Chapitre 9: Fractures dans la nuit

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La nuit était plus sombre que d'habitude, comme si le ciel lui-même était complice du destin cruel qui attendait Soya et Dante.
Dans une rue déserte, ils marchaient en silence, les pensées lourdes, l'atmosphère saturée d'une tension invisible.
Chaque pas les rapprochait de l'irréparable.
— T'es sûr de ce qu'on fait ? murmura Dante, sa voix cassée.
Soya ne répondit pas tout de suite. Il sentait le poids de la décision peser sur ses épaules.
Trahir Léo, leur unique allié dans cette jungle infernale, pour survivre. Mais pouvaient-ils vraiment se regarder dans le miroir après ça ?

— On n'a pas le choix, dit enfin Soya, presque à voix basse, comme s'il essayait de se convaincre lui-même. C'est nous ou lui.
Dante s'arrêta, le visage crispé par l'incertitude. L'homme qui savait toujours quoi faire, qui s'avançait avec détermination, semblait vaciller sous la lourdeur de ce dilemme. Son regard se perdit dans l'obscurité devant eux, là où l'ombre de Léo attendait sans se douter de rien.
- Léo nous a aidés, Soya. Sans lui, on serait déjà morts dans une ruelle. Et maintenant... maintenant, on doit le tuer ?

- Je sais, répondit Soya, le cœur serré. Crois-moi, je le sais. Mais tu sais aussi que si on ne le fait pas, le cartel nous tuera. Tu veux mourir, toi ?

Le silence retomba entre eux.
Dante ne répondit pas, mais son corps entier trahissait la lutte intérieure qui le rongeait. Tuer pour survivre, c'était une chose qu'ils avaient tous deux acceptée.
Mais tuer Léo ? Un homme qui, malgré tout, les avait toujours protégés ? C'était une trahison de plus, et cette fois-ci, il n'y avait aucun moyen de l'ignorer.
- Peut-être qu'on peut s'enfuir, proposa Dante d'une voix brisée, presque désespérée. On peut quitter la ville, changer d'identité, disparaître.
- Ils nous retrouveront, Dante. Tu le sais aussi bien que moi. Ils retrouveront toujours ceux qui essaient de leur échapper. Et cette fois, il n'y aura aucun endroit où se cacher.

Dante secoua la tête, ses poings se crispant de rage contre la fatalité qui les emprisonnait. Il attrapa soudain Soya par le col, le regard brûlant de colère.
— Alors quoi, Soya ?! Tu veux qu'on devienne comme eux ?! Des monstres ?!
Soya ne se défendit pas, les yeux rivés dans ceux de son ami. Il sentait la même rage en lui, mais c'était une rage différente. Une rage contre ce monde qui les avait transformés, une rage contre lui-même pour ce qu'il allait faire.
- Non, murmura-t-il enfin, avec une tristesse désespérée. Mais je ne veux pas mourir.
Les mots de Soya résonnèrent dans le silence de la rue, lourds de résignation. Dante desserra son emprise, réalisant qu'ils étaient au point de non-retour. Il se détourna, ses épaules voûtées sous le poids de leur destin.
- Alors on le fait ce soir, lâcha
Dante, avec une amertume froide.
On va le voir, et on termine ça.
Ils marchèrent en silence, l'un à côté de l'autre, mais quelque chose s'était brisé entre eux. Ce lien qui les avait tenus ensemble depuis tant d'années semblait désormais fragile, prêt à se rompre à tout instant.
Ils arrivèrent enfin au lieu de rendez-vous. Léo attendait, adossé à une voiture, une cigarette entre les doigts.
Lorsqu'il les vit, il esquissa un sourire.

— Vous êtes pile à l'heure, les gars. J'aime ça.
Mais ni Soya ni Dante ne répondirent. Léo fronça les sourcils, devinant que quelque chose n'allait pas.
— Qu'est-ce qui se passe ? Vous avez l'air nerveux.
Dante regarda son ami, puis sortit lentement son arme de sous sa veste. Léo écarquilla les yeux, prenant conscience de la situation.
- Attends... vous n'allez pas...

- On n'a pas le choix, répondit
Soya, la gorge nouée.

Léo secoua la tête, l'incompréhension dans le regard.

- Je vous ai aidés ! Sans moi, vous seriez morts !
- C'est pas contre toi, Léo, murmura Dante, les mains tremblantes. C'est juste qu'ils nous ont donné cet ordre. Si on te tue pas, c'est nous qu'ils butent.
Un silence s'installa. Léo regarda Dante, puis Soya, et comprit. Le cartel de Taïga. Ils avaient tous les deux été piégés dans un jeu mortel. Il recula, levant les mains, essayant de gagner du temps.
- Écoutez, on peut trouver une autre solution. On peut... on peut se battre ensemble contre eux. Ils ne sont pas invincibles !
- C'est trop tard, Léo, répondit Soya, la voix brisée par l'angoisse. Ils nous surveillent déjà.

Le regard de Dante se fit plus féroce. Il savait qu'il devait agir, mais son corps refusait d'obéir.
Son arme tremblait entre ses doigts, et dans ses yeux, une terreur nouvelle apparaissait. Il n'arrivait pas à presser la détente.
La main tendue, il vacilla, incapable de tirer.
- Fais-le, murmura Soya derrière lui. Dante, fais-le !
Mais Dante ne bougeait pas. Les larmes montaient dans ses yeux. Il abaissa lentement l'arme, incapable d'aller jusqu'au bout.
— Je peux pas, lâcha-t-il finalement, dévasté.
Soya serra les dents. Il ne pouvait pas rester là sans rien faire. Le cartel ne leur pardonnerait jamais une telle faiblesse. C'était leur vie ou celle de Léo.
D'un geste rapide, il sortit son arme et la pointa dans la direction de Léo. Celui-ci n'eut pas le temps de réagir. Il se tourna, essayant de fuir, mais Soya tira. Le coup de feu résonna dans la rue déserte.
Léo s'effondra, touché dans le dos. Il laissa échapper un cri étouffé, puis s'écroula sur le sol, le corps inerte.
Soya baissa son arme, les mains tremblantes, le souffle coupé. Il venait de tuer un homme. Il venait de tuer Léo.
Dante se laissa tomber à genoux, le visage décomposé par la douleur. Il ne pouvait pas croire ce qu'ils venaient de faire. Léo était mort. Leur ami, leur allié. Et ils étaient désormais les chiens de chasse du cartel.
- Qu'est-ce qu'on a fait... ?
murmura Dante, les yeux fixés sur le cadavre.
Soya ne répondit pas. Il se sentait vide, terrifié par la profondeur du gouffre dans lequel ils venaient de plonger. Ce monde de violence, de mort et de trahison n'avait plus de retour en arrière.
Il s'approcha lentement du corps de Léo et posa une main tremblante sur son dos ensanglanté. Ce sang qui coulait sur ses mains, c'était le leur aussi.
Leur avenir était désormais scellé, marqué par la trahison et la peur.

— On est piégés, murmura Soya, en fixant Dante. Plus de retour en arrière.
Dante hocha la tête, ses yeux vides, abattus par la culpabilité. Il ne savait plus qui ils étaient, ni pourquoi ils avaient choisi ce chemin. Mais une chose était certaine : ce choix les changerait à jamais.

Soya & Dante (réédition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant