Lucinda. 8

138 5 1
                                    


J'adore la période de Noël avec toutes ces décorations et cette ambiance festive qui réchaufferait n'importe quel cœur. Avec ma cousine Lina, nous nous dirigeons vers ma pâtisserie préférée. Saupoudrées de neige artificielle, les vitrines sont ornées de guirlandes lumineuses et chaleureuses. Dès que nous pénétrons, notre regard est attiré par un grand sapin, dans un coin de la pâtisserie, chichement décoré de boules vertes ou rouges,  et des étoiles dorées et de petits anges blancs sont suspendus par ci et là; sans oublier les parfums enivrants des diverses pâtisseries. Cannelle, miel, amandes, me font replonger dans mon enfance où mon principal souci était de savoir quelle Barbie j'aurai comme cadeau.

Arrivant devant les étagères débordantes de tous mes gâteaux préférés, je sens la salive me monter aux lèvres et je ne sais pas par quoi commencer. Dois-je prendre les cannolli, croustillantes et savoureuses ou les cassatas en sucre glace ? Ma mère désapprouve ma gourmandise mais je ne peux rien y faire. En plus d'aimer pâtisser, j'aime encore plus les déguster.

- Alors, tu prends lesquelles ?, j'interroge ma cousine, Lina, alors que je ne peux m'empêcher de me lécher les babines. 

-  A vrai dire, le choix est plutôt difficile, me répond - elle en fronçant ses sourcils noirs. Tout à l'air si bon, me montrant du doigt toutes les spécialités présentes sur une étagère.

- Bon, écoute, toi, tu prends cette moitié et moi, celle-ci, lui indiqué - je avec mon doigt ganté.

- Tout ça !? Ce n'est pas un peu trop!?, me demande-t-elle intriguée.

- Ho que non ! Avec Maria dans les parages, elle est capable d'engloutir toute cette première moitié à elle seule. Je ne sais vraiment pas où vont tous ses kilos ?, je me le demande honnêtement, en enviant secrètement le métabolisme de ma cousine éloignée. Maria peut se permettre de manger tout ce qu'il lui plaît sans qu'une once de grammes ne vienne se coller à son corps. Alors que pour ma part, rien que le simple fait de les regarder, j'ai l'impression de prendre dix kilos à l'instant même.

- Alors vous avez fait votre choix?, demande enfin Pedro, arrivé après un énième appel téléphonique. Mon frère a probablement une petite amie vu le nombre de fois qu'il est scotché à son portable ces derniers jours. Peut-être est-ce une dispute avec cette dernière qui le rend si ronchon voire désagréable avec moi ces dernières semaines. Ne me dites pas que vous allez prendre tout ça?, s'étonne-t-il.

- Si, et tant pis pour notre ligne, je lui réponds, en lui tirant la langue, espiègle. La tension avec mon frère s'est heureusement peu à peu dissipée. Je n'ai pas particulièrement apprécié son comportement lors de notre rencontre avec Francesco et par la suite aussi après le départ des Cesareo. 

Mais comme cela va faire presque trois semaines que nous n'avons plus eu de leur nouvelle, alors je suppose que Pedro, tout comme moi, pense que l'idée de mariage a été écartée.

Francesco Cesareo s'est probablement rendu compte que je n'étais pas une femme pour lui. Même si je dois être soulagée à cette idée, une petite partie de moi, la plus faible, se sent meurtrie, comme si on m'avait rejeté, encore une fois. Pas assez belle, pas assez intelligente, pas assez élégante, bref, comme si les reproches de ma mère s'étaient fait échos à ceux de Francesco. Et cela me blesse énormément, même si je ne veux pas me l'avouer. Ce sentiment de ne pas être jamais à la hauteur me ronge de l'intérieur depuis l'enfance, et je ne sais pas si un jour j'arriverai à y faire face.

- Bon, d'accord mais je préfère ceux au chocolat, commence par dire Pedro, se frottant les mains.

- Non, ce n'est pas pour toi. On fait une soirée entre filles, je l'informe, maladroitement, et légèrement apeurée par sa réaction. .

-Ah bon, je ne le savais pas. Pedro fronce les yeux, mécontent par cette nouvelle. Et papa, est-il au courant?, me demande-t-il attendant ma réponse.

- Oui, je lui réponds rapidement, me sentant de plus en plus mal à l'aise face à mon aîné.

Son mécontentement est visible sur son visage, et soudain, il me prend durement par le bras pour m'amener dans un coin, à l'abri des regards et des oreilles des clients.

- Tu sais que je n'aime pas que tu traînes avec Maria, s'indigne-t-il.

- C'est notre cousine, je m'offusque face à la colère inconsidérée et grandissante de mon frère ces derniers temps.

Je fixe la dureté soudaine des traits du visage de mon frère, que je semble ne plus reconnaître, et je l'avoue, me terrifie. Depuis un moment, je ne comprends plus Pedro. Il est devenu plus que protecteur que jamais, sans parler de ses sautes d'humeur sur Georgia ou Frederico.

- Et pourquoi ?, je lui demande, dans une vaine tentative de lui tenir tête.

Maria est l'une de mes cousines et amies les plus proches, et j'apprécie énormément sa nature sauvage et rebelle, tout ce que je ne suis pas, en fait.

- Elle fume !, s'offusque-t-il tout bas pour ne pas être entendu par les clients, les yeux grands ouverts.

Je le sais très bien mais je ne veux pas lui montrer, et je préfère, de toute façon, prendre la défense de Maria.

- Non, ce n'est pas vrai !, je m'indigne qu'il parle d'elle aussi durement.   

- Ho que si ! Je l'ai surprise en train de fumer dans le Labyrinthe, grogne-t-il, scandalisé, comme si Maria avait tué quelqu'un.

Vraiment, je ne le comprends plus. Il n'a jamais été aussi fermé et despotique que maintenant. Mais avant que je ne puisse lui répondre, une silhouette massif apparaît derrière lui, Francesco Cesareo.

Il s'approche de nous, avec toujours le même visage strict que lors de notre première rencontre chez nous. Il fronce ses yeux étranges lorsque son regard s'arrête sur la poigne ferme de mon frère sur mon bras. Quand ce dernier s'en aperçoit, il me relâche, non sans me le presser durement au préalable. Je garde mon cri de douleur dans ma gorge. Je ne connais pas assez Francesco pour deviner sa réaction envers le geste violent de mon frère et je ne veux pas qu'il  s'en prenne à mon frère ainé. Mais, Pedro me surprend encore plus lorsqu'il s'éloigne de nous pour partir sans un mot ni un regard pour moi. Je ne sais pas à quoi m'attendre mais pas à sa fuite.

Désormais, seule dans un coin sombre de la pâtisserie avec un mafieux, je sens un frisson de peur me parcourir. J'essaie de chercher des yeux ma cousine mais Francesco décide de se mettre devant moi. Impressionnée par sa carrure mais surtout par son œil déroutant, je recule de quelques pas. Mauvais choix car je suis à présent acculée contre un mur froid et dans une quasi obscurité.

Son regard effrayant emprisonne le mien, et je n'arrive plus à détourner mes yeux, trop concentrée sur son œil bizarre. Francesco dégage toujours cette aura dangereuse. Mais je remarque des détails que je n'avais pas vu à notre première rencontre. Ces cheveux châtains ont des reflets d'un doux doré. Et je comprends enfin que l'étrangeté de son regard est dû à sa pupille gauche constamment dilatée contrairement à celle de droite, comme si on avait pointé un flash de lumière sur son œil.

Je ne comprends toujours pas pourquoi mon père veuille que j'épouse un homme tel que lui ? Et je ne comprends pas non plus pourquoi, lui, veut-il m'épouser ? Il lance un regard derrière lui et s'empare de mon poignet pour nous diriger vers la sortie. Sa prise est moins douloureuse que celle de mon frère. Du coin de l'œil, je remarque  que Lina est elle aussi accompagnée, de Dante Dante Esposito est l'un des prometteurs immobiliers les plus importants de la Cote Est et dont certaines activités restent floues. Elle n'est visiblement pas  emballée par la présence de ce dernier.

En sortant de la pâtisserie, nous sommes accueillis par le vent glacial venant du Canada. Je grelotte de froid et je suis encore dans mes pensées quand Francesco me fait brusquement tomber au sol enneigé. J'entends alors des coups de feu assourdissants qui éclatent les vitres de la pâtisserie en milliers de morceaux. Francesco resserre son emprise autour de moi tout en me protégeant des éclats de verres. Je me sens entourée de toute part par le corps massif et chaud de Francesco.

Vœu Sicilien - Romance Mafia - Clan CesareoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant