– Ne croyez pas un instant que vous êtes à la hauteur de mes maîtres, ni même être légitimes de bénéficier de mes enseignements ! s'écria Rouxel, l'intendant des concubins, d'une voix cinglante.Sa robe blanche, brodée de fils d'or et de soie, flottait autour de lui tandis que ses sandales de cuir claquaient furieusement contre le sol de pierre poli. Ses yeux gris, durs comme l'acier, parcouraient avec mépris les rangs de femmes et d'hommes qu'il était chargé de former en parfaits concubins. Ses narines pincées semblaient exprimer une perpétuelle insatisfaction, comme s'il pouvait humer l'échec des aspirants dans l'air lourd et moite de la salle d'Étiquette.
Il s'arrêta brusquement devant une jeune femme dont le visage pâle se crispa sous son regard perçant. Sans un mot, il brandit son long bâton d'ébène, le tendant pour lui tourner la tête d'un geste brusque. Ses doigts, fins et noueux, se resserrèrent autour de l'arme comme s'il contrôlait un instrument de torture.
– Par les dieux... C'est une véritable catastrophe ! s'emporta-t-il, sa voix résonnant dans l'immense salle, amplifiée par les voûtes de pierre. Ses paroles claquaient comme un fouet, faisant sursauter plusieurs novices.
Il reprit son inspection, son bâton s'abattant par moments sur les épaules ou le dos de ceux dont la posture laissait à désirer. Chaque coup était précis, méthodique, laissant les victimes se crisper de douleur sans pour autant oser émettre la moindre plainte.
– C'est cette vieille mégère qui ne cesse de s'immiscer dans mes affaires. Je suis un maître de la bienséance ! Comment suis-je censé travailler avec ça, c'est...
– De quelle vieille mégère parlons-nous, mon bon Rouxel ? fit une voix féminine.
Tous les regards se tournèrent vers la lourde porte de chêne qui venait de s'ouvrir en silence pour laisser entrer une femme d'âge mûr, drapée dans une robe de velours pourpre. Ses cheveux gris, impeccablement tirés en un chignon sévère, contrastaient avec la finesse délicate de son visage.
– Ô mes aïeux, dame Félicia ! Je ne savais pas que vous nous faisiez l'honneur d'une visite, balbutia Rouxel, un sourire crispé sur les lèvres. Je... je parlais seul, pardonnez-moi, c'est une mauvaise habitude, ma foi... Sa voix avait perdu de son assurance, et ses gestes, auparavant pleins d'arrogance, étaient devenus soudain maladroits.
– Vous ne répondez pas à ma question, Rouxel, reprit Félicia d'un ton calme mais impérieux. Ses yeux d'un bleu froid parcouraient les rangs des concubins, chacun se figeant sous son regard pénétrant. Elle avançait lentement, chaque pas parfaitement mesuré.
L'intendant parut déconcerté. Ses lèvres, habituellement promptes à l'insulte, tremblaient légèrement tandis qu'il cherchait ses mots, son regard fuyant celui de la chambellane.
– Mes choix ne vous conviennent donc pas, Rouxel ? poursuivit-elle.
– Quoi ?! Que l'on me coupe la langue, votre honneur ! Jamais de la vie ! Vous êtes la chambellane, je... je ne suis qu'un pauvre... il hésita, les mots mourant dans sa gorge. Son visage s'était déformé en une grimace de dégoût alors qu'il se forçait à prononcer ce qu'il ressentait comme une humiliation, intendant. Après tout, je n'ai fait que quelques années d'études en sciences de la bonne manière, auprès des meilleurs, à aiguiser mes sens pour saisir le beau dans la nature, et...
– Regardez donc celui-là, le coupa-t-elle d'un geste léger de la main, son regard se posant sur un homme dans la foule.
Les regards se tournèrent en même temps que les corps vers l'individu désigné. Ses cheveux blonds tombaient en une cascade brillante sous les rayons du soleil filtrant à travers les vitraux de la salle. Sa peau d'albâtre marquée de quelques cicatrices, trahissait un passé de violence et de survie.
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Gémeaux
FantasyAce Bellin était autrefois un soldat loyal à sa terre natale. Il a combattu dans une guerre sanglante, où il a vu périr et capturer, impuissant, tous ceux qu'il aimait. Il en est sorti estropié, une jambe en moins, et avec des souvenirs gravés au fe...