Lettre 1 - pour toi qui n'est deja plus la

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A qui d'autre écrire pour commencer, si ce n'est pas toi ?

La première fois que l'on fait quelque chose est très importante. Elle détermine notre vision de cette chose. Alors je veux bien faire les choses pour cette première lettre, même si je sais que tu ne pourras jamais la voir. Je veux que tu prennes plaisir à la lire et pas juste que tu la lises pour voir où ça te mène, pour savoir ce que je veux te dire.
Alors oui, je vais faire les choses bien.
Mais je ne sais pas par où commencer. J'ai tant de choses à te dire, à t'expliquer, tant d'années à remonter, tant de sentiments à te faire passer.
Mes larmes coulent déjà rien qu'à l'idée de devoir tout retraverser, revivre.

Se rappeler est une chose horrible.

Cela a toujours été ainsi.
Tu as toujours été la gentille petite fille que les adultes aiment mais que les enfants détestent. Vous voyez tous de quoi je parle.

Oui ce genre d'enfant là c'était toi. Je me demande maintenant ce qui t'a poussé à être ainsi. Je me demande aussi pourquoi tu ne t'assumais jamais, pourquoi tu t'excusais toujours, et surtout, comment tu faisais pour être plus heureuse que je le suis désormais.
Tant de questions et si peu de réponses.
Peut on appeler cela l'insouciance ? Le déni ? Ou portais tu simplement moins d'attention à ce qu'ils disaient ?
Nous nous ressemblons et sommes si différentes.
Je me demande ce qui m'a poussé à changer à ce point.
Les autres ? Moi ?
Je ne saurais sans doute jamais.
Mais je ne veux pas t'oublier, je ne veux pas tirer un trait sur toi.

Parce qu'avant de parler du présent ou du futur, il faut parler du passé, je parlerai de toi.

Cette lettre t'ai dédiée, mais tu ne le liras jamais, parce que tu n'es plus là, enfin plus vraiment.
Ceci sont les mots que mon cœur prononce pour toi et que mon âme écrit avec mes larmes.
Alors si tu es encore quelque part dans ce monde, je prie pour que tu les lises.

Il y a 8 ans.
Le début de la fin. De ta fin.
On a tout quitté, nos amis, nos habitudes, notre petit cocon de joie.
Tout ça pour quoi ? Je me le demande encore.
Était-ce le bon choix ? Je n'en suis plus si sûre. Tu ne l'a jamais été non plus.
Aurais-tu été plus heureuse si nous n'étions pas partie ? Sûrement.
Enfin, nous ne saurons jamais.
De toute façon, nous n'avions pas vraiment eu le choix.
Quand est-ce que tout a changé ?
Quand as-tu perdu ce sourire si sincère ?
Plus j'y repense, plus je m'en veux. J'aurai du savoir. J'aurai du deviner.
Tout c'est enchaîné si vite, et plus rien ne saura jamais comme avant.
Je ne sais plus quand tu l'as appris, à qui tu l'avais dit, à qui tu l'avais caché.
Tout est si flou désormais. C'est difficile de se souvenir.
Émotionnellement.
Moralement.
Tout ce donc je me souviens, c'est de ce premier jour.

Ce moment-là où on t'a dit de te présenter. De tous les nouveaux, tu étais la moins assurée, la plus timide. Tu étais là, assise sur cette table un peu l'écart.
Était-ce un signe ? Étais-tu la seule qui n'était pas là où elle voulait être ?
Tu t'es présentée, avec ta voix tremblante, faible.
Personne n'a compris, personne ne t'as entendue.
Mais tu avais fait de ton mieux.
Puis viens la récréation. Tout le monde sort, se retrouve, se parle.
Et toi ?
Seule bien sur.
La première fois d'une longue série de jour passée, seule, sur ce banc.

Tu n'oses pas aller les voir, leur parler. Tu n'oseras jamais d'ailleurs.
Mais quelqu'un va venir te voir. Mais ça ne durera pas, elle partira elle aussi, même si elle n'a jamais vraiment été là.

En y repensant, ce jour-là, tu as commencé à tout perdre. Te perdre. Oui, ce jour-là tu as commencé à comprendre que ta vision du monde n'est pas la vision de ce monde.
Oui, ce jour-là, tout a basculé, même si tu n'en avais pas encore pris conscience.

Avec le recul, je me demande si tout serait différent aujourd'hui si l'on avait agi différemment. Peut être que l'on aurait été mieux acceptée, mieux avec les autres, mieux avec nous-même.
Aujourd'hui, je me demande si j'ai encore ma place dans ce monde. Toi, tu ne l'avais plus, je t'ai faite disparaître.
Et maintenant, je me demande si ça ne serait pas mon tour de céder ma place a une autre.
Peut être bien que c'est également ma fin. J'ai fait mon temps, il faut savoir partir, tout arrêter avant de se perdre sois même et briser ce que l'on a crée.

Alors oui, peut être que moi aussi, tout comme toi, je devrais disparaître et n'être plus qu'un souvenir.
Parce que je ne suis qu'une dualité crée par une petite fille trop faible pour affronter la réalité, pas prête à être elle même et une femme qui veut juste être ce qu'elle veut.

Il est peut être temps, alors, de lui céder la place. Parce qu'un jour ou l'autre il faudra bien partir, pourquoi pas maintenant ?
Tout va déjà si mal... plus rien n'est à perdre.
Ces mots n'ont aucun sens, ils sont juste ce que je veux dire avant de te laisser partir définitivement, avant de te dire adieu.

Pardonne moi une dernière fois.

J'aurai été là plus inutile de nous deux ; je n'ai pas su te protéger, je n'ai pas su changer les choses. Je n'ai pas dû être aussi forte que toi.
Mais ne t'inquiète pas, je vais changer.
Parce que j'ai compris.
Compris que je devais arrêter de penser négativement.
Compris que les gens trouveront toujours quelque chose à redire.
Compris que ce n'est pas trop tard.
Compris que la vie continue malgré leur absence.
Compris qu'ils se souviendront toujours de toi, et non de moi.
Alors j'ai accepté. Accepté de continuer sans toi. Sans vous. Sans eux.
Je pourrais toujours t'aimer.
Tu pourras toujours me manquer.
Je me souviendrais toujours de ce que tu as fait pour moi.
Je ne t'oublierai pas, promis. Je ne ferai pas comme eux, je ne te laisserai pas seule. Toi qui a toujours eu peur d'être oubliée, abandonnée, délaissée.
Mais j'ai besoin de t'oublier, pas complètement, pas définitivement. Juste un peu.
Je veux finir ce chapitre de souvenirs pour pourvoir vivre, et vivre bien.
Pourras tu comprendre ? Je l'espère.
Merci de m'avoir permis d'être ce que je suis.
Merci pour tout.
Pardonne moi de t'avoir fait tout ce mal.
Pardonne moi de t'oublier, de créer mon monde sans toi. Mais je dois le faire, car si je ne le fait pas je mourrai sûrement dans celui des autres.

Tout est éphémère.
Je veux sortir d'ici.
Je veux désormais  me regarde en face pour effacer ce que j'étais et devenir ce que je suis.
J'en ai assez de réfléchir, assez de ressasser le passé, le présent, de réfléchir au futur.
Je veux vivre l'instant présent. Simplement. Sans complexes. Sans problèmes.
Peut être que je n'y arriverais pas tout de suite, mais ce n'est pas grave. Chaque changement demande du temps, et je suis prête à m'accorder tout le temps qu'il faudra pour changer et devenir ce  que je veux être ; quelqu'un dont tu seras fière.

Je t'ai aimé, je t'aime mais je m'aimerai.

Adieu

Ces mots que je n'ai jamais pu dire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant