que vous ne pouvez le contrôler. Le mieux que l'on puisse faire est d'essayer de laisser nos sentiments quand ils viennent. Et, les laisser partir quand on peut. La pire chose, c'est qu'à la minute où vous pensez l'avoir surmonté, ça recommence. Et, toujours, à chaque fois, vous ne pouvez plus respirer.

Le chagrin comporte cinq étapes. Elles nous semblent à tous différentes, mais il y en a toujours cinq : le déni, la colère, les négociations, la dépression, l'acceptation.

© Grey's Anatomy.





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18 avril 2020

Séoul, Centre funéraire

13:52

L'Autel est beau, entièrement fleuri. Fleuri des fleurs qu'elle adorait. Ses préférées, des Ancolies du Colorado. Elle disait toujours qu'elle les adorait, car elles représentent la force et l'élégance, pour elle, il s'agissait des qualités premières que devaient obtenir les femmes. Et, lorsqu'elle parlait des femmes en général, elle parlait en réalité de ses filles, de Sooya et de moi. Dans les rites funéraires classiques, les compositions florales sont blanches, mais nous ne voulions pas de Goukhoa. Pas pour elle, parce qu'elle détesterait ça.

Son portrait trônait à côté de celui de Papa. La décoration était un peu différente, Suyong tenait à ce que ses cigares préférés entourent son portrait. C'était tout lui, il adorait fumer des cigares à la maison, même si, Maman le lui interdisait. C'était, il me semble, le seul sujet sur lequel ils étaient en désaccord. Je pense que c'est de là que sa passion pour les fleurs à commencer, pour recouvrir l'odeur des cigares que fumait Papa.

C'était une situation très déstabilisante, je détestais cette odeur, comme Sooya. Mais, aujourd'hui, je donnerai ma richesse, mon âme et mon cœur pour pouvoir sentir cette odeur encore un mois. Seulement trente petits jours de plus... Étais-je trop gourmande ? Même un jour, je le prendrai, même une heure. Quelques secondes si cela pouvait faire que ce soit moins brutal.

Nous nous préparons toujours à vivre beaucoup de choses lorsque nous entrons dans l'âge adulte. Mais, comment pouvons-nous nous préparer au décès soudain de nos deux parents ? Comment pouvons-nous le surmonter ? Comment pouvons-nous encore continuer d'avancer quand nos repères ont disparu ? A cet instant, nous ne ressemblons qu'à un bateau aux larges des côtes, essayant tant bien que mal de rejoindre le port, sans lumières projetée par le phare. Nous sommes seuls, seuls, entourés d'une vague de personne.

𝗘𝗠𝗕𝗥𝝝𝗦𝗜𝝠 : 𝙻𝚎 𝙲𝚘𝚍𝚎.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant