CHAPITRE 6

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Pelletier rejoignit Enora à l'extérieur, où la fraîcheur de la soirée se faisait sentir.

« Prends le temps pour une cigarette », lança-t-elle d’un ton plus calme que d’habitude.

« Merci », souffla Enora, visiblement soulagée.

Elles s’assirent sur un banc proche. Enora alluma sa cigarette, et dès la première bouffée, elle sentit une vague d’apaisement l’envahir. Elle ferma les yeux un instant, profitant du moment.

« Tu fumes depuis combien de temps ?» demanda soudainement Pelletier, brisant le silence.

« Depuis mes 15 ans, soit bientôt 3 ans», répondit Enora, les yeux toujours fermés, profitant de l'effet apaisant de la cigarette.

Pelletier hocha légèrement la tête, observant la jeune fille. Elle semblait réfléchir à quelque chose avant de reprendre :
«Ça fait longtemps pour quelqu’un de ton âge... Pourquoi avoir commencé si tôt ? »

Enora rouvrit les yeux, hésitant à répondre, ne sachant pas vraiment si elle avait envie de se confier à Pelletier.
Enora prit une nouvelle bouffée, laissant un léger silence planer avant de répondre d'une voix plus basse :
« Je sais pas... Un mélange de stress, de mauvaises influences. Et puis, j'ai vite pris l'habitude. C'était un moyen de fuir... un peu. »

Pelletier hocha la tête en signe de compréhension, sans juger.
« Fuir quoi, exactement ? » demanda-t-elle doucement.

Enora fixa un point au loin, hésitant à s'ouvrir davantage. Elle finit par lâcher un soupir et répondit, sans entrer dans les détails :
«Plein de trucs»

« Fuir n’est jamais la solution, Enora. Et je pense que tu le sais déjà. Mais si tu veux changer quelque chose ici, il va falloir affronter ce qui te pèse, pas seulement le repousser. »

Enora jeta un coup d'œil rapide à Pelletier avant de détourner le regard, pensant à ce qu'elle venait de dire.
« Facile à dire… »

Puis un silence pris place. Enora jeta un dernier regard à sa cigarette presque consumée.

« Tu devrais aller te coucher maintenant, le couvre-feu approche. Il ne faudrait pas que tu sois en retard deux fois dans la même journée, » lança Pelletier, avec une pointe d'ironie dans la voix.

Enora esquissa un léger sourire, se leva lentement du banc et se dirigea vers les dortoirs. Avant de disparaître, elle se retourna une dernière fois vers Pelletier, qui restait assise, observant calmement la nuit.

« Bonne nuit, Major et encore merci pour la cigarette, » dit Enora, avec un ton presque respectueux.

Alors qu’Enora allait franchir la porte des dortoirs, la voix de Pelletier l’interrompit : « Enora ? »

La jeune fille se retourna, intriguée.

« Passe une bonne nuit. Et surtout, ne sois pas en retard demain matin. Je n'ai pas envie de revivre une journée comme celle d'aujourd'hui, » ajouta Pelletier avec un sourire en coin.

Enora haussa légèrement les épaules avant de répondre : « Je vais essayer. »

Elle disparut ensuite dans l’obscurité du bâtiment, laissant Pelletier derrière elle.

Le lendemain matin, Enora et Elena se réveillèrent en même temps. Bien qu'il soit encore trop tôt pour Enora, elle fit un effort pour ne pas attirer les foudres de Pelletier dès le matin.

« C’est cool, on va enfin pouvoir déjeuner ensemble aujourd’hui, » lança Elena avec enthousiasme.

« Oui, ça m’a coûté un effort surhumain, mais je suis debout, » répliqua Enora en s’étirant.

« Tu as bien dormi ? Après la journée d’hier, j’imagine que ta nuit a dû être réparatrice, » ajouta Elena, curieuse.

« Oh que oui, j’ai dormi comme un bébé, » répondit Enora en souriant.

« Et toi, tu as bien dormi ? » demanda Enora en observant Elena.

« Parfaitement bien, » répondit cette dernière avec un sourire amusé.

Une fois leurs lits faits et leur toilette terminée, les deux filles, désormais prêtes pour la journée, se mirent au garde-à-vous devant la chambre.
Peu de temps après, le Sergent Aubry et le Major Pelletier firent irruption dans le dortoir, leur présence imposante imposant immédiatement le silence. Elles passèrent en revue chaque chambre, inspectant méticuleusement l'ordre et la propreté avant de libérer les élèves pour le petit déjeuner.
Lorsque leur inspection les mena à la chambre d'Elena et Enora, Pelletier s'arrêta un instant, son regard passant rapidement sur les lits impeccablement faits. Puis, elle lança un sourire en coin à Enora, un signe de satisfaction à peine dissimulé, témoignant qu'elle avait remarqué l'effort de la jeune fille pour éviter les ennuis ce matin-là.
Le groupe d'amis se retrouva autour de la table pour partager leur petit-déjeuner. Entre éclats de rire et conversations légères, ils mangèrent dans une ambiance détendue et conviviale. Malgré les événements récents, Enora se sentait un peu plus à l’aise, portée par la bonne humeur ambiante.
À 7h00, tout le monde se dirigea vers la salle de classe. Chaque élève prit place seul à une table, une précaution prise pour éviter les bavardages
L'instructeur, un homme au regard sévère mais bienveillant, expliqua le programme du trimestre.

« Ce premier trimestre sera consacré à une remise à niveau pour que tout le monde parte sur les mêmes bases, » déclara-t-il d'une voix claire. « Le deuxième trimestre, en revanche, sera d’un niveau équivalent à celui de la première générale. Autant dire qu'il faudra redoubler d'efforts. »

Enora avait abandonné l'école à l'âge de 15 ans. Malgré le fait que la scolarité soit obligatoire, elle avait toujours trouvé un moyen d'éviter les cours, soit en séchant, soit en se faisant renvoyer pour mauvaise conduite. À 16 ans, elle avait quitté définitivement les bancs de l'école, sans jamais revenir. Autant dire que son retard accumulé en matière d'apprentissage était considérable.
Cependant, dès les premières minutes de cours, elle sentit ses paupières s'alourdir. En dépit de sa volonté, Enora finit par décrocher et s’endormit sur sa table.

« DUBOIS ! » hurla l'instructeur, sa voix résonnant dans toute la classe. « Si mes cours ne vous intéressent pas, dites-le et sortez immédiatement ! »

Enora leva à peine la tête, un sourire en coin. « Vous venez de me rendre service, parce que je ne savais pas trop comment vous le dire, en effet. »

L'instructeur, stupéfait par son audace, fronça les sourcils. « Pardon ? » lâcha-t-il d’un ton sec, incrédule.

« Oh, non, ne vous excusez pas. Ce n'est pas votre faute si les cours sont à chier. Quoique...» ajouta-t-elle avec une fausse réflexion, laissant traîner ses mots avec insolence.

Des ricanements éclatèrent dans la classe, rompant le silence tendu.
L’instructeur, rouge de colère, se redressa brusquement. « DEHORS ! » hurla-t-il, pointant la porte d’un geste autoritaire.

Enora prit ses affaires, se leva calmement, et lança avec un sourire narquois : « Bonne journée ! » avant de claquer la porte derrière elle.

Elle sortit du bâtiment, cherchant un coin isolé à l'abri des regards. Une fois tranquille, elle alluma une cigarette, profitant du calme et du moment de répit.
À 12h00, tous les élèves sortirent de classe et se dirigèrent vers le réfectoire pour le déjeuner. À table, Elena la fixa, les yeux écarquillés. « Meuf, t’es complètement folle. Tu vas avoir de gros ennuis, c’est sûr. »

Enora haussa les épaules, l'air indifférent. « J’en ai rien à foutre. Ça me saoule d’être ici. Je veux juste me barrer. »

D’un coup, la porte du réfectoire s’ouvrit violemment, attirant l’attention de tout le monde.

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