Que fais-tu de moi.

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Ma rage ne se calmait pas. Elle bouillonnait dans mes veines comme un poison. Et je sentais que ce poison devait sortir. Il le fallait avant que je ne commette l'irréparable.

Te blesser toi.

Cette sensation était étrange. Je savais au fond que te blesser un peu trop n'entraînerait qu'une seule chose. Ton éloignement. Et pourtant, du plus profond de mon être, je voulais te faire du mal. Je voulais que tu ravales ce sourire fier et que tu détournes les yeux. Je voulais sentir ta peur, un peu, parce qu'il n'y a que de cette façon que je pouvais gérer. Que la situation gardait un semblant de normalité.

Qu'elle ne semblait plus m'échapper irrévocablement.

Mais je savais aussi que te blesser devenait plus difficile. C'était sournois, insidieux, mais c'était bien là. Cet infime sentiment de culpabilité quand un coup m'échappait. Quand ton visage ou ton corps dénonçait par une marque un de mes gestes. C'était même pire encore : les autres marques commençaient à me rendre tout aussi dingue. Celles causées par ta famille. Le contrôle de cette situation, de nous, m'échappait. Et je te maudissais pour ça. Mais pas autant que je ne me haïssais moi même. Il y avait quelque chose, en moi, d'inquiétant.

Je sentais que je pouvais flancher.

Mais j'ignorais de quelle façon. Il me semblait que je pouvais te tuer de mes mains un instant, et tuer tous les autres la seconde suivante. À ce moment précis "les autres", c'était Remus Lupin. Ce foutu gringalet accroché à tes basques comme s'il était ton ombre.

Non. C'était la définition de Pettigrow ça.

C'était encore pire pour Lupin. En regardant depuis l'extérieur, et aussi étonnant que cela puisse être, je m'étais rendu compte que c'était toi qui semblait le suivre. Le soutenir. L'accompagner. Pas seulement toi. Potter et Pettigrow également. Mais toi, tu étais particulièrement attentif.
Et ça rendait les choses encore pire.

Comprenons nous bien :
Tout le monde voulait être ton ombre.
Il n'y avait rien de surprenant à cela. Les gens t'admiraient. Et toi, tu les ignorais royalement.
Mais tu n'étais l'ombre de personne. Tu n'avais pas besoin d'être près de quelqu'un. Tu te suffisais à toi même.

Alors pourquoi étais-tu accroché aux basques de ce foutu Lupin comme si ta vie, ou la sienne, en dépendait ? Pourquoi ce garçon inintéressant t'attirait comme un aimant ? Pourquoi lui avec ces cernes jusqu'au menton et ses vêtements d'occasion ? Il me dégoutait, et toi tu semblais t'y accrocher davantage au fur et à mesure des mois. J'essayais, des fois, de réfléchir. Car je voyais bien que ton Potter réagissait de la même façon : il semblait prêt à tuer si on s'approchait de Lupin.

Lupin était malade ? Cela m'arrangerait bien, si tu savais. Pouvait-il disparaître définitivement ? J'en serai le plus heureux.

- Lucius ?

Qui était cet impertinent qui te masquait à ma vue ? Mes yeux se posèrent sur l'inopportun et je le foudroyais du regard. C'était ton satané frère. Vous n'en aviez pas assez, vous les Black, de gâcher mes putains de journée ? Ton petit frère, à peine treize ans, se tenait face à moi et ne flanchait pas sous mon regard assassin.

Je vais vous assassiner. Tous les deux. C'est décidé.

- J'espère que tu as une raison valable de me déranger, Black.
- Je suis désolé, Lucius. Mais Bellatrix a trouvé une solution à... Ton problème.

Mon regard trouva le sien. Cette fille était complètement dingue. Utiliser le petit frère pour m'annoncer comment mettre la main sur le grand était tout bonnement sadique. Car oui, tu m'évitais délibérément depuis plusieurs jours et j'avais du user de mes talents de persuasion auprès des Serpentards pour trouver une faille. Ta cousine et ton frère s'étaient visiblement portés volontaires. Cruel, non ? Bellatrix n'avait plus rien à prouver. Elle était la pire de tous. Mais ton frère, qu'attendait-il en retour ? C'était à peine un gosse.

- Il sera en retenue avec Slughorn ce soir.

Je ne retenais même pas mon soupir d'exaspération.

- Encore une retenue ?
- Oui, Lucius.
- Pourquoi, cette fois ?

Regulus sembla hésiter légèrement. Mais mon regard le dissuada de mentir.

- À cause de moi, je crois.
- Développe.

Le plus jeune des Black sembla inspirer un grand coup.

- Il a demandé à Slughorn si c'était sa passion d'élever des moutons destinés à suivre le grand Lucius Malefoy et à s'infiltrer dans les rangs de...
- De ? Demandais-je, la voix légèrement tremblante de rage.
- de "l'autre connard". Murmura Regulus, très bas.

Un silence assourdissant s'installa entre lui et moi. Seule ma rage était presque palpable. Et Regulus ne disait pas un mot, respectant ce blanc. Qui me permettait de réaliser tes propos. Tes foutus mots. Comment osais-tu parler de moi ainsi ? De lui, ainsi ? Je comprenais pourquoi Bellatrix employait les grands moyens. Ton petit frère était ta faiblesse, Black ? J'allais l'utiliser, crois moi. J'allais le soumettre, le briser. Le transformer en mouton. Et tu n'aurais plus que tes yeux pour pleurer.

Parole de Malefoy.

- Merci, Regulus.
- Je suis désolé. Souffla t-il, si bas que je crus avoir rêvé.

Je fronçais les sourcils imperceptiblement pendant que ce petit homme se dandinait, légèrement mal à l'aise. Puis, soudainement, comme tu aurais pu le faire, sa confiance brilla. À la manière d'un Black. Il ne trembla plus et me fixa droit dans les yeux.

- J'ai honte de lui, de son attitude. Je te prouverai que je ne lui ressemble pas.

Ma vengeance sur un plateau d'argent. J'acquiescai simplement et le laissais partir. Quand mes yeux trouvèrent la table des Gryffondors, tu n'y étais plus. Peu importe. Ce soir, j'allais te trouver, toi qui mettait un acharnement particulier à m'éviter.

Ton mouvement se figea légèrement lorsque tes yeux se posèrent sur moi. Ta main passa nerveusement dans tes cheveux et un soupir de résignation franchit tes lèvres avant que tu n'approches. Ton pas n'était pas hésitant. Ton regard non plus. Et plus tu avançais, plus je rêvais de briser cette confiance. De la pulvériser. Je ne savais pas si j'étais capable de me gérer. Tes yeux rencontrèrent les miens et je me demandais comment il était possible de désirer autant et de haïr en même temps. Aussi fort. La lueur dans ton regard était déterminée.

- Je ne veux plus qu'on se voit, Malefoy.

Malefoy ? Tu ne veux plus ? À quel moment as-tu pensé que je te laissais un choix ? Mes mains attrapèrent ton col sans même que mon cerveau ne les ai commandé. Je te foudroyais du regard.

- À cause de ce foutu Lupin ?

Une incompréhension totale traversa ton regard.

- Quoi ? Mais qu'est ce que tu racontes ?
- Ton ombre. Remus Lupin qui est toujours accroché à toi comme une putain de sangsue.

Un rire traversa ta gorge. Léger au début puis il se manifesta en éclat. C'était beau mais je n'étais pas en état de le supporter. Pas ce soir. Tu étais beau mais je voulais te tuer plus fort que jamais. Toi et ta chemise sortie de ton pantalon, sans veste, négligé comme si tu défiais le monde entier.

- Arrête de rire. Sifflais-je froidement.

Tes yeux rencontrèrent les miens et le rire disparut subitement. Tu voyais la haine dans mes yeux.

- Lucius.

Ah. Nous y voila. L'attendrissement maintenant ? La manipulation ?

- Lucius, tu ne comprends rien.

Ta voix était douce, presque attendrie mais mon coup de poing parti tout seul. Je perdais complètement pied. Je n'avais même pas bougé du couloir pour t'emmener ailleurs. Je ne songeais plus aux regards qui pouvaient tomber sur nous. Il n'y avait plus aucune logique dans mon comportement. J'étais irrationnel.

- Je ne comprends rien, évidemment. Je suis stupide, n'est ce pas ? C'est ce qu'on attend d'un putain de mouton de toute façon, non ? La stupidité, pour pouvoir suivre inconsciemment le mouvement. Pour mieux manipuler. C'est ce que je suis, n'est-ce pas ?

L'incertitude traversa ton regard alors que ta main tâtait ta pommette, l'air soucieux. Tes sourcils se fronçèrent.

- L'autre connasse veut recruter mon frère, tu croyais que j'allais rien dire ?
- C'est moi que tu as insulté.
- Tu crois que je suis naïf, Malefoy ? N'est-ce pas toi qui "gère les serpents" ? Tu crois vraiment que je vais vous laisser faire, sans bouger le petit doigt ?

Je ne comprenais pas, effectivement. Comment ça nous laisser faire ? Bien sûr. Tu n'avais pas le choix. Regulus lui même voulait. Comment aurais-tu pu l'en empêcher ? Alors qu'il décidait par lui-même.

- Il a treize ans, Lucius ! Le même âge que vous quand vos parents vous ont embrouillé votre putain de cerveau. Vous ne choisissiez rien. Tu te crois puissant mais ce sont leurs idées qui se sont infiltrées dans ta satané tête. Qu'est ce que tu feras quand tu devras tuer des gens, des enfants ?
- Tu seras sûrement le premier sur ma liste.

Mon ton mettait un terme à la conversation. Et tu le savais. Tu me connaissais assez pour lire dans mes yeux quand il fallait s'arrêter. Mais évidemment, quand avait-on vu Sirius Black respecter les règles établies ? Tu m'as défié du regard. Et tu as prononcé les mots qu'il ne fallait pas.

- Vas-y, Malefoy. Fais toi plaisir.

À quel point avais-je perdu le contrôle ? Pourquoi y avait-il ce trou noir dans ma mémoire ?

Je m'étais éveillé dans le dortoir des Serpentards sans souvenir précis. Je me voyais cogner. Fort. Comme jamais. Et tu avais rendu les coups.

Nous nous étions battus.
Nous n'avions pas pu aimer cette nuit.

Mais pourquoi j'étais ici ? Plein de douleurs ? Pourquoi les yeux des Serpentards n'osaient pas se poser sur moi plus de cinq secondes ? Pas même ceux de cette peste de Black.

Black. Sirius. Ou étais-tu toi ? J'errai dans la salle commune des Serpentards, et personne n'osait prononcer un mot. C'était le weekend.

Où étais-tu Sirius ?

Les regards ne se posaient pas sur moi mais ils semblaient tous légers, remplis de respect.

Tous, sauf un.

Les yeux bleus de ton frère s'accrochèrent à moi plus longtemps.
Et il n'y avait aucune admiration dedans.
Je voulais lui poser la question qui me brûlait les lèvres. Mais je ne le pouvais pas. Pas sans éveiller de soupçons. Je n’en eu pas besoin. Ses mots furent tranchants dans le silence des verts et argent.

- Sirius est à l’infirmerie.

Mon ventre et ma gorge s’étaient noués. C’était à ce point ? Je t’avais blessé autant ? Ses yeux ne me quittaient pas et je sentais que ce foutu gosse lisait en moi plus qu’il n’aurait dû.

- Il va y rester quelques jours. Murmura t-il, tout bas.

Une sorte de fête éclata soudain en mon… Honneur. Je recevais les félicitations, les louanges, plus nombreuses et heureuses alors qu’en moi, de façon implacable montait un puissant dégoût, à me faire vomir.

Oui. Je t’avais blessé plus que de raison et je me dégoûtais au point d’en vomir.

J’en étais là.

Sirius, que fais-tu de moi ?

Je pourrai te tuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant