La glace et le feu.

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Je regarde Remus tandis qu'il s'échoue à nos côtés à la table des Gryffondors. Il semble furieux, et c'est plutôt rare. Je veux dire -hormis ses trois enfants attitrés- c'est à dire James, Peter et moi, il ne s'énerve jamais contre personne. Il est doux comme un agneau mon Mumus.

- Alors cette réunion de rentrée des préfets ?

Son regard sombre se pose sur moi. Okay. Heureusement que la pleine lune est éloignée sinon quelle réaction aurais-je déclenché ?

- Lucius Malefoy m'insupporte.

Je m'oblige à ne pas réagir à sa phrase alors que James rigole.

- Qu'est ce qu'il t'a fait ? Demande mon ami chevelu.
- Je ne crois pas que vous vous rendiez compte. Vous ne vous le tapez pas constamment en réunion !

Je m'étouffe en avalant ma gorgée de travers. Drôle de phrase mon loup. James tapote gentiment mon dos. Remus Lupin me fixe de son air le plus sérieux.

- Il a une dent contre nous. Je me fais à moitié agresser parce que soit disant il soupçonne des sorties nocturnes incessantes, et des farces commises par le groupe des Maraudeurs... Il n'a pas de preuve officielle des noms qui composent ce groupe, mais il ne va pas nous laisser respirer c'est moi qui vous le dit. Il sait que c'est nous.

Ah, Lucius. Jusqu'à quel point tu veux me contrôler ? Jusqu'où tu irais pour que je ne sorte pas du cadre ? Tu penses que menacer mes amis est une bonne idée ?

Tu te trompes sérieusement.

- Et ?

Le regard sévère de Remus se braque sur moi. Oye.

- Tu as fait quelque chose qui l'a énervé pendant les vacances ?

Je veux mourir.

- Non ! Pourquoi de suite ce serait de ma faute ?
- Sirius.
- Mais non je te jure !

Les yeux de mon ami ne me quittent pas mais Foi de Black je ne plierai pas.

- Malefoy est enragé. Il ne cesse de dire qu'il va s'occuper de toi et de ton petit groupe de suiveurs...

Surtout de moi si tu veux mon avis Lupin.

Je dois avoir un sourire provoquant sans même m'en apercevoir car Remus tape doucement mon front.

- Ce n'est pas drôle, Sirius ! Il m'a fait froid dans le dos. Tu sais bien qu'on ne provoque pas les septièmes années, certains sont dangereux. Et si tu veux mon avis lui en tête de file.
- Et il va faire quoi ? Allez prévenir son cher maître qu'une bande d'adolescents fait des farces à l'école ?

Scandalisé, James me frappe derrière la tête pendant que Remus plaque une main sur ma bouche. Seul Peter a le bon sens de rire à ma farce que je trouve plutôt drôle.

- Ne parle pas de ça de façon si... Détachée. Murmure Remus.

Je croise son regard et abdique en levant les mains.

- Désolé. Je vis dedans, je n'ai pas vraiment de crainte pour en parler.
- Il y a des disparitions et des morts... Et ça ne cesse d'empirer. Commente James.

Okay. L'ambiance est plombée. Je pose une main sur le bras de Remus qui semble bouleversé. Je n'aime pas le voir comme ça. Nos yeux s'accrochent.

- Excuse moi, Mumus.
- Un nouveau flirt pour cette rentrée Black ? S'exclame un idiot du nom de Fabian Prewett.

Il arbore un air goguenard en voyant ma main posée sur le bras de Remus. Pour simple réponse, je lui adresse un doigt d'honneur. C'est une simple farce, qui -à mon plus grand regret- va prendre des proportions inexpliquées. Je le sais à l'avance quand mes yeux croisent ceux de Lucius Malefoy. Je retire ma main plus brusquement que ne l'aurait fait -en temps normal- un innocent.  Et pourtant, Merlin sait que je le suis dans cette situation ! Je lève les yeux au ciel et me replonge dans mon repas. Il ne va quand même pas faire une crise dès que je m'approche de quelqu'un, si ?

Si.

Tu me détailles du regard et je sens ta rage comme si elle m'appartenait. Il va falloir tirer les choses au clair, Malefoy. Je ne suis pas à toi. Oh, bien sûr tu le dis, le répète, souvent. Depuis des mois.

Mais je ne suis pas un objet, je n'ai pas de propriétaire.

Tu oublies trop souvent à qui tu as à faire.

Je ne suis ni un trophée ni un objet que l'on possède. Je ne suis ni à toi ni à personne d'autre d'ailleurs. Ni à ces parents auprès de qui tu voudrais que je plie. Ni à cette famille bien trop noire et stupide à mon humble avis. Stupide car fermée à double tour, à la vraie vie et à l'amour. Je n'appartiens pas non plus à mes amis, nous avons fondé une tribu mais j'y suis attaché, pas dépendant. Je me suis juste formé une vraie famille qui brille comme un diamant.

