Une surprise de taille m'attend lors de la rentrée au lycée : je croise Apollo dans le couloir et il m'explique qu'il a changé d'école. Il étudiera ici, désormais. Quand je lui demande si c'est pareil pour Ares, il me répond que son frère ne quittera pas son établissement privé parce qu'il aime trop l'équipe de foot.Apollo et moi sommes encore en pleine conversation quand un cri s'élève derrière nous :
— Raquel ! Mon amour, mon cœur qui ne m'appartient pas !C'est Carlos, mon éternel admirateur. Tout a commencé le jour où je l'ai défendu contre d'autres garçons qui s'en prenaient à lui en CM1. Depuis, il m'a juré un amour sans faille qu'il me rappelle presque tous les jours. Je le considère uniquement comme un ami et, bien que je le lui aie fait comprendre, il refuse de l'accepter.
— Salut, Carlos.
Je le salue chaleureusement parce que je l'aime bien. Même s'il est un peu fou, il est marrant.
— Ma belle princesse.Il me prend la main et l'embrasse de façon théâtrale.
— Cet été a été atrocement long pour moi.Apollo nous observe en silence, l'air de se demander « C'est quoi ce bordel ? ». Les yeux de Carlos quittent mon visage pour se poser sur mon interlocuteur.
— T'es qui, toi ?
— C'est Apollo, je réponds en retirant ma main. Il est nouveau. Apollo, je te présente Carlos. C'est...
— Son futur mari et le père de ses quatre enfants, s'empresse de compléter Carlos à ma place.Je lui balance une claque derrière la tête.
— Je t'ai déjà demandé de ne pas dire des trucs comme ça, y a des gens qui le croient.
— Tu n'as jamais entendu dire que, si on répète un mensonge assez souvent, il finit par se transformer en vérité ?Apollo lâche un petit rire.
— Waouh, tu as un fan très dévoué.Nous rions tous les trois avant d'aller en cours.Le premier jour de lycée se termine aussi vite qu'il a commencé, je n'arrive pas à croire que je suis déjà en terminale. L'idée d'aller à l'université me terrifie, mais m'enthousiasme en même temps. Après avoir versé de la nourriture à Rocky, qui a refusé de manger, j'enlève mon uniforme et je le jette au linge sale. Par habitude, j'ai envie d'aller me poster à la fenêtre de ma chambre. C'est l'heure à laquelle Ares rentre du lycée. J'ai l'habitude de l'espionner quand il arpente sa chambre, penché sur son téléphone portable.Mais tout ça, c'est fini maintenant.
Je remarque soudain une petite boîte blanche posée sur mon lit et, quand je la prends en main, un message en tombe. Mes yeux s'écarquillent comme des soucoupes quand je vois que c'est la boîte du tout dernier iPhone. Je m'empresse de lire le petit mot. Pour que tu ne restes pas sans téléphone. Considère ça comme une compensation pour ce que tu as dû endurer ce soir-là.N'envisage même pas de me le rendre.Ares.
Je ris si fort que Rocky m'examine d'un air perplexe.
— T'es fou, dieu grec ? je m'exclame à haute voix. T'es complètement cinglé !Il n'est pas question d'accepter ce portable, il est beaucoup trop cher. Je sais que l'argent n'est pas un problème pour lui, mais je me demande comment il a fait pour s'introduire dans ma chambre alors que Rocky était présent. Je jette un coup d'œil intrigué à mon chien et je repense au fait qu'il n'a pas voulu manger quand je suis rentrée. Son ventre a l'air plein : il est tout gros.
— Oh non... Rocky. Sale traître !Rocky baisse la truffe.Je dois rendre son cadeau à ce type instable. J'enfile un jean et un T-shirt et je ressors en courant. Je dois faire le tour du pâté de maisons pour aller chez Ares, car il est hors de question que je passe par-derrière. Je ne veux pas être prise pour un cambrioleur et me faire tirer dessus ou je ne sais quoi. Devant sa maison, ma détermination vacille. Il habite une magnifique villa de trois étages avec des fenêtres victoriennes, un jardin dont l'entrée est ornée d'une fontaine. Je rassemble mon courage et je sonne pas un uniforme de service, j'aurais pu croire qu'elle faisait partie de la famille.
— Bonsoir, puis-je vous aider ?
— Euh... Ares est là ?
— Oui, de la part de... ?
— Raquel.
— D'accord, Raquel, pour des raisons de sécurité, je ne peux pas vous laisser entrer avant qu'il ne m'ait donné son accord. Pouvez-vous attendre une seconde pendant que je vais le chercher ?
— Bien sûr.Elle referme le battant et je tripote nerveusement la boîte du téléphone. Ce n'était pas une bonne idée de venir ici. Si Ares refuse de me voir, la bonne me claquera la porte au nez.Quelques minutes plus tard, la rousse réapparaît.
— Vous pouvez entrer. Il vous attend dans la salle de jeux.La salle de jeux ?Comme celle de Christian Grey ?Tu lis trop de livres, Raquel.La maison d'Ares est ridiculement luxueuse à l'intérieur, ce qui ne m'étonne pas du tout. La rousse me conduit jusqu'à un long couloir et s'arrête.— C'est la troisième porte à droite.
— Merci.Je ne sais pas pourquoi je suis si nerveuse à l'idée de retrouver Ares. J'ai l'impression que ça fait une éternité que je ne l'ai pas vu, alors que ça ne fait que quelques jours.Rends-lui juste le téléphone, Raquel. Tu entres, tu lui donnes l'iPhone et tu repars. Simple comme bonjour.Je frappe à la porte et j'entends cette voix que j'aime tant crier :
— Entre.
