𝟐.𝟏 | 𝐌𝐚𝐮𝐯𝐚𝐢𝐬 𝐓𝐢𝐦𝐢𝐧𝐠

76 20 25
                                    


𝓑𝓪𝓼𝓲𝓵𝓮.

Qu'est ce qui m'a pris de m'embarquer là-dedans ?

Ce doit être au moins la troisième fois que je me pose la question, mais la réponse reste désespérément la même : Aucune. Foutue. Idée.

Le téléphone suspendu à mon oreille, je tente de joindre Oriane, sans résultat. Heureusement pour moi, je ne suis pas loin de l'appartement et j'en profite pour avertir Andrea de mon retard. La nouvelle ne va sûrement pas lui plaire, mais au point où en est tous les deux, je ne suis plus à ça près... Je remonte ensuite dans ma voiture, sors du parking et m'engage sur la nationale 10, qui m'emmène directement jusqu'à la Ramade.

Je grimace tandis que des flashs de cette rencontre me reviennent en mémoire. Son corps frêle, tout de blanc vêtu, qui s'élance sur la route ; moi, sur les nerfs, le main-libre enclanché, en pleine discussion houleuse avec Andrea. J'ai perdu le fil. J'admets que cette seconde d'inattention aurait pu nous coûter très cher à tous les deux. Détruire nos vies. Je n'excuse pas son comportement plus qu'imprudent, mais j'ai conscience d'avoir merdé, moi qui suis d'ordinaire si vigilant. À tort, j'ai laissé mes émotions prendre le dessus. Je n'ai pas su maîtriser cette colère qu'il nourrit en moi depuis tant d'années, à force de mensonges et de manipulations. L'amour ne devrait pas ressembler à ce que nous sommes devenus. Jamais. C'est sans doute un peu pour cela que je tiens tant à aider Léah. C'est un moyen comme un autre de repousser cette énième confrontation avec mon petit-ami.

Et puis, elle semble avoir eu un début de journée particulièrement difficile. Une lassitude indéfinissable dégoulinait de son carré long aux jolies nuances chocolat, jusqu'à ses baskets en tissu aussi imprégnées que des éponges. Je ne l'ai remarqué qu'au moment de m'approcher d'elle. Ça, et ses deux billes onyx dont je parvenais à peine à distinguer la pupille. Un regard sombre et expressif, cerné d'un maquillage abîmé par la pluie, qui reflétait l'aigreur et la résignation. Un léger voile d'insolence, aussi. J'ai alors compris que je n'étais pas le seul responsable de son état, mais y avoir contribué m'était inacceptable. Étrange sensation. Une culpabilité aussi soudaine qu'inattendue.

Tout comme elle, d'ailleurs.

Ma moue contrariée laisse peu à peu place à un sourire niais que je tente de contenir. Cette fille est déroutante. Amusante. Touchante. Surprenante. Agaçante, aussi. Voilà très longtemps que je n'avais pas rencontré quelqu'un comme elle. D'un naturel maladroit, mais d'une fraîcheur juvénile, vivifiante. C'est, sans aucun doute, ce qui fait son charme. Je ne suis pas très bien placé pour en juger.

Je me gare en bas de l'immeuble où Oriane et moi avons acheté nos appartements respectifs il y a quatre ans. Je ne me voyais pas faire coloc avec ma petite sœur, mais j'avais tout de même besoin de rester proche d'elle après tout ce temps à voyager. Cela explique pourquoi nous avons décidé d'habiter sur le même palier. Notre lien a toujours été très fusionnel ; elle a beaucoup souffert de nos nombreuses séparations. De mon côté, le travail intensif me permettait de ne pas trop y penser et de me concentrer sur le but que je m'étais fixé : être le meilleur et le rester. Le tennis, c'était toute ma vie. Je ne jurais que par lui, par l'entraînement ; la victoire. Ce n'est qu'après avoir dû brutalement mettre un terme à ma carrière que j'ai pleinement réalisé l'importance et la force de ce qui nous unit.

J'ai sombré, mais elle était là. Sans elle, j'aurais probablement eu beaucoup de mal à tenir le coup.

Si Oriane est le Yin, que je suis le Yang, et que nos personnalités antagonistes s'apparentent à celles de l'eau et du feu, de la Lune et du Soleil, du chat et du chien... j'ajouterais qu'elle est pour moi ce qu'est l'oxygène à mes poumons : essentiel. Nécessaire. Vitale.

Summer RainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant