Te brûler les ailes.

2 0 0
                                    


Nous avions grandi à proximité, dans des familles similaires. Tu as toujours été dans mon paysage familier. Comme si, finalement, tu faisais partie des meubles. Mais tu n'es pas un meuble. Non. Tu es bien plus bruyant et insupportable. Il faut qu'on te remarque, qu'on te regarde. Toujours ta voix doit être entendue. Elle ne l'est pas beaucoup, mais tu persistes. Tu n'hésites pas à monter le ton. À frapper du poing sur la table. Jusqu'à ce que ses yeux se posent sur toi, dans une lueur menaçante. Là, c'est un autre jeu qui se joue. Lorsqu'Orion Black prend part aux hostilités, tu adoucis légèrement ton propos, tu t'abaisses, ne serait-ce qu'un peu. La flamme ne s'éteint pas totalement.

Plus jeune, tu faisais également attention à mes réactions. Quand tu admirais encore les plus grands, quand tu ne t'étais pas encore fait ta propre opinion.

Aujourd'hui, mon regard tu l'esquives.
Et je n'aime pas ça.

Pour qui tu te prends Sirius Black ? Tu penses que tu peux m'ignorer ? Cesser le jeu ? C'est moi qui suis aux commandes. Et un Malefoy n'est jamais ignoré. Jamais. Je vais devoir te le rappeler. De ces rappels que l'on oublie pas. Qui restent gravés en soi pour toujours.

- Sirius. Va dans ta chambre. Ordonne Orion Black.

Pour mon plus grand bonheur. Le repas n'a même pas débuté que déjà tu fais des tiennes. J'attends. Que mon tour vienne. Que nos parents congédient leurs enfants quand leurs discussions deviennent , disons, plus adultes. Du moins le croient-ils. J'ai dix sept ans, je n'ai plus peur d'entendre. Je sais déjà. J'ai atteint un niveau qu'ils ne soupçonnent même pas dans le monde des adultes. Toi, tu n'en as pas tout à fait quinze, et tu te crois déjà tout permis.

Tu crois que tu as le droit de choisir ton chemin.

- Bellatrix, Narcissa, Regulus, Andromeda, sortez du salon. Allez vous occuper ailleurs.

Le signal. Je croise simplement les yeux de mon père et il n'a pas besoin de parler. Je suis congédié également. Ce qu'ils peuvent être naïfs. Je me lève du canapé dans lequel j'étais installé et échange un coup d'œil avec Bellatrix. Elle te déteste. Depuis ton admission à Gryffondor. Et c'est une chance pour moi. Vraiment. Elle va occuper les autres. Pendant que je m'occuperai de toi petit Black. Ta cousine conduit les autres dans le petit salon adjacent pendant que je monte les marches menant à ta chambre. Je me faufile comme une ombre pour que personne ne me voit. Car personne ne doit savoir. Jamais. Le jeu auquel je t'ai mené. Ce jeu dont tu n'as toujours pas compris les règles. Est ce que moi même je les connais vraiment ? Je ne sais plus. Ça a commencé il y a quelques mois. Tu es devenu populaire, tu as commencé à te pavaner avec tes amis, à faire le fier, à défier ma maison, tes propres cousines, à afficher haut et fort ta différence. Je n'entendais plus que ces échos dans la salle commune des serpents : Sirius Black le rebelle, il ose s'afficher, se battre contre les Serpentards, clamer haut et fort sa colère et sa différence. Et on me regardait. On attendait ma réaction. Car je règne en maître ici. Dans ma salle commune. Dans la maison Serpentard toute entière. C'est vers moi qu'ils se tournent. Tous. Toi, tu ne sais pas ça. Tu ignores mon rôle. Pour toi, je ne suis qu'un serpent parmi tant d'autres.

Non. Je ne suis pas un parmi tous.

Je suis Lucius Malefoy.
Et je viens de pousser ta porte, pour la refermer aussitôt derrière moi.

Tu es allongé sur le ventre, plongé dans un magazine lorsque tes yeux rencontrent les miens. Ta bouche s'est ouverte pour protester, la colère a traversé ton visage. Puis, la crispation quand tu as compris qui était là, qui était entré sans frapper. Tu t'apprêtais à pousser ton coup de gueule, Black ? Essaie pour voir. Qu'on rigole. Tu te lèves dans un mouvement instinctif.

- Qu'est ce que tu fais là, Malefoy ?

Tu commences très mal Black. J'hausse un sourcil et j'ai le plaisir de te voir hésiter. Tes yeux regardent vers la porte dans un mouvement que tu espères discret. Il ne l'est pas. Je ne peux m'empêcher de sourire. Froidement. Comme toujours. Et je me mets à déambuler dans ta chambre. Tu ne sais pas comment réagir. Ton cerveau semble tourner à mille à l'heure.

Aurais-tu peur, Sirius ? Tu sais que j'adore ça.

- Tu n'as pas une petite idée ?

Ton cerveau s'active de plus belle. Qu'est ce qui aurait pu me déplaire ? Tu oses t'interroger, vraiment ? Mes yeux rencontrent les tiens. Tu décèles ma rage. Et moi, je vois bien que tu ignores ce que tu as fait. Et ça, c'est pire que tout. Je pourrais te tuer pour ça. Je pourrais te tuer pour le simple fait d'exister.

- Tu te bats avec Rogue ? Vraiment ?

Il me faut une raison, même si je ne te donne pas la bonne. Une raison pour te faire payer. Tout ton visage perd ses couleurs. Enfin, Black, tu as été plus doué que ça pour masquer tes émotions. Tu composes rapidement un masque et me défie du regard.

Grave erreur.

- Je fais ce que je veux, Malefoy. T'es pas mon père.
- Rogue est mon protégé. Il est important.
- C'est mon pire ennemi. Je me battrai, que ça te convienne ou non.

D'un mouvement de baguette, je verrouille ta porte et avance vers toi. Tu veux reculer. Je le sais. Mais tu ne le fais pas. Je te pousse brutalement contre le mur et nos regards s'accrochent. Tu ne veux pas perdre. Comme d'habitude. Mais c'est moi le plus fort et tu le sais. J'ai envie de te frapper. Ça aussi tu le sais. Pourtant tes yeux ne se baissent pas. Pire, ils semblent me défier de plus belle. Mon poing part tout seul et abîme ta lèvre. Tu n'as pas bronché. Je te hais pour ça. Je veux que tu cries, que tu hurles, que tu te soumettes. Que tu me supplies.

Pourquoi tu es le seul qui ne le fait pas ? Je te donne un autre coup dans les côtes. Et tu mords ta lèvre pour t'empêcher de crier. J'insonorise la pièce et la panique s'infiltre enfin dans tes yeux. Je pose mon front contre le tien et ferme les miens.

Je te déteste Black. Tellement. Je déteste tes yeux gris qui semblent me noyer. Tes cheveux longs qui m'appellent à les toucher. Ta couardise qui m'enrage. Tes amis qui sont trop près.

Tous les yeux qui se posent sur toi.

Je voudrais brûler ceux qui osent t'approcher.

À cet instant, je voudrais te tuer pour oser respirer.

- McKinnon.

Ma voix n'est plus qu'un murmure et je te sens pourtant trembler. Tu as vraiment peur. J’en conclus donc que la rumeur est vraie... Mes poings se serrent. Je vais te détruire. Tes mains tremblantes s'accrochent à ma chemise. J'ouvre les yeux et les tiens semblent supplier. Silencieusement.

- C'est fini.

Tu as à peine chuchoté. Tu marches sur un fil et tu le sais parfaitement.

C'est quitte ou double.

Soit je te détruis, soit je t'embrasse.

Soit on se cogne, soit on s'aime.

- Lucius...

Tu murmures. Ta voix est douce. Tu n'es plus toi même. Et moi non plus. Je te déteste pour ça. Pour ce que tu fais de nous. De moi. Je voudrais tellement te tuer. Mais que ferais-je ensuite ? Il n'y aurait plus de jeu si tu n'étais plus là. Tes lèvres se posent doucement sur les miennes. Je ne fais aucun mouvement.

Tu dois me craindre encore. Tu ne dois pas savoir que tu peux me détourner de ma rage. C'est moi le maître du jeu. C'est moi qui décide quand ma colère se calme.

Tu n'as pas ce pouvoir Black. Ôte toi ça du crâne.

Tu es à moi. L'inverse n'est pas vrai.

Ma main enserre ta gorge, lentement. Tu déglutis. Mais tes yeux restent rivés aux miens. Ta bouche se détache, la mienne effleure ton cou pour se blottir contre ton oreille.

- N'oublies plus jamais que tu es à moi. Parce que je détruirai la personne qui t'aura détournée de moi. Tu me connais, je n'hésiterai pas.

Je plaque tes poignets contre le mur et joins ma bouche à la tienne. Nos langues s'emmêlent dans un baiser enfiévré. Mon corps se plaque au tien. Ma conscience m'a quittée définitivement. Je veux toucher chaque millimètre de ta peau. Je veux te montrer à qui tu es. C'est sans compter les coups qui résonnent contre la porte de ta chambre. J'ai du mal à ne pas hurler.

Tu vois ce que tu me fais ?

Je te fusille du regard. Comme si c'était de ta faute. Et replonge sur tes lèvres, t'arrachant un léger gémissement.

- Sirius ?

Tu essaies de te dégager alors que j'ai à moitié enlevé ta chemise. Je ne suis pas prêt à te laisser te défiler. Les coups résonnent à nouveau.

- Sirius ? Tu as vu Lucius ?

C'est Narcissa. Ma future femme. Cette information semble parvenir jusqu'à ton cerveau et tu me repousses brutalement en me foudroyant du regard.

