4. Jalouse

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Lundi, la matinée a filé vite. C'est le troisième jour de collège, tout semble toujours aussi nouveau. Les cours qui s'enchainent font passer le temps sans le voir. Ramasser ses affaires, courir à la prochaine salle, nouveau prof, s'installer, écouter, recommencer. À la récré, avec Romane, on se raconte notre week-end et Manon reste à nous écouter. Ensuite, on a cours de français avec notre prof principale.

Après la pause repas, je réalise qu'il est presque l'heure de reprendre les cours. Je n'ai pas vu l'heure défiler. J'implore mes copines des yeux.

— Les filles, ça vous dit qu'on passe aux toilettes avant d'aller en maths ? J'ose pas m'y rendre seule...

Je vois les échanges de regards hésitants : que faire de Gautier ?

— Je viens avec toi, me propose Manon, allez-y vous deux, on vous rejoint.

Soulagée, je suis Manon pendant que les deux autres se dirigent vers un couloir.

Une fois dans les toilettes, je parle à travers la porte :

— Merci, Manon, j'avais trop peur de ne pas trouver la salle de cours, au moins, à nous deux, on s'en sortira toujours.

— Je regarde de loin si je vois où vont les autres.

— OK.

Je me dépêche et demande :

— Ça sonne bientôt ?

Silence.

— Manon ?

Silence.

— Manon, t'es là ?!

Inquiète, je me rhabille et sors en trombe. Personne. Manon m'a laissée en plan. Je garde l'espoir qu'elle soit dans le couloir : personne. Là, je panique. Je ne sais pas où je suis, ni où je dois aller. Je sors mon emploi du temps pour trouver le numéro de la salle : D215. Bon, je sais que ce sera au deuxième étage, mais lequel ? À cet instant, la sonnerie m'indique que je suis mal barrée. Je cours d'un côté, j'essaie de trouver des informations sur les murs, je vois un escalier, je m'y engouffre, mais une fois en haut, le couloir part de chaque côté : comment choisir ? J'opte pour la droite, je ne sais plus, les larmes commencent à monter, j'ai trop chaud, je suis complètement perdue. Des élèves vont dans tous les sens, mais personne ne se préoccupe de moi. Je ne sais plus comment m'y retrouver. Je redescends pour trouver un autre escalier, mais je ne repère personne qui me soit familier ni aucune indication qui m'aide. J'ai juste envie de m'enfuir de cet endroit si effrayant et me planquer au fond de mon lit pour toute la vie. Je crois bien que je n'arrive plus à respirer, je ne vois plus rien, quand une main s'abat sur mon épaule.

— Qu'est-ce qui t'arrive, ma grande ?

Je lève les yeux et découvre le visage d'un adulte, un prof, surement, l'air sympa, mais sérieux.

— Je... je... j'arrive pas à trouver ma classe.... Je crois que je suis perdue...

J'entends autour de moi des ricanements, je préfèrerais disparaitre dans le sol à cet instant. Le prof n'a pas l'air déstabilisé par la situation.

— Tu sais quel est le numéro de la salle ?

— D215, je réponds doucement.

— OK, viens, je t'accompagne.

Il pose gentiment sa main contre mon bras et je lui souris de gratitude. Nous voilà, marchant côte à côte, c'est un peu gênant. Je ne sais pas quoi dire, je ne le connais pas. Il doit avoir lu dans mes pensées, parce qu'il décide de se présenter :

— Je m'appelle Monsieur Lebas, et je suis prof d'anglais. Et toi ?

— Je m'appelle Maëlya, je suis en quatrième, mais je suis nouvelle.

— Oh je comprends, c'est difficile de changer d'établissement. Ne t'inquiète pas, c'est tout à fait normal, tu vas vite prendre tes marques et bientôt tu iras en cours les yeux fermés.

Si seulement c'était vrai ! Mais à cet instant, j'ai bien du mal à y croire. Nous marchons comme dans un labyrinthe, les couloirs se sont vidés, je me sens hyper mal. Enfin, monsieur Lebas s'arrête devant une porte. Il frappe et entre sans attendre.

— Tiens, je t'ai ramené une élève égarée ! lance-t-il à ma prof de maths.

Tous les regards sont sur nous, j'ai trop honte, je file m'assoir à la première place disponible. Monsieur Lebas est toujours à la porte, il m'adresse un clin d'œil avant de refermer doucement. Rapidement, je regarde Manon qui m'ignore, comme si elle n'était pas concernée. Je bouillonne en moi-même, mes mains tremblent en sortant mes affaires de mon sac.

Quand le cours est terminé, je retrouve Manon et Romane dehors.

— Merci Manon, c'est trop sympa de m'avoir plantée ! je lance, énervée.

— Mais tu m'as dit que c'est bon quand je t'ai demandé si je pouvais rejoindre les autres ! répond-elle en ouvrant les grands yeux.

— Quoi ? Mais ça va pas ? J'ai jamais dit ça ! Justement j'avais dit que je savais pas où était la salle de cours !

— Je suis sûre que tu m'as dit OK.

Son air de petite innocente m'insupporte. Bientôt c'est moi la méchante qui l'accuse de mentir. Je décide de suivre le reste des élèves sans me préoccuper d'elle. Romane me rattrape.

— Maëlya, ça va ? C'est pas très cool ce qu'elle a fait. Elle nous a dit que tu voulais pas qu'elle reste collée à toi. Elle est un peu bizarre...

— Elle est jalouse, oui ! Elle déteste ne pas être le centre du monde.

— C'est ce que j'ai remarqué, oui.

Gautier s'approche de nous.

— Bah alors, tu as eu une arrivée en VIP ? déclare-t-il rayonnant.

— Ouais, merci, je m'en serais bien passée... laisse tomber, la panique et la honte !

— Bah tu parles, c'est que le troisième jour, rien d'étonnant, me console Romane.

— Si j'avais su, je serais pas allée aux toilettes !

— Il avait l'air bien sympa, le prof qui t'a amené, tu sais qui c'est ? demande Gautier.

— Monsieur Lebas, il est prof d'anglais.

— Ah oui ? Mais tu sais que c'est NOTRE prof d'anglais ?

— Mais non ?

Romane sort son emploi du temps et vérifie.

— Mais oui, regarde, il a raison !

— Oh la honte, je gémis.

— Arrête, il a l'air grave cool, s'écrie Gautier, enthousiaste.

— Sauf que je serai à vie « celle qui se perd dans les couloirs ».

— Mais non, t'inquiète, d'ici peu ce sera oublié !



Cher journal

Je déteste vraiment Manon ! Comment elle a pu me faire un coup pareil ? Tu sais ce qu'elle a osé faire ? Elle m'a abandonnée comme une vieille chaussette alors qu'elle savait très bien que j'ignorais où on avait cours.

Je suis sûre qu'elle s'est vengée parce que j'ai parlé de mon chien à Romane, elle est trop sympa cette fille et elle aime aussi les chiens, elle en a eu un, mais qui est mort pendant l'été. Alors, normal, je lui ai montré des photos de Bixby, elle m'a présenté celle de son Bouba (en cachette parce qu'on n'a pas le droit au téléphone au collège)

Mais Manon, elle n'a pas de chien. Elle dit qu'elle n'aime pas ça, mais moi je crois que, pour ça aussi, elle est jalouse.

En vrai, elle regardait de loin, elle faisait style de pas être intéressée, mais je n'y crois pas.

Bref, mon prof d'anglais m'a sauvé la vie. Au moins, je sais que j'ai un prof sympa.

À plus !

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 14, 2024 ⏰

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