17 mars 1720, 7 h 02
Le ciel et les nuages se confondaient en un tableau presque parfait. Un doux mélange de couleurs orangées et rosâtres. Les hennissements des chevaux provoqués par les rênes du cocher ainsi que l'arrêt progressif des roues sonnèrent la fin de cette contemplation plus qu'envoûtante. Quand la carriole s'immobilisa, le contemplateur, un homme vêtu d'un uniforme de la marine anglaise, en descendit précipitamment sans prendre la peine de fermer derrière lui. Les pas de Christopher se firent pressants, témoins de son impatience. Il n'avait pas de temps à perdre. Il avait été convoqué tard dans la nuit et sommé de se présenter le plus vite possible au manoir. Un ordre direct du roi George ier, semblait-il. Bien entendu, ce n'était pas le roi que Christopher allait rencontrer, mais le gouverneur de la Jamaïque, James Lyod. Le jeune capitaine ignorait encore tout des tenants et des aboutissants qui résulteraient de cette entrevue. Mais inutile de précipiter les choses, ce moment arriverait bien assez tôt.
Christopher passa les grandes portes de la demeure et se présenta à la personne chargée d'accueillir les invités. Il n'eut pas besoin de s'identifier, tant sa venue était attendue. Il enleva son tricorne (1), révélant sa chevelure blonde, le mit sous son coude et suivit l'homme jusqu'à son maître. Ils montèrent les grands escaliers ornés d'un tapis rouge, rappelant une des deux couleurs du drapeau (2) du royaume de Grande-Bretagne.
Pendant qu'ils traversaient un long couloir, le jeune homme ne put s'empêcher de se demander : « Pourquoi moi ? » Une question légitime, car après tout il n'était qu'un capitaine, âgé bientôt de vingt-six ans, et beaucoup d'hommes étaient bien plus haut placés que lui. Alors, il n'arrivait pas à comprendre en quoi son statut lui procurait cette attention si particulière. Mais il était avant tout très honoré. Ce dont il était certain, c'est qu'il n'allait pas être réprimandé. Le jeune capitaine savait lui-même qu'il était une personne très droite avec un grand sens de la justice et d'une loyauté sans faille envers son pays et son souverain.
Ils arrivèrent enfin devant le bureau. Le serviteur toqua à la porte et tous deux entendirent l'invitation du gouverneur. L'homme laissa Christopher entrer pour ensuite sortir et refermer la porte.
Christopher observa la pièce qui avait tout de classique pour un homme tel que le gouverneur, respirant le luxe. Un énorme bureau en bois faisant la taille d'une table à manger avec tout un tas de documents parfaitement rangés, des bibliothèques immenses et une porte-fenêtre de la hauteur du plafond qui donnait vue sur l'océan. Le jeune capitaine, lui, était habitué aux cabines et petites bâtisses utilisées dans les garnisons. Rien de bien luxueux, mais il s'en moquait. Il se contentait largement de ce que la Couronne lui offrait. À vrai dire, une simple chambre suffisait à son bonheur. Christopher y passait son temps libre à écrire dans son journal qu'on pouvait qualifier d'intime. Il y répertoriait toutes ses aventures depuis qu'il avait enfilé son uniforme comme une seconde peau. C'était plus qu'un simple vêtement, c'était son identité.
— C'est un plaisir de vous revoir, capitaine Hudson, fit le gouverneur Lyod debout derrière son bureau, les mains dans le dos.
Lyod était un homme bien plus âgé que lui. Sa perruque grisonnante cachait à peine ses cheveux poivre et sel.
Christopher se tint droit comme un bon soldat et baissa la tête en signe de révérence avant de la relever.
— Moi de même, monsieur le gouverneur.
Ce dernier apprécia son comportement ainsi que sa déférence qu'il jugea remarquables pour son jeune âge, et l'invita à s'asseoir en même temps que lui. Christopher s'exécuta volontiers, bien que la position debout lui fût préférable, mais il ne voulait surtout pas offenser son hôte.
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L'océan dans ses yeux [AUTO ÉDITION]
Romansa[DISPONIBLE SUR AMAZON] L'un était pirate, l'autre un officier de la marine Britannique. Christopher Hudson, jeune capitaine anglais, reçut une offre de promotion prestigieuse. Cependant, cette opportunité s'accompagnait d'une certaine condition :...