J'ouvre lentement le battant et je jette un coup d'œil à l'intérieur : ni martinet, ni bandeau, ni autres accessoires coquins ; je ne risque rien. C'est une salle de jeux ordinaire, avec un billard et une énorme télé sous laquelle sont disposées plusieurs consoles.Ares est assis sur un canapé face à l'écran, il tient une manette qui doit être celle d'une PlayStation 4 entre les mains. Il joue à un jeu où ça tire dans tous les sens. Il est torse nu, juste vêtu de son pantalon d'uniforme, les cheveux en bataille à cause du casque qu'il porte sur la tête. Il se mord la lèvre d'un air concentré.Bordel, pourquoi tu es toujours aussi sexy, Ares ? Pourquoi ? J'en oublie même ce que je suis venue faire ici. Je me racle la gorge pour dissiper mon malaise.— Les gars, je reviens tout de suite, déclare-t-il dans le micro du casque. Je sais, je sais... J'ai de la visite.Il quitte le jeu et enlève son casque. Il plonge ses yeux dans les miens, et j'arrête de respirer.
— Laisse-moi deviner. Tu es venue me rendre le téléphone ?Il se lève et je me sens toute petite, comme d'habitude. Pourquoi faut-il qu'il soit torse nu ? Ce n'est pas comme ça qu'on accueille une invitée.Je retrouve ma voix :
— Oui, j'apprécie l'intention, mais c'est trop.
— C'est un cadeau ; c'est impoli de refuser.
— Ce n'est pas mon anniversaire, ce n'est pas Noël, donc il n'y a aucune raison que tu m'offres ça.Je lui tends la boîte.
— Tu ne reçois des cadeaux qu'à ton anniversaire et à Noël ?Bien sûr, et parfois même pas à ces dates.
— Reprends-le, s'il te plaît.Ares me dévisage d'une façon qui me donne envie de m'enfuir.— Raquel, tu as vécu une expérience horrible et tu as perdu ton portable alors que tu avais travaillé dur pour te le payer.
— Comment le sais-tu ?
— Je ne suis pas débile, avec le salaire de ta mère et les factures qu'elle doit régler, tu n'aurais jamais pu t'offrir le modèle que tu avais. Je sais que tu l'avais acheté avec ton argent, en bossant beaucoup. Je suis désolé de ne pas avoir pu les empêcher de te le voler, mais je peux t'en donner un autre. Laisse-moi t'en faire cadeau, ne sois pas si fière.
— Tu es vraiment... difficile à comprendre.
— On me l'a déjà dit.
— Non, sérieusement. Tu me dis que tu ne veux rien avoir à faire avec moi et puis tu as un geste adorable comme ça. À quoi tu joues, Ares ?
— Je ne joue à rien, je suis gentil, c'est tout.
— Pourquoi ? Pourquoi tu es gentil avec moi ?
— Je ne sais pas.
— Pfff. Tu ne sais jamais rien.
— Et toi, tu veux toujours tout savoir.Ses yeux bleus me fixent intensément tandis qu'il s'approche de moi.
— Je commence à croire que tu aimes bien m'embrouiller.Il m'adresse ce sourire suffisant qui lui va si bien.
— Tu t'embrouilles toute seule, j'ai été clair avec toi.
— Oui, très clair, monsieur Gentil.
— Qu'y a-t-il de mal à être gentil ?
— Ça ne m'aide pas à t'oublier.Ares hausse les épaules.
— Ce n'est pas mon problème.Une vague de colère déferle sur moi.
— Et revoilà l'instable...Il fronce les sourcils.
— Comment tu m'as appelé ?
— Instable, tu changes tout le temps d'humeur.
— Toujours aussi créative, ironise-t-il. C'est pas ma faute si tu donnes de l'importance à tout et n'importe quoi.
— Tout est toujours de ma faute, c'est ça ?
— Rhoo, pourquoi tu dramatises ?Ma colère continue de monter.
— Si je t'agace tant que ça, pourquoi tu ne me fiches pas la paix ?Ares élève la voix :
— C'est toi qui m'a appelé ! Qui m'a demandé de venir !
— Parce que je ne connaissais pas d'autre numéro !Il me semble lire de la déception sur son visage, mais je suis trop énervée pour m'en soucier.
— Tu crois que je t'aurais appelé si j'avais eu le choix ?Il serre les poings et, avant qu'il ne puisse répondre, je lui jette la boîte du téléphone. Il l'attrape en plein vol.
— Reprends ton stupide iPhone et fous-moi la paix.Ares jette la boîte sur le meuble et se dirige vers moi à grandes enjambées.
— T'es vraiment une ingrate ! Ta mère ne t'a pas appris les bonnes manières.Je pousse son torse nu.
— Et toi tu es un connard !Ares m'attrape le poignet.
— Tarée !Je lui tape sur le bras pour qu'il me lâche.
— Instable !Je lui tourne le dos et je saisis la poignée de la porte pour l'ouvrir, mais il me retient et me contraint à tourner vers lui.
— Lâche-moi ! Lâche...Ses lèvres douces se collent contre les miennes.Et là, dans sa salle de jeux,Ares Hidalgo m'embrasse.
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À travers ma fenêtre
Short StoryAmoureuse de son voisin depuis longtemps, Raquel découvre enfin ses sentiments sont réciproque..