CHAPITRE 1

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Il était tout juste 7h30 lorsque le réveil sonna. Une journée particulière commençait pour Enora, qui s'apprêtait à intégrer un centre militaire situé à environ 800 kilomètres de chez elle. Ce n'était pas elle qui avait pris cette décision, mais sa mère, Hélène.

Ne sachant plus comment gérer le caractère fort de sa fille, Hélène avait choisi de la confier à l'État, espérant que celui-ci saurait la remettre sur le droit chemin.

«Bonjour» lança Hélène lorsque Enora apparut dans la cuisine. «Ton train est à 16h45, j'espère que tes affaires sont prêtes.»

« Bonjour. Oui, j'ai bien dormi, merci, et toi, ça va ? Et puis, qu'est-ce que ça peut te faire que mes affaires soient prêtes ou non ? Ah oui, pardon, tu dois être tellement heureuse de pouvoir enfin te débarrasser de moi. Mais ne t'inquiète pas, je ne comptais pas rester longtemps. J'ai des personnes à voir avant de partir, et comme Lola n'est pas là, je peux partir sans culpabiliser. Je passerai quand même avant de prendre mon train, quand elle sera là, afin de lui dire au revoir.»

Sans un mot de plus, Enora se tourna et quitta la maison en claquant la porte, laissant sa mère seule au milieu de la cuisine.

Ce bref échange entre les deux femmes révélait la profondeur des tensions qui déchiraient leur relation.

La jeune fille errait dans les rues de Narbonne, jusqu'à se retrouver devant la porte de sa meilleure amie, Camilla.
Après avoir sonné à la porte, celle-ci s'ouvrit  laissant apparaître une jeune femme d'environ un mètre soixante dix les cheveux bruns.

« Éno ! » s'exclama cette dernière en se jetant dans ses bras. « Tu pars déjà ? »

«Camz, tu vas tellement me manquer.»

« On s'appelle dès que tu peux, d'accord ? Même si je ne suis pas vraiment enchantée par ton départ, surtout quand on connaît les vraies raisons qui t'envoient là-bas, je suis sûre que tu vas finir par t'amuser, rencontrer de nouvelles personnes, te faire des amis, etc. Mais je te garantie que si tu trouves une nouvelle meilleure amie pour me remplacer, je te jure que ça va mal se passer. Je suis la seule et l’unique, d'accord ? »

« T’es bête, tu le sais ça. Et puis, tu sais bien que je ne te remplacerai jamais. Mais sache que je ne pars pas en colonie de vacances hein, je vais dans un centre militaire. Je n'ai pas envie de rencontrer de nouvelles personnes, je veux juste qu’on me foute la paix.»

« C’est peut-être aussi le moment idéal pour oublier ton soi-disant petit ami tu ne crois pas ? D’ailleurs, où est-il ? Il sera là pour te dire au revoir au moins ? » répliqua Camilla.

« Je ne sais pas. Il m’a dit qu’il était occupé avec des potes aujourd’hui » répondit Enora en baissant la tête.

«Éno, sincèrement, quand est-ce que tu vas ouvrir les yeux sur lui ? On ne va pas revenir sur le sujet, mais je suis persuadée que ta mère t’envoie là-bas en partie pour te tenir éloignée de lui.»

«Camz, s’il te plaît, ne parlons pas de ça » dit-elle tristement. «Je peux te demander un service ? » ajouta Enora.

«Bien sûr, tu sais que tu peux tout me demander. »

«Prends soin de Lola, s'il te plaît. Elle a du mal à accepter que je sois obligée de partir. Elle t'apprécie beaucoup et t'écoutera sûrement. Et entre nous, tu es l'une des seules de mon entourage que ma mère tolère. »

«Tu sais que tu n’es pas obligée de partir Éno, tu es bientôt majeure, tu peux prendre tes propres décisions. »

« Comme tu l’as dit, Camz, "bientôt majeure" », répéta Enora en mimant des guillemets. « Cela veut dire que je ne le suis pas encore, et que je n'ai pas mon mot à dire. »

«C’est tellement injuste… Elle n’a pas le droit de t'infliger ça. Ta mère m'apprécie peut-être, mais avec tout ça, ce n'est plus le cas de mon côté. Mais ne t'inquiète pas, je veillerai sur Lola. Et donne-moi des nouvelles dès que tu peux, d’accord ? »

«Je sais, mais fais un effort pour moi et pour Lola, s'il te plaît. Tu es bien la seule à pouvoir parler calmement avec ma mère, et j’ai l’impression qu’elle t’écoute. Peut-être que tu pourras la raisonner… »

«Ne t’en fais pas, ma belle. Je serai toujours là pour toi et Lola. Je t’aime tellement », finit-elle par dire en serrant son amie dans ses bras.

Les deux filles passèrent le reste de la journée à discuter. Il était 15 heures lorsqu’Enora rentra chez elle pour récupérer ses valises et dire au revoir à sa sœur.

Bagages en main, Enora monta dans le taxi et donna au chauffeur l'adresse de la gare, située à une vingtaine de minutes de chez elle.
Devant le tableau d'affichage des départs, Enora constata avec frustration que le train pour Reims avait un retard de 45 minutes.

« Super, ça commence bien », murmura-t-elle en soupirant.

Elle s'installa sur un banc à l'extérieur de la gare, sortit une cigarette de sa poche et commença à parcourir son téléphone.
Aucune nouvelle de Milan, son petit ami.
Elle se sentit de plus en plus agacée par son silence et se demandait comment réagir face à son mutisme.

Après un moment d'hésitation, elle décida de lui envoyer un message :

« J'ai tenté de t'appeler plusieurs fois pour te voir une dernière fois avant mon départ. Je pensais que tu aurais fait l’effort de me dire au revoir, mais apparemment, tu as mieux à faire. Bref, bonne soirée à toi aussi. »

Le moral en berne, Enora monta finalement dans le train, 45 minutes plus tard.
Le trajet passa rapidement, car elle s’endormit et ne se réveilla que lorsque le train annonça son arrivée à la gare de Reims

Enora vérifia son téléphone : deux notifications s'affichaient, un message de Camilla et un autre de Milan.

Elle ouvrit le premier message :

« Bon voyage, mon chat. Tiens-moi au courant. Je t’aime. »

Un sourire s'épanouit sur ses lèvres à la lecture de ces mots réconfortants.

Elle passa au second message, et son sourire s’effaça rapidement :

« Ne commence pas à me prendre la tête. J'avais d’autres choses à faire et je fais ce que je veux. Toi, fais bien attention dans ton école militaire. Sache que tout se sait. »

Elle rangea son téléphone et se dirigea vers la zone des bus. Trois jours auparavant, elle avait reçu par mail toutes les informations nécessaires à son arrivée.

Elle sortit la convocation et lut à voix basse : « Quai A, bus 56 ».
Une fois dans le bus, le trajet passa rapidement et elle descendit trois arrêts plus loin.

SOUS LA DISCIPLINE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant