L'Astriale - Les Masques de l'Eté T3 [EN COURS]

Chapitre 2 : Les jumeaux

On estime que la Troisième Grande Guerre, dite la Guerre des Cercles, a éclaté en Capriner 1432, avec la prise de Buulo. Pour autant, personne ne savait à quoi ressemblait Madame Draner avant l'automne 1440.
Les Grandes Guerres de l'Astriale, an 1587.

𝓐u cours de sa très longue vie, Absolyn avait eu le temps d'apprendre de nombreuses choses, mais surtout une en particulier : la patience. Sa patience, bien plus légendaire que sa propre histoire à son goût, était capable de résister à tous les fléaux.

Jusqu'à ce jour.

– Monsieur, encore une fois, nous ne reprenons pas nos produits une fois achetés, déclara-t-il calmement pour la quatrième fois.

– Mais vous êtes borné, ma parole ! J'exige de me faire rembourser ! Vous m'avez menti sur vos produits !

La voix de crécerelle du client lui écorcha les oreilles. Par Ray, il aimerait tant l'envoyer bouler, celui-là ! C'était peut-être cela, la chose la plus insupportable : devoir se retenir de dire ce qu'il pensait. Hélas, le regard du patron d'Absolyn pesait sur son dos.

Ça m'apprendra, d'écouter Bena et de « construire des choses concrètes », songea-t-il. Malheureusement, il avait eu la désagréable surprise de constater que, pour construire ces choses, il fallait commencer en bas de l'échelle.

Absolyn avait quitté le conseil d'Amrynen peu de temps après le début de la guerre, au moment où Telia venait d'être réélue maire pour six nouvelles années. Cela ne lui plaisait plus, il voulait faire autre chose, et quitte à construire du concret, autant le faire sur quelque chose qu'il aimait.

Donc, certainement pas de la politique.

Telia avait regretté son départ. Pas étonnant. Elle avait toujours besoin d'un associé, et son remplaçant était Morlann Heralt — qui était bien loin de lui arriver à la cheville, d'après son humble avis. D'humeur charitable, il avait tout de même accepté de travailler cinq nuit sur sept pour la sécurité de la cité, s'étant engagé auprès du capitaine Alidore.

Bien entendu, ce n'était pas du tout pour éviter d'être envoyé au front.

Absolyn était un lâche, ce n'était pas chose nouvelle, et puis, s'il avait quitté les Assassins, ce n'était pas pour se retrouver dans l'armée à tuer à droite à gauche. Il avait assez donné de lui.

Or, avec un tel état d'esprit, il n'allait pas construire grand-chose. En plus, il devait bien trouver un travail diurne — ou sinon, Bena l'aurait expulsé de chez elle.

Donc, que savait-il aussi bien faire que tuer des gens ? De la confiserie. Sa mère avait peut-être était prostituée durant des années, elle descendait d'une excellente famille de confiseurs, elle lui avait tout appris.

Voilà donc comment il se retrouvait face à ce désagréable client.

Ne pouvant décemment ouvrir une boutique à lui — déjà, cela coûtait cher, et ensuite, cela paraîtrait louche —, il s'était résolu à n'être qu'un simple employé.

D'ordinaire, cela se passait très bien : son patron le laissait faire les confiseries — il ne pouvait nier son talent —, et une autre employée, Naila, s'occupait de servir les clients. Le patron l'avait rapidement compris : laisser Absolyn gérer la partie sociale de l'affaire était une mauvaise idée. Il avait la vilaine tendance d'effrayer les clients, et de les emmerder.

Malheureusement, Naila était malade, et lui se retrouvait obligé de la remplacer.

– Monsieur, dit-il en retenant ses sarcasmes, nous ne mentons jamais sur nos produits.