Chapitre 1

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  Je marche dans jungle sombre, bien conscient que je rêve.

  Mais comme toujours, tout me semble parfaitement réel.

  Mes pieds s'activent avec la même efficacité que d'habitude. Je ne sens même plus mes jambes, mais je continue à avancer.

  Depuis combien de temps est-ce que je suis là ?

  Je me fraye un chemin à travers les hautes herbes et les lianes. Des aras multicolores volent tout autour de moi, me fouettant le visage de leurs ailes rouges et bleues.

  La sueur coule sur mon front et le long de mon dos; la chaleur est étouffante. Mes mains sont moites. Je suffoque.

Je serre les dents, qui grincent bizarrement.

  J'ai envie de m'arrêter. Pourquoi est-ce que je ne le fait pas, alors ? J'essaie vainement de stopper mon mouvement,mais mes pieds ne m'obéissent pas.

  D'ailleurs, je sens que j'accélère. Je tente de regarder mes jambes, parce que j'ai l'impression étrange de flotter. Mais une fois encore, j'échoue. Mon regard reste fixé sur les chemin de galets en face de moi. Que fait-il dans cette jungle tropical ? Je n'en avais aucune idée. Je sens que mon corps ne m'appartient plus vraiment. Un voile flou semble flotter devant mes yeux. Mon esprit est complètement perdu; mes pensées n'ont plus aucune logique.

  Ce rêve, je l'ai déjà fait des centaines de fois. En fait, dès que je ferme les yeux, il apparaît dans mon esprit.

  Je le connais dans les moindres détails, et pourtant, je ne peux m'empêcher de vérifier chaque nuit si un élément n'aurait pas changé.

Ça va arriver à un moment où un autre, non ?

Je ne vais pas rêver de ça toute ma vie.

  Soudain, j'arrête de penser. Je l'entends chanter. Elle. Cette fille bizarre qui semble vivre dans la jungle. Cette fille bizarre qui semble si vivante. Cette fille bizarre que j'ai l'impression de connaître. La seule autre présence humaine dans cette forêt.

  Je m'arrête, en partie parce que je ne vois désormais plus rien, et aussi parce que je sais qu'elle est là. Juste derrière moi. Si je me retourne, elle disparaîtra, comme toujours.

  Mon cerveau se révolte contre cette idée. Elle ne peut pas disparaître. Elle ne peut pas. Jamais.

  Alors je ferme les yeux, et j'écoute son chant sans paroles, son chant sans mélodie. Juste des notes assemblée entre elles.

  J'ai, chaque fois que j'entends sa voix, le sentiment bizarre qu'elle essaie de me dire quelque chose. Que son chant, même s'il ne contient pas de mots, a une signification. Un message important.

  Mais d'un coup, le rêve reprend ses droits sur mon corps et mon esprit, et malgré ma réticence, je jete un regard derrière moi. Lentement, un peu effrayé, avec l'espoir de pouvoir l'observer quelques secondes de plus que d'habitude.

  Elle est plutôt grande, ses cheveux bruns et raides fouettant l'air, voletant près de ses épaules carrées. De sa bouche rouge sortait toujours le chant si particulier, et je ne pouvais m'empêcher de la dévisager. Ses paupières étaient fermées, mais je me souvenais bien des yeux gris que j'avais vu la dernière fois.

  Elle était belle. Extrêmement belle. Ou en tout cas, je la trouvais extrêmement belle;     elle dégageait une aura... Une aura étonnante. Une aura de force mêlée à de la douleur. Une aura de mystère, aussi, comme celle qui enveloppait son chant.

  Elle me semblait puissante. Elle était puissante.
Parce qu'elle était elle-même, et qu'elle l'assumait.

  Je ne connais pas son prénom, mais je ne peux m'empêcher de l'admirer.

  C'est sûrement la seule personne pour laquelle j'éprouve ce sentiment.

L'admiration.

  C'est étrange comme émotion. Un mélange de jalousie et de respect. De l'admiration.

  J'arrête soudain de réfléchir, parce que je vois des larmes aux reflets argentés et bleutés apparaître aux coins de ses paupières. On dirait des perles de nacres.

  J'aurais voulu lui parler, la prendre dans mes bras, la réconforter. Mais j'en étais incapable. Le rêve m'en empêcha. J'étais prisonnier des liens qu'il m'avait créé.

  Avec regret, je la vis lentement disparaître. C'était comme si elle s'effaçait dans l'univers. C'était comme si elle se diluait dans le vert-brun de la jungle.

C'était comme si elle devenait rêve. Mon rêve.

                        ✷☆✧☆✷
J'espère que ça vous a plu !

Si vous avez des remarques ou des conseils, n'hésitez pas !

À dans deux semaines !

*Le retour mystique des points d'exclamation*

Bref passez une bonne journée/soirée/matinée !

Cette voix qui chante parfois Où les histoires vivent. Découvrez maintenant