C'est beau un Sirius Black en colère.

- Attends, j'arrive.

Je ne suis pas d'accord et te repousse. Dans le lit cette fois. Je viens sur toi. Je veux que tu sois à moi. Encore une fois. Les instants volés sont trop courts. Mes lèvres parcourent ton cou, mes mains glissent sur ton ventre. Je vais te dévorer. Tu murmures "Lucius. Stop !" Je te fusille du regard, tu fais de même. Tu n'es pas du tout impressionné et tu désignes ta salle de bain personnelle du doigt. Pour que j'aille m'y cacher.

Et puis quoi encore ? Tu oses me virer ? Me cacher ? Comme un être humain dont on a honte ? D'un sortilège, je nous déshabille et bouge contre toi. Tu lâches un gémissement désespéré. C'est ça que je veux entendre.

C'est moi qui commande Black. C'est moi qui guide. Je décide quand tu me quittes. Jamais l'inverse. Je décide tout. Je contrôle. Tu ne te détournes pas de moi tant que je ne l'ai pas autorisé.

J'ai envie de te faire mien. Maintenant. Mon corps dans le tien. Je ne te lâche pas et tu sais que c'est peine perdue. Tu arrives, je ne sais comment, à la faire partir. Tu lui dis que je suis dans le salon du deuxième étage. Je crois. Je ne sais plus exactement. J'ai perdu toute notion du temps à partir du moment où j'ai lié mon corps au tien. J'embrasse ton dos et je note, avec une certaine colère, que les marques sur ton corps sont plus nombreuses. Je mord doucement ta hanche pour te punir. Quand vas-tu cesser de provoquer ta famille ? Quand vas-tu rentrer dans le rang ? Tu mords tes lèvres pour ne pas gémir mais je mordille ta nuque et tu perds toute notion de retenue. Je t'avais dit que tu étais à moi. Je ne te lâcherai pas, Black. Tu es ma drogue. Plus puissante que la coke. Plus dangereuse aussi. Je pourrai mourir pour me fondre en toi, encore et encore. Je pourrai te tuer parce que les gens t'admirent. Parce que les regards te convoitent. Je ne sais pas si tu comprends le danger que tu cours. Je cesse mes mouvements en gémissant contre ta nuque. Je t'ai fait mien. Encore. Mais est ce que tu comprends vraiment que tu es à moi ? Je n'en suis pas sûr. Je voudrais rester. Tu comprends ça ? Sûrement pas.
Je pourrai rester éternellement en toi. Contre toi.

T'enfermer et te posséder.

À jamais.

Pourtant, je me retire et m'éloigne. Légèrement. Tu te redresses à ton tour. Tu n'es pas mal à l'aise. Tu sais que tu es beau. Tu notes mon regard qui assimile les nouvelles marques causées par les baguettes magiques de tes parents. Et tu remets ta chemise pour les cacher à mes yeux.

Ça ne me plaît pas du tout.

- Tu croyais me cacher ça ?
- Je n'ai rien à cacher.

Ta confiance brille trop, Black.

Tu vas me mettre en colère. Pourtant, tu me regardes droit dans les yeux avec un air de défi et désigne, avec un culot monstre, le tatouage sur mon bras gauche.

- Est ce que moi j'ai dit quelque chose à ça ?

Tu oses ? Je me lève et te foudroie du regard.

- Tu n'as pas intérêt.
- Tu n'as rien à dire non plus. C'est mes choix.

Tu boutonnes ta chemise sans un mot de plus. Ni un regard. Tu t'es renforcé, ça ne fait aucun doute. Enfin, tu l'as toujours été. Fort. Mais il fut un temps où tu ne m'aurais pas répondu si frontalement.

Que va devenir le "nous" si tu ne plies pas face à tes parents ? Face à moi ? Que vais-je faire si tu deviens un ennemi ?

- Tu dois renoncer.
- Ça t'arrangerai bien.

Tu souris, alors que la colère remonte. Pendant que je m'habille d'un sort, tu fais de même tranquillement, et viens vers moi. Tes yeux gris me transpercent. Ta main se pose sur ma joue.

- Tu as engagé un jeu qui nous dépasse, Lucius. Et j'ai bien conscience que tu crois me maîtriser. Le problème qui se pose, c'est que personne ne me maîtrise.

Je reste sonné plus longtemps que je ne le désire par tes mots, car au moment où je reprends mes esprits, tu as déverrouillé la porte à l'aide de ma baguette et tu t'es enfui à travers les couloirs.

Sirius Black, tu as clôturé notre échange sur une provocation.

Tu m'as défié. Puis tu es parti, purement et simplement, te planquer pour être à l'abri de ma rage.

Ça ne se passera pas comme ça, Sirius. C'est mal me connaître.

Tu ne te détournes pas de moi. Pas tant que je ne l'autorise pas.

À quoi tu joues, Black ?

Tu vas te brûler les ailes à attiser ma colère.

Je pourrai te tuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant