Soya & Dante (réédition)

Chapitre 15 : L'étau se resserre

Le soleil se levait péniblement derrière un voile de nuages gris, jetant une lueur terne sur les rues encore humides de la nuit précédente. Dans l'appartement miteux qu'ils utilisaient comme base, Soya et Dante se réveillèrent avec une tension palpable. Il ne leur restait plus qu'un jour, et la pression devenait insupportable. Le dernier tiers de la marchandise restait invendu, et chaque heure qui passait les rapprochait d'une confrontation inévitable avec les hommes de Taïga.

Dante, nerveux, faisait les cent pas dans la petite pièce.

— « Putain, on va jamais y arriver », murmura-t-il, le visage marqué par la fatigue et l'angoisse. « Il nous reste trop de stock et on n'a plus de piste. »

Soya, assis sur une chaise, tentait de garder son calme, mais le désespoir commençait aussi à le ronger. Il avait toujours été celui qui gardait la tête froide, mais aujourd'hui, même lui se sentait au bord du gouffre.

— « On doit garder notre sang-froid », dit-il, tentant de rassurer Dante autant que lui-même. « Il reste des acheteurs potentiels. Il faut juste les trouver, et vite. »

Le téléphone, posé sur une table, vibra soudain, brisant le silence étouffant. Soya se pencha et lut le message : un contact qu'ils avaient rencontré la veille voulait les voir. Peut-être une opportunité.

— « On a une piste », dit Soya, se levant brusquement. « Allons-y. »

Ils quittèrent l'appartement et se dirigèrent vers un quartier à la périphérie de la ville, un endroit où les bâtiments délabrés et les terrains vagues témoignaient de la pauvreté ambiante. Le contact les attendait dans une rue déserte, un homme d'une trentaine d'années, le regard fuyant.

— « Vous avez ce qu'il me faut ? » demanda-t-il en les approchant.

Dante le jaugea un instant avant de sortir un paquet de la marchandise. Il n'avait pas confiance en cet homme, mais ils n'avaient pas vraiment le luxe d'être sélectifs.

— « C'est tout ce qu'il te faut. On peut faire affaire rapidement », répondit Dante, sur un ton sec.

L'homme hésita, ses yeux regardant furtivement de gauche à droite. Quelque chose n'allait pas. Il tendit la main pour attraper le paquet, mais avant qu'il n'ait pu le saisir, il sortit soudain un couteau de sous sa veste.

— « Donne-moi tout. »

Le temps sembla se figer. Soya, les poings serrés, se tenait prêt à réagir, mais Dante, pris d'une colère incontrôlable, ne lui laissa pas le temps. Il se jeta sur l'homme, le plaquant au sol d'un coup brutal. Le couteau tomba avec un bruit métallique sur le bitume.

— « Espèce de rat ! » hurla Dante, enfonçant son poing dans le visage de l'homme. La rage qui s'était accumulée en lui depuis des jours explosa d'un coup.

Soya tenta de l'arrêter, mais Dante ne l'écoutait plus. Ses poings s'abattaient avec une violence incontrôlable, frappant l'homme sans relâche. Ce dernier hurlait, tentant de se protéger tant bien que mal sous le déluge de coups.

— « Arrête ! » cria Soya, attrapant enfin Dante par le bras pour le tirer en arrière. « Ça ne sert à rien, il n'en vaut pas la peine ! »

Dante, essoufflé, finit par lâcher prise. Le visage de l'homme était en sang, déformé par les coups. Il ne bougeait plus, inconscient.

— « Qu'est-ce qui t'a pris ? » demanda Soya, la voix tremblante.

— « Il a essayé de nous voler, Soya ! » rétorqua Dante, encore enragé. « Tu te rends compte dans quelle merde on est ? On peut pas se permettre de perdre ce qu'il nous reste ! »

Soya regarda autour de lui, la panique montant en lui. La ruelle était déserte, mais ils ne pouvaient pas rester ici.

— « On doit partir, maintenant. »

Ils ramassèrent rapidement la marchandise et laissèrent l'homme derrière eux, étendu au sol. Leur journée venait à peine de commencer, et ils avaient déjà perdu un temps précieux. Dante, encore secoué par l'incident, ne cessait de serrer les poings, comme si la rage qui l'habitait ne pouvait être contenue.

Les heures suivantes furent un tourbillon d'angoisse et de tension. Ils contactèrent tous ceux qu'ils connaissaient, multipliant les appels, les rencontres. Mais la ville semblait s'être refermée sur eux. Les clients potentiels étaient rares, et la peur de Taïga s'insinuait de plus en plus profondément dans leurs esprits.

Le soleil commençait à décliner à l'horizon quand ils revinrent finalement à leur appartement. Ils avaient écoulé un peu plus de marchandise, mais il en restait encore trop. Trop pour espérer satisfaire les hommes de Taïga.

Soya s'assit lourdement sur une chaise, le visage crispé par l'inquiétude. Dante, lui, ne pouvait pas rester en place, marchant de long en large comme un animal en cage.

— « C'est fini, Soya. On n'y arrivera pas », lâcha-t-il finalement, la voix brisée.

Soya ne répondit pas. Il savait que Dante avait raison. Ils avaient échoué. Et l'heure de rendre des comptes approchait.

Un coup sec résonna soudain à la porte, interrompant le silence oppressant de la pièce. Les deux hommes se figèrent, leurs regards se croisant. Ils savaient ce que cela signifiait. Les hommes de Taïga étaient là.

Dante, le cœur battant, s'avança lentement vers la porte, tandis que Soya restait immobile, le souffle coupé. Quand Dante ouvrit, deux hommes se tenaient sur le seuil, grands, intimidants, vêtus de noir. L'un d'eux prit la parole d'une voix froide.

— « Taïga veut son argent. Vous avez tout vendu ? »

Le silence qui suivit fut encore plus glacial que la question elle-même. Soya prit une profonde inspiration avant de répondre.

— « On... On n'a pas tout écoulé », avoua-t-il, le visage blême. « Il en reste un peu, mais on peut... »

— « Taïga déteste attendre », le coupa l'un des hommes en s'avançant dans l'appartement.
« Vous aviez trois jours. Il veut son argent maintenant. Pas d'excuses. »
Dante, sentant la panique monter en lui, se tourna vers Soya, cherchant désespérément une solution. Mais il n'y avait plus rien à faire. Ils avaient échoué, et désormais, la mort semblait les frôler du bout des doigts.
L'un des hommes sortit un téléphone et passa un appel rapide.
- « Ils n'ont pas tout l'argent », dit-il d'une voix sèche. « Que fait-on? »

Soya et Dante se tenaient là, impuissants, sachant que leur destin n'était plus entre leurs mains.