L'océan dans ses yeux [AUTO ÉDITION]

Chapitre 3 : Le début d'un long périple

18 mars 1720, 2 h 50

Le grand jour était arrivé et le départ imminent.

Il ne restait plus que quelques minutes avant de lever l'ancre. Le temps pour Christopher de se préparer mentalement à ce voyage alors qu'il s'était réveillé deux heures plus tôt. Il avait pour rôle de rejoindre les deux autres hommes qui l'accompagneraient dans ce voyage afin de leur expliquer comment tout allait se dérouler.

Les deux membres de la marine choisis, des hommes dévoués et loyaux, étaient Thomas Burton, un individu avec les cheveux châtain clair, coupés court, plutôt souriant, et Jonathan Davis, un poil plus grand que son collègue, lui aussi brun, mais d'une teinte plus foncée, avec un visage plus austère. Ils avaient fait bonne impression auprès de Christopher.

Pourquoi étaient-ils seulement deux ? Tout simplement pour ne pas éveiller les soupçons et se faire repérer par d'autres pirates malintentionnés, désireux de rendre leur tâche plus difficile qu'elle ne l'était déjà. Les Anglais n'étaient pas les bienvenus dans ces eaux. Ils étaient très reconnaissables sur un navire pirate. Non pas à cause de leur accoutrement, mais de leur manière de parler et d'être. Certains avaient un bon flair pour les débusquer. Et si les pirates avaient vent de ce qu'il se tramait, le navire de Jack Reed ne serait pas le seul à naviguer à la recherche du HSM Emperor. C'était donc pour cette raison que Jack accueillerait trois Anglais et pas un de plus.

Tous deux étaient plus âgés et plus expérimentés que Christopher, pourtant ce n'était pas en eux que la Couronne d'Angleterre avait placé ses espoirs. Une note positive sur laquelle le jeune homme pouvait se reposer. Ce n'était pas tous les jours qu'on devenait commodore.

Christopher avait passé son temps durant cette réunion à faire connaissance avec Thomas et Jonathan en leur donnant quelques petites indications à respecter, notamment celle de ne pas s'approcher du capitaine sans lui. Lui n'avait pas peur du pirate, mais s'il devait l'affronter, il préférait être là plutôt que de laisser ses compatriotes seuls avec Reed. Il pouvait encaisser sans difficulté le comportement plus que déplacé de Jack. Enfin, il l'espérait...

« Nombreux sont ceux qui paieraient cher pour t'avoir. Un jeune homme de quoi ? Vingt-quatre ou vingt-cinq ans ? Bien bâti, d'après ce que je vois, et plutôt farouche. Certains aiment qu'on leur résiste. »

Ses paroles résonnaient encore dans la tête de Christopher, comme une musique entêtante que l'on avait écoutée une fois et dont on ne pouvait pas se débarrasser. Il se rappelait également sa façon de réagir à sa provocation : en perdant tous ses moyens. Il ne se reconnaissait pas. Peut-être fallait-il mieux réfléchir à ce qu'il allait dire avant d'ouvrir sa bouche à l'avenir. En tout cas, il allait y songer.

Le jeune homme chassa cette pensée. Il devait se rendre au bateau où ses compatriotes l'attendaient sûrement. Lui était légèrement en retard, car il avait oublié où son journal était fourré. Christopher y tenait beaucoup. Pourquoi ? Lui-même n'en avait aucune idée. Peut-être était-ce parce qu'il pouvait s'y confier sans être exposé au jugement des autres. Un petit jardin secret qu'il cultivait et arrosait avec dextérité. Ça lui permettait de ne pas se sentir seul, comme il l'avait toujours été au fond de lui. La simple pensée de l'avoir presque perdu le prenait encore aux tripes. Il était sûr de l'avoir déposé sur sa table de nuit, mais visiblement il avait été très distrait.

Son reflet dans le miroir de la chambre lorsqu'il passa une chemise noire montra un homme aux traits tirés par la fatigue. Il mit ensuite ses bottes à lacets et son manteau de basse qualité contrairement à celui qu'il portait la veille. Se camoufler derrière ces pauvres habits était indispensable. Une dernière œillade dans le miroir lui fit penser qu'il aurait dû se couper les cheveux. Malgré sa queue de cheval, il les trouvait plutôt longs. Mais tant pis, le temps lui manquait.