Spirits of the shrine

Chapitre 4 : Quand Les Rêves Commencent......

   Au final, il me faut encore une longue heure avant de finir mon nettoyage. Mes gestes sont lents, et mon esprit vagabonde encore légèrement engourdi par le saké et ce petit moment étrange partager avec shirogistune. Je me surprends à sourire en repensant à son regard malicieux, à ses mots murmurés avec cette voix énigmatique. Puis la fatigue me rattrape d'un coup, m'écrasant comme une vague. Mes muscles protestent, lourds et épuisés. Plus qu'une envie : m'effondrer sur un lit, sur un futon, peu importe tant que je peux m'allonger.
  Ah, j'avais oublié....Je ne sais même pas où Akito a emporté mes affaires. Un soupir m'échappe. Il ne me reste plus qu'à trouver Takako.

  Je la trouve finalement près de la fontaine chōzuya, où elle purifie ses mains sous le filet d'eau. Lorsqu'elle me vois arriver, elle me sourit doucement et me conduit vers l'un des bâtiments auxiliaires.
" Merci, pour ton travail acharné aujourd'hui, Azuko. Je suis heureuse que tu sois définitivement ici avec nous"
Je hoche la tête, me contentant d'un faible sourire. Techniquement, je suis ici jusqu'à ce que ma dette soit remboursée.
" Je suis sûre que tu vas illuminer cet endroit, " poursuit-elle, tout en tapant dans ses mains comme pour chasser la fatigue de la journée. " Mais je suppose que tu dois être épuisée ?"
  C'est peu de le dire, autant émotionnellement que physiquement.
" Oui..."
" Suis-moi, Azuko "
   Takako me guide à travers les couloirs sinueux du sanctuaire. Les murs sont de bois sombre, polis par les années,et les shōji laissent filtrer une douce lumière tamisée par les lanternes extérieures. Le sol en tatami absorbe mes pas fatigués. De temps à autre,le bruit de l'eau,le murmure du vent dans les arbres, ou le chant lointain d'un oiseau nocturne viennent briser le silence.
  Nous arrivons enfin devant une porte coulissante en bois poli. Takako l'ouvre pour révéler une pièce sobrement meublée, baignée d'un éclairage jaune chaleureux. Le mobilier est minimaliste : un futon soigneusement rangé, une petite table basse en bois clair, et un vase de céramique contenant une unique branche de prunier. Dans un coin, je remarque mes valises.

" C'est parfait. Merci, Takako,"dis-je en m'inclinant légèrement.
" Assure-toi de te reposer ce soir, Azuko. Et..."
" Essaie de ne rien casser d'autre. "
  Je sursaute en entendant la voix de kagura résonner dans le couloir. Je me retourne rapidement, mais il a déjà disparu dans l'un des couloirs sombres.
" Ne t'inquiètes pas pour lui, Azuko, " dit Takako d'une voix douce. " Ce n'est pas personnel. Le monde n'a pas toujours été gentil avec les esprits"
 
  Plus tard dans la nuit, alors que je prépare à me coucher,,les mots de Takako continuent de résonner dans ma tête. Que voulait-elle dire par là ? Qu'est-il arrivé à kagura pour qu'il devienne ainsi ? Une ombre semble peser sur lui, et je me surprends à me demander ce qui a pu le blesser à ce point.

