CHAPITRE 12

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Pelletier, de son côté, était profondément triste. Elle s’en voulait de ne pas avoir réussi à aider Enora malgré ses efforts constants. Elle avait tenté, encore et encore, de briser la carapace que la jeune femme s'était forgée, et malgré leurs moments de complicité, tout avait disparu en un instant. Pelletier n'était pas naïve : elle savait que quelque chose de plus sombre hantait Enora, une raison bien plus complexe que ce que les apparences laissaient entrevoir. Cependant, au lieu de baisser les bras, elle se promit de ne pas abandonner. Tant qu'il y aurait une chance, aussi infime soit-elle, elle tenterait de venir en aide à Enora.

À son arrivée à la gare, Enora aperçut sa mère, Hélène, l’attendant avec les bras croisés et un air sévère. Le visage de sa mère semblait gravé de déception.

« Bravo, » lança-t-elle, un sarcasme mordant dans la voix. « Tu es fière de toi, j'espère ? Tu n'as vraiment rien compris. »

« Tout ça, c’est de ta faute ! » répliqua Enora, sa voix chargée de colère et de frustration. « Tu n’avais qu’à pas m’envoyer là-bas ! »

Hélène soupira, son regard se durcissant. « Si je t’ai envoyée là-bas, c’était pour ton bien, Enora. Mais visiblement, ça aussi tu ne l’as pas compris. »

« Pour mon bien ? » Enora éclata de rire, mais il n’y avait rien de joyeux dans ce rire, seulement de l’amertume. « Tu ne sais rien de ce qui est bon pour moi. Tu n’as jamais cherché à comprendre quoi que ce soit me concernant. » Elle fit une pause, ses yeux brûlants de larmes qu’elle refusait de laisser couler. « Tout ce que tu veux, c’est me punir pour la mort de papa. »

La dernière phrase claqua dans l’air, lourde de douleur et de ressentiment. Le visage d’Hélène se figea, choqué par ces mots, bien qu’elle ne soit pas entièrement surprise.

« Ce n’est pas vrai, » murmura-t-elle.

« Si ! Tu me tiens responsable de sa mort depuis ce jour. Tu n’as jamais cherché à comprendre pourquoi je lui avais demandé de venir me chercher ce jour-là. Tu es au courant de rien ! Cria-t-elle. «Papa était le seul à vraiment me comprendre. Si je pouvais revenir en arrière et changer ce qui s’est passé, crois-moi, je le ferais. Mais toi... tu ne m’as jamais pardonné, et tu ne me pardonneras jamais. »

Hélène resta silencieuse. Enora n’avait jamais parlé de ce sujet avec autant de clarté et de douleur. Son père était mort dans un accident de voiture alors qu’il venait chercher Enora au collège, ce jour-là où elle avait été harcelée une énième fois.

En effet, le jour du drame, les filles de sa classe avaient décidé de franchir une nouvelle limite. Après les cours, alors qu’Enora se dirigeait vers la sortie pour attraper son bus, elles l’avaient acculée dans les toilettes du collège. Riant de leur méchanceté, elles l’avaient enfermée dans une cabine, la laissant seule, désespérée.

Paniquée, Enora avait d’abord tenté de forcer la porte, mais en vain. Chaque minute qui passait amplifiait son angoisse, sachant qu’elle manquerait son bus si elle ne sortait pas rapidement. Quand enfin elle avait réussi à s’échapper, il était déjà trop tard. Le bus était parti, la laissant seule devant l’école, en larmes.
Désespérée et sans autre recours, Enora avait appelé son père, en pleurs, lui demandant de venir la chercher. Son père, toujours prompt à répondre à ses appels, avait immédiatement pris la route, sans imaginer que ce serait la dernière fois. C’est en venant la secourir, sur le chemin du collège, qu’il avait perdu la vie dans un accident de voiture.

Depuis cet événement, une fissure s’était ouverte entre mère et fille, et elles n'avaient jamais réussi à la combler.

Le trajet vers la maison s'effectua dans un silence lourd, rempli de non-dits et de regrets.

De retour à la maison, Enora monta directement dans sa chambre, évitant le regard de sa mère. Elle sortit son téléphone et remarqua plusieurs notifications. Camilla avait laissé des messages inquiets, cherchant à comprendre ce qui se passait. Mais Enora les ignora. Son attention se tourna vers ceux de Milan, ses menaces omniprésentes :

Milan : « Si tu fais ce que je te dis, il ne t’arrivera rien, ni à toi, ni aux autres. Tu ne voudrais pas que je m’en prenne à Lola, Camilla, ou même à ta mère, n'est-ce pas ? Et pourquoi pas une visite à Elena et ta précieuse instructrice, Pelletier… Comment elle s’appelle déjà ? Ah oui, Laura Pelletier, c’est ça ? »

Enora resta figée, le souffle coupé. Milan connaissait le prénom de Pelletier. Comment ? Il semblait tout savoir, même ce qu’elle croyait garder secret.

Enora : « Comment tu connais Elena et Pelletier ? » tapa-t-elle frénétiquement sur son téléphone.

Milan : « Je sais tout, Enora. Libre à toi de les protéger... ou pas. »

Le cœur battant, elle répondit rapidement :

EnoraD’accord, je ferai ce que tu veux.»

Milan : Bien, en voilà une sage parole. Rejoins moi au studio dans 1heure.

Un peu plus tard, Enora descendit les escaliers pour rejoindre la cuisine, où sa mère l'attendait.

« Je dois aller voir Camilla, » lança-t-elle, en essayant de passer rapidement.

« Non, tu ne vas nulle part, » ordonna Hélène, son ton inflexible.

Mais Enora ne l'écouta pas. Elle sortit précipitamment de la maison, ignorant les cris de protestation de sa mère. Cependant, elle ne se rendit pas chez Camilla comme elle l’avait prétendu. Elle se dirigea directement vers le studio de Milan.

À l'intérieur, il l’attendait, assis nonchalamment, jouant avec un couteau à cran d’arrêt, qu'il faisait tourner dangereusement sur son doigt.

« T’inquiète pas, cette fois, il n’y a que toi et moi, » fit-il en approchant, le couteau à la main, qu’il plaça doucement sur la joue d’Enora. « Si tu fais ce que je te dis, il ne t’arrivera rien. »

Enora était pétrifiée, incapable de bouger ou de dire un mot.

Milan lui montra un sac posé sur le lit.
« Tu vois ce sac ? Tu le prends, tu vends tout ce qu’il y a dedans, et je veux 5000 euros la prochaine fois qu’on se voit. Et crois-moi, on se reverra bientôt. Pas dans trois semaines. »

« 5000 euros ? » murmura Enora, choquée. « C’est impossible ! »

Milan plaça le couteau sous sa gorge, la forçant contre le mur. « Tu n’as pas vraiment le choix, Enora. Si tu veux que ceux que tu aimes restent en vie, tu vas trouver un moyen. »

Tremblante, Enora finit par céder.
« D’accord, je le ferai. »

« Bien. Maintenant, prends le sac et casse-toi. Ne me déçois pas. »
De retour à la maison, Enora monta dans sa chambre sans un mot pour sa mère. Elle cachait soigneusement le sac dans son sac à dos, l’angoisse montant en elle.

Le lendemain, Camilla tenta de la voir, mais Enora refusa catégoriquement, trouvant des excuses pour l’éviter. La seule personne avec qui elle parvint à passer un peu de temps fut sa sœur Lola, qu’elle adorait plus que tout.

Lola, avec son innocence, finit par demander : « Pourquoi tu ne vois plus Camilla ? »

Enora, mal à l’aise, répondit vaguement : « Les amis peuvent se disputer parfois. C’est ce qui arrive en ce moment. »

Malgré sa volonté de protéger Lola, Enora sentait le poids de ses responsabilités l’écraser un peu plus chaque jour. Elle se débattait seule, tentant de préserver ceux qu’elle aimait, mais plus le temps passait, plus cela semblait impossible.

Hélène, de son côté, essayait à plusieurs reprises de parler à sa fille, de renouer le lien brisé. Mais Enora restait impassible, se refermant sur elle-même. Elle savait que Milan avait menacé de s’en prendre à sa mère, et malgré leur relation tendue, Enora ne supporterait pas que quelqu'un d'autre dans sa vie meure à cause d’elle. Elle ne voulait pas non plus que Lola se retrouve seule, privée de ses deux parents.

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