⟪C'est normal ! Après tout, on est amies, non ?⟫
Je me revois à 4ans, revivant cette scène comme si c'était hier, avec une fille de mon âge. Ma première amie. Elle me regarde avec un grand sourire, face à moi, tenant chacune de mes mains entre les siennes, la brise soufflant sur nous pendant que j'écarquille les yeux. Ses longs cheveux bruns s'envolent dans le vent, comme les miens. Sa robe virevolte elle aussi, tandis que moi je porte une salopette. Ses grands yeux bleus me fixent et elle remue le bout de ses lèvres. Il en sort des lettres. Lettres qui se transforment en mots. Et mots qui prennent la forme de phrases, pour qu'enfin je puisse connaitre son prénom.
Malse.
Mes lèvres se tordent en une grimace nostalgique à ce souvenir si lointain, dont je me souviens pourtant comme si c'était hier. Je me retrouve tirée de mes pensées par une voix familière.
-Passi ?
Au début je crois que c'est Malse qui me parle, encore un peu perdue. Elle qui a d'ailleurs été la première à m'avoir appelée Passi. Je remarque que deux mains se resserrent sur les miennes et regarde enfin qui me fait face. Béanes.
-Passi ??
-Dé... désolée ! Tu disais ?
- J'étais en train de te dire que j'étais contente qu'on se croise ici !
Je jette un œil autour de moi; je suis au parc. Avec Béanes.
Ça me revient maintenant.
Après avoir passé quasi tout mon weekend au lit, je me suis réveillée dimanche avec un petit creux. Je suis donc allé me prendre un truc à manger.
Devinez donc le goût qui a effleuré ma langue ?
Celui de l'amertume en découvrant que je n'avais plus rien à me mettre sous la dent. Le réfrigérateur était vide. Complètement vide.
N'ayant pas le courage de prendre le bus pour aller dans un magasin en grande surface, j'ai préféré aller me prendre un casse-croûte à la supérette près de chez moi. Supérette qui se trouve justement à côté du parc.
Et c'est là que j'ai croisé Béanes. Béanes qui m'observe avec de grands yeux, cherchant probablement à lire dans les miens. Elle n'y trouvera surement rien. Comprenant qu'elle attends une réponse de ma part, je me lance.
- Oui c'est génial !
Mais aujourd'hui je ne suis pas d'humeur joyeuse désolée.
-Malheureusement je dois rentrer alors...
-Déjà ?
Béanes arbore une moue déçue, ce qui a le don de me surprendre. Finalement je peux bien faire un effort ?
-Mais je pourrais faire une exception pour cette fois ci...
Son visage s'illumine et je n'ai pas le temps de regretter mon choix que je me retrouve à être trainée vers je ne sais où par elle. Ce qu'elle court vite !
Voyant que j'ai un mal fou à tenir le rythme elle ralentit et s'excuse. J'essaye de lui rétorquer que ce n'est pas grave, mais, étant à bout de souffle, je ne peux prononcer ne serait ce qu'un mot. Lorsque l'on s'arrête enfin, je relève la tête pour voir où l'on se trouve.
Mes yeux s'écarquillent quand ils tombent sur le bâtiment devant moi. Ce n'est autre qu'un orphelinat. Pour tout vous dire, je m'attendais à absolument tout, sauf à ça.
J'observe Béanes avec attention, déboussolé e. Pourquoi on est ici ?
- Je me disais que... Tu pourrais peut-être me filer un coup de main ?
Je hoche la tête en silence, même si je ne comprends pas vraiment de quoi elle parle. Quand je lui demande, celle-ci m'explique qu'elle a l'habitude de faire du bénévolat par ici. Je la trouvais déjà gentille, mais j'étais encore loin du compte on dirait.
Je remarque que certains enfants lui sourient quand ils l'aperçoivent, ils ont l'air de l'apprécier. Après tout, on est un peu pareil eux et moi, on l'aime beaucoup. Bizarrement ça ne me plaît pas tant que ça.
Je suis Béanes dans le bâtiment. Ce n'est pas particulièrement grand ou spacieux, mais il fait bon à l'intérieur. Nous ne sommes pas à Noël et pourtant l'odeur de sapin et de gâteaux pourrait nous en faire douter. Une dame qui doit avoir environ la vingtaine vient nous accueillir de manière chaleureuse avant d'entamer la conversation avec Béanes. Elles doivent certainement se connaître depuis un petit moment toutes les deux. Ne sachant plus où me mettre mon regard vacille un peu partout, je joue avec mes mains, traçant des lignes de ci de là avec mes doigts, torture mes ongles, jusqu'à en casser quelques-uns. Ça repoussera.
-Et dis moi qui est cette jeune fille ?
- C'est une amie, elle s'appelle Passiflore !
Je sursaute en entendant mon prénom et me rends compte que la dame me tend la main. Je m'empresse aussitôt de lui tendre la mienne à mon tour.
-Enchantée, tu peux m'appeler Samantha. Merci d'être amie avec ma fille ! Elle est un peu têtue mais elle est très gentille.
Je hoche la tête, pensive, avant d'assimiler un détail qui m'avait échappé. Sa... Sa fille !?
Mais cette dame doit avoir à peine 25ans, c'est impossible ! Peut-être que Béanes a été... adoptée ? Je jette un regard à Béanes avant de regarder à nouveau Samantha, et je ne peux m'empêcher de constater que la ressemblance est en fait frappante.
-Ta.. ta mère ? je chuchote à l'intention de Béanes, qui ne met pas longtemps à hocher la tête en réponse.
-Mais.. Mais, elle est si jeune ! C'est impossible ! dis je, visiblement un peu trop fort puisque c'est Samantha qui me réponds.
-Oh je suis flattée ! Mais tu sais 40ans ce n'est pas si jeune !
Je cligne des yeux, incrédule. Samantha a 40ans !?
Béanes me fait un clin d'oeil avant de m'expliquer que sa mère est coréenne et qu'à cause de ça elle parait beaucoup plus jeune. Ce qui lui vaut être abordée par plusieurs garçon du lycée.
Le dégoût prend le dessus sur mon expression choquée d'il y a encore peu lorsque j'imagine ce que ça aurait été si c'était à ma mère que c'était arrivé, et franchement.. Je ne pense pas que je sourirais comme le fait actuellement mon amie.
Mon amie.
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Ma Jalousie
Teen FictionJe m'appelle Passiflore. Et je suis jalouse. Je suis bien trop jalouse. Ma jalousie me tue et me dévore petit à petit, plus les jours passent et plus c'est difficile de la garder enfouie, alors j'écris. J'écris dans mon journal mon mal être et tous...