                                                                                                         ***

   Le lendemain matin, je me réveille tôt, l'esprit encore embrouillé par la fatigue de la veille. La fraîcheur matinale s'infiltre à travers les fines parois du sanctuaire, et un silence presque sacré règne sur les lieux. En sortant de ma chambre, je me dirige vers la cuisine du sanctuaire pour voir si je peux aider avec les préparatifs du petit déjeuner. À ma grande surprise, Takako est déjà là, s'activant avec une énergie matinale que je ne peux qu'envier.
" Bonjour, Takako, " dis-je en m'approchant.
" Puis-je t'aider ?"
  Elle lève les yeux vers moi, un sourire bienveillant sur le visage. " Bien sûr, Azuko. Toute aide est la bienvenue. "
  Je m'attele à la tâche avec elle, hachant les  légumes et préparant le riz sous ses instructions. Le silence entre nous est apaisant, interrompu seulement par le bruit des couteaux et des ustensiles.
  Une fois le repas terminé, je commence à mettre la table. Akito est le premier à arriver, en affichant un large sourire.
" Ça sent bon, " dit-il en prenant place. " Takako,tu t'es encore surpassée"
  Mais Takako secoue la tête en souriant. " Ce n'est pas moi, c'est Azuko qui a tout préparé. "
  Je sens mes joues chauffer et je murmure, un peu gênée, " Je n'ai pas tout fait toute seule...."
  À ce moment , shirogistune fait son entrée. Il semble légèrement échevelé,,et son air nonchalant me fait penser qu'il a dû continuer à boire après mon départ la veille. Il s'assoit lourdement au sol devant la table.
" C'est bien animé ici ce matin" dit-il d'une voix rauque.
  Akito lui lance un sourire en coin : " T'as encore trop bu,hein ? "
" Fois moi la paix, le chiot" réplique shirogistune, irrité.
  Takako intervient aussitôt, essayant d'éviter que la situation ne dégénère.
" Allons, allons, ce n'est pas le moment de se disputer."
  Shirogistune soupir , semblant se désintéresser du conflit. Il tourne son attention vers moi, et un étrange sourire se dessine sur ses lèvres. Je sens le rouge me monter aux joues sous son regard perçant, et je baisse les yeux.
" B-bonjour " murmuré-je timidement.
" Bonjour, petite humaine" dit-il avec un léger sourire en coin. " Bien dormi ?"
" Euh....oui, enfin...je suppose" balbutiai-je
  Avant que la conversation ne puisse continuer, kagura fait son entrée. Shirogistune, une bouchée à moitié mastiquée dans la bouche, lève les yeux en direction de l'esprit.
" Regardez qui nous fait enfin l'honneur de sa présence, " dit-il en mâchant lentement.
  Kagura lève les yeux au ciel avant de s'asseoir à l'autre bout de la table. Akito, la bouche pleine, ajoute joyeusement :
" C'est Azuko qui a tout fait. Goûte, c'est très bon. "
" Oui, " approuve Takako. " Je n'ai presque rien eu à faire. Elle est un vrai chef"
  Je rougis à nouveau, baissant la tête. " Non, ce n'était rien.... j'ai l'habitude de cuisiner depuis que je vis seule alors..."
" Je ne mangerai pas ça"
  La voix froide de kagura me coupant net. Tous les regards se tournent vers lui.
" Mais enfin, " s'exclame Takako, " Pourquoi tu ne veux pas manger ? C'est très bon je t'assure"
" Je ne mangerai rien venant de cette humaine, "
  Je sens ma gauche grand gorge se serrer, une boule d'émotion montant lentement. Les mots de kagura me frappent de plein fouet. Kagura se lève prêt à partir, mais shirogistune se lève également, lui barrant le passage. Pour la première fois, je vois ses pupilles félines, d'ordinaire pleines de malice, montrer une intensité inquiétante.
" Kagura, tu ne crois pas que tu  vas un peu trop loin ?"
" De quel droit penses-tu pouvoir me faire la morale ?" réplique kagura, ses pupilles se rétrécissant " Et à cause d'une misérable humaine en plus ?"
  Shirogistune ne recule pas d'un pouce. " À partir du moment où elle est devenue notre future miko, ce n'est plus tout à fait une humaine "
Kagura ricane , son rire glacial résonnant danq la pièce. " Ce n'est pas elle qui m'inquiète mais toi. Te voilà en train de défendre cette humaine comme si elle en valait la peine. Depuis quand tu te soucies de ce que les humains pensent,toi, shirogistune ? "
  Le silence est lourd presque palpable. Akito et Takako échangent un regard inquiet avant d'intervenir.
" Allons,kagura, " dit Takako. " Essaye de comprendre la situation"
" Oui, " ajoute Akito. " Azuko n'a rien fait pour mériter ça"
  Kagura, la mâchoire serrée,,fixe shirogistune un instant avant de finalement se détourner. " Très bien. Faites ce que vous voulez" . Il quitte la pièce brusquement, laissant derrière lui une étrange tension.
  Shirogistune soupire et reprend son attitude habituelle,, s'asseyant à nouveau comme si de rien n'était. Takako et Akito suivent son exemple, essayant de retrouver une ambiance détendue, mais l'atmosphère n'est plus la même.
  Je finis par me lever avec un soupir. " Je dois y aller. Je vais être en retard à l'université"
  Takako un peu surprise, me dit : " Mais tu n'as presque rien mangé....."
  Alors que je franchis la porte, Akito m'appelle.
" C'était vraiment délicieux, Azuko . Merci"
  Je lui adresse un dernier sourire, bien que mon cœur soit lourd, et leur fais un signe d'aurevoir avant de quitter la pièce.