Je n'appartiens qu'à moi-même.
Et crois moi, je serai libre comme l'air.

C'est ce que tu n'as pas compris. Quel que soit ce lien étrange qui nous unit, je ne suis pas dépendant de toi. Je suis autonome. Je n'ai pas besoin de m'identifier aux autres. D'être reconnu. D'attendre la reconnaissance des adultes. Ou d'un quelconque groupe d'appartenance.

Que l'on m'aime. Que l'on m'accepte. Que l'on m'honore. Foutaises.
Je suis mon propre maître.

Je n'attends pas de validation, je sais qui je suis et j'avance dans mon chemin. Qu'il convienne aux autres ou pas. Ce n'est pas un choix simple. Et je perds des choses en cours de route. Ma famille. Une grande part d'innocence aussi, en me confrontant aux miens.

Mais je ne me perds pas moi.
Et tout l'essentiel est là.

Alors tu peux être en rage, Lucius. Me frapper puis m'embrasser, hurler. Tenter de me blesser par tous les moyens. Essayer de me soumettre. De me faire peur. Je ne dis pas que ça ne m'atteint pas. Je suis humain. Mais je rebondirai à chaque fois. Car de nous deux, je suis celui qui m'en sort le mieux. Je suis libre.

J'ignore à quel jeu tu joues. Je ne sais pas si tu le comprends toi même. Depuis cette première soirée, il y a quelques mois, tu ne me lâches plus.

J'étais en retenue tardive, encore. J'ignore comment tu m'as trouvé. Privilège de préfet en chef, certainement. Lorsque je suis sorti, je me suis retrouvé dans le couloir sombre, éclairé par les flammes des torches. J'adore Poudlard la nuit. C'est une ambiance particulière. J'ai fait trois pas pour me retrouver face à toi. Mon corps s'est figé direct. Même si tu me laissais habituellement tranquille, je me doutais bien que Lucius Malefoy ne se déplaçait pas pour rien. Tu es le roi des serpents après tout. Je n'ai jamais eu à faire qu'à tes lieutenants, ou mes cousines. Pour que le maître en personne sorte de son royaume, il fallait avoir dépassé les bornes. Je me souviens m'être fait la réflexion que mon cas était sérieux. Quand, sans un mot, tu as saisi fermement mon bras pour me traîner à ta suite. Et la poigne était loin d'être douce. J'ai fait la seule chose que je pouvais faire à cet instant : obéir à mon instinct de survie. Je n'ai pas crié, pas hurlé : fierté oblige. Mais je me suis débattu comme un dément. Bien sûr, tu me dominais d'une tête, et malgré mon acharnement, je n'ai réussi qu'à t'énerver davantage. Tu m'as poussé dans une sorte d'alcôve qui nous cachait aux yeux du monde. Et je me souviens que mon coeur voulait quitter ma cage thoracique à cet instant. J'ai essayé de m'enfuir en passant sous ton bras mais tu m'as saisis brutalement par la nuque pour me pousser contre le mur. Mes yeux sont tombés dans les tiens. Et le bon et fier Black que je suis a tressailli. Ton regard glacial semblait m'incendier sur place. J'ai pris mon plus bel air arrogant, ce qui m'a valu une puissante gifle.

- Tu ne bougeras pas d'ici tant que je ne te l'aurais pas demandé, Sirius Black.

Il y avait quelque chose d'effrayant dans le ton de ta voix. Il faut dire que je suis un habitué des ordres et des menaces : je vis chez Orion et Walburga Black. Ce n'est pas peu dire ! Mais l'autorité et la prestance qui émanaient de toi, à cet instant, m'ont quasiment cloué sur place. J'ai quand même essayé de me débattre. Pour montrer que j'étais Sirius Black. Et pas le premier Chouinard venu. Tu m'as foudroyé du regard.

- Arrête de bouger où je cloue tes mains à ce mur.
- Qu'est ce que tu veux, Malefoy ?

Je t'ai craché ces mots avec tout l'irrespect possible. C'était fait exprès. Tu n'as pas apprécié car une seconde gifle s'est abattue sur ma joue. J'ai grogné et tu as haussé un sourcil.

- Tu fais bien de me demander ce que je veux, Black.

J'ai tressailli à nouveau à ce moment.

- Pourquoi, ou que j'aille, et quoi que je fasse, j'entends parler de toi ? Pourquoi, dans la maison Serpentard, et même parmi les préfets et professeurs, c'est toujours "Sirius Black" qui vient gâcher mes journées ? Sirius Black qui se bat contre les Serpentards. Sirius Black qui dénigre notre maison, son sang, son rang. Sirius Black qui insulte sa famille et ceux qui y sont reliés. Sirius Black qui jette des sortilèges aux verts et argent. Sirius Black qui cumule les retenues pour être en tête du classement. Sirius Black qui est le chouchou des professeurs. Sirius Black qui provoque en duel. Sirius Black et ses amis qui font de mauvaises farces aux élèves de serpentard. Sirius Black qui se moque du seigneur des ténèbres et de ses disciples... La liste est longue. Et tu sais qui gère les problèmes des serpents, Black ?

J'ai failli dire une énorme bêtise à cet instant, mais, une fois n'est pas coutume, j'ai préféré battre en retraite. Ta liste m'avait permis de comprendre que j'allais trop loin avec les Serpentards, et que tout ça risquait de remonter à ma famille. Je ne voulais pas davantage d'ennuis avec les miens.

- Toi ?
- En personne.

Nos yeux ne s'étaient pas quittés. Je sentais bouillonner ta rage. Elle était venimeuse.

- Je... Suis désolé.
- C'est du vent.
- Non ! Je... N'avais pas conscience que mes bêtises avaient des conséquences sur ton quotidien. Après... N'importe qui s'en foutrait royalement du petit Sirius Black de cinquième année qui est un élève turbulent. Pourquoi tu ne fais pas pareil ?
- Parce que dans ma maison, l'ordre règne, Black. Et il ne règne plus quand tout le monde met son grain de sel pour te régler ton compte.

J'avais rit nerveusement. Mais pas toi. Sur ces mots, j'avais levé les yeux au ciel en rigolant de plus belle.

- Ben... Laisse les faire, comme ça tu auras des vacances.
- J'ai du sévir chez les miens, par ta faute, et ça te fait rire ?

Je sentais ta colère au fin fond de mon être.

- Sévir ? Oh... Tu leur as fait quoi, Malefoy ? Un petit impardonnable pour calmer les troupes ?

Ton poing s'était abattu directement sur ma lèvre, m'arrachant un grognement.

- Putain !
- Ton père ne t'en donne pas assez je crois.

Je n'avais pas aimé l'allusion. Alors j'avais frappé à mon tour, un coup de tête directement dans ton nez. Sous le choc, tu m'avais lâché. Et j'ai presque failli réussir à t'échapper. J'avais détalé dans le couloir comme un lapin, mais ta main a attrapé brutalement mes cheveux pour me plaquer contre le mur du couloir. Il faisait toujours si sombre et nous étions toujours si seuls. Tes yeux se sont rivés aux miens et ta colère bouillonnait. Ta main a enserré ma gorge et j'ai vraiment cru que tu allais m'étrangler. Puis, ta main a desserré sa prise et est descendue sur mon torse. Ma chemise était à moitié détachée par notre lutte. Tes yeux semblaient constater les dégâts causés sur ma personne. Et, ils se sont posés sur mes lèvres.

- Je te déteste Black. Je déteste ton foutu caractère. Je déteste que tout le monde parle de toi. Je n'en peux plus de toi. De tes amis. De tes provocations. De ton entêtement à être différent. Je pourrai te tuer tu sais.

Je n'arrivais plus à savoir quoi dire, quoi penser. Mon cerveau semblait complètement éteint. Et lorsque tes lèvres trouvèrent les miennes ce fut pire. Je sentais cette atmosphère étrange où tu semblais pouvoir me tuer et m'embrasser l'instant d'après. Mais tes lèvres ne me lâchaient plus et tes mains glissaient sur ma chemise. Tu semblais ne plus pouvoir te détacher de moi. Et j'étais comme engourdi. Je répondais à tes baisers et c'était comme une drogue. De plus en plus forte. De plus en plus dure. J'oubliais tout contre tes lèvres. Je pouvais même m'oublier moi.

S'en est suivi des nuits entières, entre conflits , discussions et fusion.

Nous fusionnons l'un contre l'autre, l'un dans l'autre , l'un pour l'autre.
Comme la glace et le feu.
Tu m'appartenais et je t'appartenais.
Des heures à se lier, se défier, s'enliser peu à peu dans un gouffre de toxicité inépuisable.

Tu es toxique pour moi, depuis des mois, mais je m'enfonce davantage.

Je ne sais pas.
Je ne connais pas.
L'amour normal.
Celui qui fait grandir l'âme.
Et le cœur.
Je viens d'un monde où tout est toxique.
Ou tout est faussé.
Ceux qui devraient t'aimer te maudissent.
Alors tomber dans tes bras semblait normal.
Tes coups, parfois, n'étaient qu'une norme de plus pour moi.
Ta haine, ta rage, ta possessivité.
Me semblaient des choses à aimer.
Des symptômes naturels.
À cajoler ou à protéger.
À adoucir.

Mais non. Il fallait juste fuir.
Mais est ce qu'un Black s'enfuit ?

Je pourrai te tuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant