Chapitre 49

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Nao prit la parole :

- Je te propose d'essayer quelque chose de moins intense pour essayer de déclencher ton pouvoir.

- Moins intense que de me faire brûler vive, laminer par ta sœur, ou à moitié tuée par un Raphaël bien trop content de tester son pouvoir sur moi tu veux dire ?

- Exact, sourit-il. Ça te dirait de vérifier si tu n'es pas une psychique ou une gardienne face à une mise en situation ?

- Tu penses à quoi, exactement ?

- Aller à l'hôpital pour essayer de déclencher tes pouvoirs grâce aux émotions des gens.

Moins intense, avait-il dit ? Même si l'idée ne risquait pas de la blesser physiquement cette fois, elle n'était guère emballée par l'idée d'aller se promener dans un endroit qui avait de fortes chances de saturer le désespoir et la douleur. Elle émit de forts doutes sur le projet de Nao, qui la rassura :

- Ce n'est pas la même chose que les hôpitaux humains. Ici, quasiment tout peut-être guéri très rapidement, et ce n'est pas la même ambiance que sur Terre. J'en ai déjà visité un, il y a un ou deux ans, précisa-t-il devant le regard interrogateur de Victoire, avant d'ajouter en frissonnant : C'était vraiment pas chouette.

Victoire hésita un instant, avant d'accepter. De toute façon, elle n'avait rien à perdre, et elle n'avait pas encore visité les systèmes de soin ici. Même si à son humble avis, il y avait clairement très peu de chances qu'elle développe des pouvoirs d'empathie. Mais bon, sait-on jamais.

***

Quelques jours plus tard, Nao l'emmena donc dans un des centres de soins que la ville comptait, et elle comprit ce qu'il avait voulu dire à propos de l'ambiance. Les hôpitaux humains, ou du moins les urgences de celui qu'elle avait visité quand sa petite sœur s'était ouvert le menton en tombant lors du précédent été, sentaient l'angoisse, la peur, et les détergents chimiques. Comparés à la bonne humeur qui régnait dans celui qu'elle visita avec Nao, Victoire comprenait que le changement d'atmosphère ait été rude pour lui.

Une grande salle remplie de canapés, de coussins, de tables et de rafraichissements accueillait les patients en premier lieu, dans le cas où le médecin qu'ils venaient voir en consultation aurait du retard – ce qui était apparemment rarissime. Les blessures les plus graves, qui variaient ici d'une maladie foudroyante à plusieurs os cassés, étaient pris en charge au même endroit, et les patients entraient encore plus rapidement en consultation que les personnes qui étaient là pour un simple contrôle de routine. Les soigneurs prescrivaient une potion ou se servaient de leurs pouvoirs et de divers onguents pour guérir les blessés, et il n'était pas rare de voir un patient entrer en très mauvais état puis ressortir quelques heures plus tard sur ses deux jambes, comme si de rien n'était. Enfin, pour peu que quelqu'un reste assez longtemps dans la salle d'accueil pour le croiser.

Ils errèrent quelques temps dans l'entrée et les couloirs, mais comme elle l'avait pressenti, Victoire ne manifesta aucun pouvoir face à la douleur des gens. Cependant, au fil des déambulations, elle remarqua que Nao saluait les personnes travaillant ici comme s'il les connaissait, ce qui s'avéra exact lorsqu'elle le lui demanda.

- Je viens aider de temps en temps. Mes pouvoirs sont utiles et très appréciés puisqu'ils marchent plus rapidement que les potions.

***

Au fil des jours, les tests de pouvoirs se poursuivirent, chaque nom barré sur la liste enfonçant un peu plus le moral de Victoire. Visiblement, elle ne pouvait ni manipuler l'eau, ni contrôler la gravité, et encore moins lire dans les pensées des gens ou se rendre invisible. L'hypothèse de l'erreur du Golem recommençait à lui trotter dans la tête, même avec tous ces gens qui lui affirmaient que : « le Golem ne se trompe jamais » - elle avait d'ailleurs soumis l'idée à Teery de faire une grande banderole portant cette inscription à accrocher à la maison centrale de la ville, mais il n'avait guère eu l'air d'apprécier sa brillantissime idée. En fait, il n'avait l'air de ne rien apprécier du tout venant de sa part depuis l'intervention de Maria, qui, pour être franche, n'avait pas vraiment fait bouger les choses.

Elle avait donné ses vêtements remplies de runes à un quelqu'un censé les examiner pour voir d'où elles pouvaient provenir, mais ils avaient fini par lui rendre en lui conseillant d'utiliser la rune de protection présente sur ses habits, qu'ils avaient renouvelé pour la protéger d'attaques comme celles dans la rue. Soulagée d'être enfin entendue, Victoire avait accepté sans trop sourciller, mais dès qu'elle avait eu ses vêtements en main, elle avait insisté auprès de ses amis pour qu'ils prennent une des pièces marquées par la rune de protection, et qu'ils la portent lorsqu'ils trainaient ensemble.

Cependant, lorsqu'elle avait demandé aux personnes qui s'étaient occupés des runes quand est-ce qu'elle verrait sa famille, tentant de passer par un biais plus réceptif pour sa demande, ils lui avaient dit de voir ça avec son référent. Evidemment, elle avait à nouveau plusieurs fois insisté auprès de celui-ci pour pouvoir leur rendre visite, ou au moins qu'ils puissent communiquer de manière fluide et pas en échange de lettres qui restaient sans réponses du côté de Victoire. Et bien entendue, elle s'était fait refouler par celui-ci, sous prétexte que sachant qu'elle ne savait pas quel était son pouvoir et ne pouvant donc pas le contrôler, il aurait été inconscient de sa part de mettre en danger des gens qu'elle aimait, n'est-ce-pas ?

Victoire n'avait rien à répondre à cela, même si elle tenta une fois de dire qu'elle mettait en danger la population ici aussi si on partait de ce point de vue et que le plus simple était peut-être de l'enfermer à vie au fond d'un donjon, vu que son pouvoir n'était pas près de se déclarer. Etrangement, Teery s'était contenté de lever les yeux au ciel en l'entendant dire ça.

Si sa vie avait continué de manière normale après son treizième anniversaire, elle aurait actuellement dû être en cours après avoir fait sa rentrée en quatrième, à regarder des séries, et sortir avec ses amis en pestant contre les devoirs et les professeurs qui en donnaient trop. Peut-être même que sa mère aurait été à la maison pour quelques jours et qu'ils auraient pu en profiter pour sortir en famille. Mais malgré sa nostalgie, elle commençait à se rendre compte que sa vie là-bas était terminée. Ils étaient convaincus qu'elle avait un pouvoir, et même si elle finissait par savoir lequel – ce qui, au rythme où allait les choses, devenait de plus en plus improbable – ils ne la laisserait pas repartir chez elle.

Cependant, elle n'avait heureusement pas trop de temps pour penser à tout ça. Comprenant peut-être sa baisse d'enthousiasme, ses amis la laissaient très rarement seule et ils avaient toujours un nouveau truc à lui faire voir – pour ceux qui essayait de l'aider, c'est-à-dire tout le monde, excepté Sana et Raphaël, qui eux préféraient trouver de nouveaux moyens d'entamer des joutes verbales dans le cas du second, ou juste des manières de lui faire comprendre qu'elle faisait chier et qu'elle -Sana- n'était là que pour Nao.

Le seul point positif au fait que le temps continuaitde se dérouler aussi impitoyablement était que les rumeurs à son sujets'étaient un peu calmées. Ou du moins le supposait-elle étant donné que demoins en moins de gens se retournaient dans la rue pour la pointer du doigt. Letest avec le bloqueur de pouvoir devait bientôt avoir lieu, mais Victoiren'était pas sûre de pouvoir ranger ça dans la catégorie des bonnes nouvelles.Elle avait demandé des précisions sur ce qu'il allait se passer à Automne, etcelle-ci l'avait renseignée du mieux qu'elle pouvait, malgré son inexpérience.Selon son amie, le bloqueur projetterait son pouvoir sur celui de Victoire pourle recouvrir, et il saurait qu'elle avait un pouvoir quand il sentirait une présence,une ombre autour de Victoire. Normalement celle-ci devrait avoir un rapideaperçu de l'aura de son pouvoir, avant que le pouvoir du bloqueur ne cesse defaire effet. La grande question était : pourquoi est-ce qu'ils avaientattendus tout ce temps pour lui faire passer ce test ?

Victoire - Le pouvoir perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant