Forcer le destin

8-Des êtres innommables

Je restai tête baissée, indécise. Je devrais lui dire ou pas ? Va-t-il me juger..? Trop de questions tournaient en rond dans mon esprit quand sa voix me fit revenir à la réalité.

"Tu as perdu ta langue ?" Me demanda-t-il avec neutralité.

Je relevai la tête et le regardai avant de soupirer. Plus le temps de réfléchir, ça y est, je me lance.

"Pour commencer tout a débuté à ma naissance. D'aussi longtemps que je me souvienne, je n'ai jamais vraiment eu cette lumière dans mes yeux. Mon père ne voulait pas de moi, voulant un garçon. Il m'a toujours détesté, mais si ce n'était que cela..."

Je pris une grande inspiration avant de reprendre, je sens que cela va être dur...

"Je n'ai aucun souvenir de ma mère, mon père étant saoul et l'ayant frappé jusqu'à... la mort... À mes deux ans... Je me souviens juste de ses cheveux bouclés et blonds, et de son sourire..."

J'étais pensive lorsque je disais cela, j'aurais aimé avoir plus de souvenirs de ma mère, la seule personne m'ayant aimé dans ce bas monde...

Je soupirai encore une fois avant de reprendre.

"Juste après cela l'amante de mon père s'est installée chez nous, une vipère, tout l'inverse de ma maman. Elle n'hésitait pas à me frapper avec mon père, tous les deux addicts à la boisson. Tous les jours, tous les jours je me retrouvais en sang... Tous les jours j'avais mal, jusqu'à ne plus rien ressentir, étant habituée."

Je me posai un moment, réfléchissant à comment aborder la suite.

"Comment expliquer ça... Mon père n'était pas vraiment riche, on pourrait même dire qu'il était vachement pauvre, et un enfant est un frais en plus, comme il disait. Déjà qu'il me nourrissait à peine et qu'il m'enfermait dans une pièce sans le moindre lit... Ma belle-mère a donc proposé une alternative à mon père pour gagner beaucoup d'argent, qu'il acceptera volontiers, et..."

Je ne finis pas ma phrase, c'était ce moment précis que je n'avais pas envie d'évoquer par peur d'être jugée.

Je sentais le regard de Muichiro sur moi, attendant la suite du récit. J'ai donc prit mon courage à deux mains et repris la parole.

"J'avais trois ans... Trois ans..."

Je pris une grande inspiration.

"Mon père et ma belle-mère étaient devenus soudainement gentils avec moi, me donnant à manger et me laissant plus accès aux douches, ma belle-mère commençant à prendre soin de mon apparence, m'achetant un beau kimono et plaquant mes cheveux. Je pensais naïvement qu'ils m'avaient enfin reconnu à ma juste valeur, n'ayant jamais fait de bêtises et ayant tout fait pour être une gentille fille... Et c'est là que j'ai comprit que la confiance n'était pas quelque chose à donner à l'Homme..."

Je restai silencieuse un moment. Je les déteste, du plus profond de mon âme. Je peinai à dire la phrase suivante, cela m'écoeurais...

"Mon père et ma belle-mère avaient décidé... De me vendre... En tant que courtisane illégalement... Pour... Gagner de l'argent..."

"Courtisane ?" Intervint Muichiro. "Qu'est-ce que c'est ?"

Je le regardai quelques instants pour voir s'il rigolait ou non, et il me regardait d'un air sérieux. J'abaissai donc le regard, soupirant.

"Ce qui est bien avec toi c'est que tu ne peux pas me juger car tu ne connais rien de ce domaine. Je t'aime bien, t'es un bon type. Et pour expliquer le terme de courtisane... Disons que tu es vendue à des hommes... Qui te blessent physiquement et mentalement, te laissant des marques à vie... Et même si tu leur supplies d'arrêter ils ne s'arrêteront pas... L'horreur sur Terre..."