9-Ma seule mission

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"Cela faisait maintenant deux mois que j'errai dans les rues, enceinte de cinq mois maintenant. Mon ventre était lourd, j'étais fatiguée, j'avais faim et j'avais peur. Par pur miracle mon oeil ne s'était pas affecté et était en pleine cicatrisation. Je vivais à base de vols, et je n'en suis pas fière.
Je vivais dans une rue marchande. On était en plein hiver et la neige était à son comble. J'étais presque toujours assise contre un mur d'une rue marchande, j'étais bien trop fatiguée pour faire autre chose. J'avais froid et peur pour mon enfant. Pendant ces deux mois, j'ai également comprit que l'Homme n'était pas simplement mauvais mais aussi jugeur. Cette rue était la plus proche de chez moi, bien qu'elle soit à quelques heures, donc certaines personnes connaissaient mon 'travail' et m'ont créé une sale réputation. Ils me regardaient avec dégout, principalement mon ventre. Certains me jetaient même des cailloux. C'était horrible, mais cette période dans la rue m'a bien apprit des leçons de vie. Il ne faut vraiment pas faire attention au regard des gens si tu ne veux pas courir à ta perte et que tu veux avancer, car là-bas la dignité n'existe pas..."

Je soupirai.

"Mais je ne pouvais pas rester dans cette situation indéfiniment. Je ne savais rien de la grossesse, je ne savais même pas à quel mois on accouchait... Mais une chose était sûre, je ne devais pas rester comme ça pour le bien de mon enfant. J'ai donc prit mon courage à deux mains puis me suis enfoncée dans la forêt, bien que j'en étais terrifiée. J'avais peur de croiser des démons, peur qu'ils me fassent du mal, mais je n'avais pas d'autre choix. Encore une fois, par pur miracle, je n'en ai pas croisé, et j'ai erré dans la forêt pendant une semaine, me nourrissant que du peu que je trouvais. Et un jour, je tombai sur ce dojo. Il était abandonné et sal, mais j'avais seulement pour objectif de m'y réfugier. En étant enceinte, j'ai du le rénover, faire des allés-retours en ville pour voler de la nourriture et des objets nécessaires à mon enfant, quitte à me faire attraper et tabasser. Au neuvième moi je ne pouvais plus bouger tellement mon ventre était lourd, restant dans mon lit à longueur de journée et économisant le peu de nourriture que j'avais."

Je baissai la tête, fermant les yeux.

"Puis un jour l'accouchement vint sans que je m'y attende. J'avais enfin trouvé du sommeil, quand je me fis brusquement réveiller par une douleur énorme, une douleur si grande que j'en ai hurlé de toutes mes forces comme jamais auparavant, même quand je me suis crevé l'oeil. Personne n'était la pour m'aider, j'ai dû tout faire toute seule... Ça a duré plusieurs heures, plusieurs heures où je crus mourir. Le bébé ne voulait pas sortir, il n'était pas bien orienté et une mal formation faisait qu'il y avait un os mal placé, ce qui l'empêchait de sortir. J'ai dû pousser fort, très fort, jusqu'à le briser, puis il sortit. Je ne l'ai même pas prit directement, la douleur étant tellement immense dû au brisement de l'os que je continuais d'hurler de douleur pendant plusieurs dizaines de minutes.
Et quand je me suis enfin calmée, je me suis décidée à la prendre, mais avec une serviette, ne voulant pas toucher cet être pur avec mes mains sales. Je l'ai prit et l'ai observé quelques instants avant d'éclater en sanglots, et non pas parce que j'étais heureuse ou soulagée, mais que le poids de la responsabilité venait de me tomber dessus, la tristesse et la peur montant en moi..."

Je soupirai une seconde fois.

"Puis les mois passèrent. Je marchais difficilement à cause du brisement de l'os mais m'efforçais de le faire pour aller en ville voler. Avec cet handicap je me faisais beaucoup plus attraper, et beaucoup plus tabasser.
Quant à ma fille, je ne la supportais plus. Je sais que quand les bébés pleurent c'est uniquement du besoin, mais je n'avais pas les épaules pour endurer ça... Je lui hurlais dessus et la secouais pour qu'elle s'arrête, évidemment sans succès. Jusqu'au jour où je n'en pouvais plus et que je l'ai jeté sur le lit puis est allée m'enfermer dans ma chambre, pleurant et hurlant. Ce jour-là j'avais perdu la tête, et j'avais prit une corde. Je ne sais pas si le destin était contre ou avec moi ce jour-là mais la corde lâcha au dernier moment, juste à temps pour me laisser en vie mais aussi assez de temps pour me faire souffrir le martyr. Depuis je n'ai fait qu'ignorer mon enfant, la nourrissant seulement, et me focalisant sur mon entraînement intensif car je venais d'apprendre l'existence du corps des pourfendeurs de démons et comptais le rejoindre pour gagner de l'argent pour subvenir aux besoins de ma fille. Mais c'est là que la réalisation me heurta, je me comportais comme mon père, ignorant et étant méchante avec ma fille. Je me alors repris en mains, passant la plupart de mon temps à m'occuper d'elle, bien que je trouvais du temps pour mes entraînements. Elle a grandit, et Dieu merci elle n'a pas eu de problèmes en grandissant..."

Je relevai ma tête vers Muichiro, une expression fatiguée sur mon visage.

"Voilà, tu connais maintenant mon histoire pitoyable et la raison pour laquelle je n'enlève pas mes gants. Et je t'interdis de la raconter à qui que ce soit."

Il me regarda fixement. Il était toujours neutre mais je pouvais voir la perturbation dans son regard. Il m'observa encore quelques instants avant de rabaisser le regard vers le lac.

"Oublie ce que je t'ai dit. Finalement tu es l'une des personnes les plus fortes que j'ai rencontré."

J'abaissai également la tête.

"Pas besoin de te sentir forcé de dire ça, on sait très bien tous les deux à quel point je suis faible."

"Je ne me sens absolument pas forcé. Parfois la force n'est pas seulement physique, ton cas le prouve très bien. Tu as su supporter tous ces événements et tu n'as pas flanché pour ta fille. Tu es une meilleure mère que certaines femmes, malgré ton âge."

"Pas flancher ? Je lui ai hurlé dessus, je l'ai secoué et jeté sur un lit alors que c'était encore un nourrisson ! Je l'ai abandonné pendant plusieurs mois et j'ai failli l'abandonner pour de bon avec mon mental de faible ! Comment tu peux mentir de la sorte ?!"

Il releva le regard vers moi.

"Tu avais dix ans."

J'écarquillai les yeux et baissai le regard. Dix ans, je ne m'en rends pas compte vu les circonstances de ma vie mais dix ans... C'est tellement jeune...

"Tu avais dix ans et tu as été forcée de t'occuper d'un enfant, endurant tous les sacrifices que cela demande. Bien que certaines périodes laissent à désirer tu t'en es très bien sortie. Donc encore une fois, tu es une bonne mère."

Je restai tête baissée, on ne voyait pas mon visage, caché par mes cheveux. Et c'est alors qu'une larme coula le long de ma joue, et tomba sur la rampe du balcon, faisant un petit bruit.

"Hein..?" Chuchota Muichiro.

Puis une deuxième tomba, puis ainsi de suite. Je pinçai mes lèvres pour qu'aucun bruit n'en sorte.

C'était la première fois, la toute première fois que quelqu'un me félicitait. La toute première qu'une personne reconnaît mes efforts à ma juste valeur. Je ne savais pas que la fierté qu'une personne pouvait nous porter pouvait autant réchauffer mon coeur, qui a toujours été glacé.

Les larmes continuaient de couler en silence quand j'écarquillai les yeux, relevant légèrement la tête. Une source de chaleur venait de se poser sur ma tête, c'était sa main. Il caressa gentiment les cheveux sans dire un mot, son regard toujours aussi neutre.

C'était le tout premier geste d'affection que quelqu'un me portait à l'exception de Kami. Il continua de ma la caresser délicatement.
Je ne pensais pas que mon coeur pouvait être plus réchauffé mais quand il fit ce geste, l'émotion fut si grande que j'éclatai en sanglots, pleurant comme une enfant, ce que finalement, j'étais...

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Coucou tout le monde.

•La backstory de Kaede est enfin entièrement sortie, vous a-t-elle plu ??

•Finalement, Takahishi Kaede, le pilier aigrie n'est pas la mauvaise personne qu'elle pense être...

•Anecdote du jour: Kaede s'en voudra toujours d'avoir tué ses parents et se considère comme un monstre, pensant que rien ne la différencie des démons après cet acte...

Forcer le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant