Chapitre 2

0 0 0
                                    

La journée avait été longue et chargée, comme d'habitude. Depuis que j'avais rejoint l'équipe de l'Agence Immobilière Rive Droite, il ne se passait pas un jour sans que les appels incessants, les rendez-vous de dernière minute et les dossiers en retard ne s'accumulent. Il était encore plus difficile de tout gérer depuis que l'affaire Williams, un de nos plus gros clients, nous avait échappé au profit d'une agence concurrente. Malgré tout, j'avais pris sur moi et je continuais à avancer, comme le reste de l'équipe. Il fallait se concentrer sur les nouveaux projets et ne pas perdre de temps à ressasser ce qui était déjà perdu.
Alors que je m'installais à mon bureau, prête à entamer un nouveau dossier de vente, Adèle Lefèvre, ma collègue et amie, se dirigea vers moi. Je pouvais voir dans ses yeux une étincelle d'enthousiasme, mais aussi une légère nervosité.
Ce mélange de sensations qu'elle dégageait me surprit ; Adèle, toujours si sûre d'elle, si posée, avait rarement ce genre de comportement un peu hésitant. Sa nervosité ne passait pas inaperçue, bien qu'elle tentât de la dissimuler sous son habituel sourire éclatant.
— Gloria, tu as des plans ce soir ? demanda-t-elle avec une rapidité qui trahissait son impatience.
Je la dévisageai, curieuse. Elle et moi, bien que proches depuis plusieurs années, n'avions pas pour habitude de sortir ensemble en semaine. Elle semblait observer mes réactions avec une lueur d'attente dans les yeux.
— Non, je n'ai rien de prévu. Pourquoi ? Tu as une idée ? lui répondis-je en fermant doucement le dossier sur lequel je travaillais depuis ce matin.
— Eh bien, si tu veux, on pourrait dîner ensemble ce soir. J'ai demandé à ****, le directeur général, si je pouvais partir un peu plus tôt et il m'a donné son accord. Alors, si ça te tente...
Surprise par le fait qu'elle ait déjà organisé tout cela, allant même jusqu'à demander au supérieur la permission de quitter le travail plus tôt, je fus cependant ravie de cette proposition. Un dîner avec Adèle promettait toujours d'être un moment agréable. Nous avions tissé des liens forts depuis que nous étions devenues binômes sur plusieurs projets, et ces instants passés ensemble, en dehors du cadre professionnel, étaient souvent pleins de rires et de complicité.
— Avec plaisir ! répondis-je avec enthousiasme.
Elle me gratifia d'un sourire lumineux, celui qui éclairait son visage lorsque tout se déroulait comme elle l'espérait. Nous échangeâmes un clin d'œil complice avant de nous replonger dans nos occupations respectives. Cependant, tandis que le calme revenait dans l'open space et que le rythme quotidien reprenait son cours, un sentiment d'étrangeté s'immisça dans mon esprit. Pourquoi cette envie subite de dîner ensemble ce soir, alors que nous aurions tout aussi bien pu le faire durant le week-end ? Adèle n'était pas du genre à demander des faveurs, encore moins à finir plus tôt sans raison valable. Je haussai mentalement les épaules, mettant de côté cette interrogation pour me concentrer sur mon projet.

L'après-midi fila rapidement. Le flux continu d'emails, de réunions et de tâches à finaliser m'empêcha de réfléchir davantage à l'invitation inhabituelle d'Adèle. Cependant, chaque fois qu'elle passait devant mon bureau, je remarquais qu'elle me lançait des regards furtifs, comme si elle voulait s'assurer que je n'avais pas oublié notre rendez-vous.
Finalement, lorsque la journée fut pratiquement terminée, alors que je rangeais mes affaires, Adèle apparut de nouveau devant mon bureau, cette fois-ci avec son sac à la main. Elle affichait une excitation à peine contenue.
— C'est l'heure ! s'exclama-t-elle joyeusement, comme une enfant impatiente d'aller à une fête.
Je souris, amusée par son énergie contagieuse. Prenant mon sac accroché au porte-manteau, je lui lançai :
— C'est bon, je suis prête !
Nous quittâmes l'open space côte à côte, sortant du bâtiment main dans la main comme deux complices prêtes à conquérir la soirée parisienne.
En déambulant dans les rues animées, la fraîcheur du soir de juin nous accueillit. Le soleil commençait doucement à se coucher, baignant la ville dans une lueur dorée, et l'air portait une légère odeur florale et de bière, typique de la saison. Paris avait cette capacité presque magique de rendre chaque moment spécial. Les passants marchaient d'un pas rapide, sous la clarté de la soirée, tandis que nous flânions à la recherche d'un restaurant qui nous plairait.
Nous marchâmes longuement, hésitant entre plusieurs établissements, avant de finalement choisir un petit bistrot charmant niché dans une rue calme. L'intérieur, chaleureux et intimiste, était décoré de tables en bois rustiques et de grandes plantes vertes qui apportaient une touche de fraîcheur à l'atmosphère cosy.
Après avoir commandé nos plats, un silence s'installa. Je sentais qu'Adèle avait quelque chose à dire, mais elle semblait lutter pour trouver le bon moment. Nous parlâmes de tout et de rien, de nos projets, des dernières nouvelles au bureau, mais il était évident que quelque chose d'autre lui trottait dans la tête. Finalement, après avoir joué un moment avec sa serviette, elle plongea ses yeux dans les miens et prit une grande inspiration.
— Gloria, j'ai quelque chose d'important à te dire, commença-t-elle d'une voix douce mais empreinte d'une certaine solennité.
— Tu sais que tu peux tout me dire, la rassurai-je en lui prenant la main, sentant que ce qu'elle avait à révéler n'était pas anodin.
Adèle hésita encore quelques secondes, puis, d'une traite, comme si elle craignait de perdre son courage, elle lâcha enfin :
— Je suis enceinte.
Le silence qui suivit cette déclaration me sembla durer une éternité. Mon esprit mit quelques secondes à assimiler l'information. Adèle... enceinte ? Je clignai des yeux, hébétée, puis un sourire éclatant s'étira lentement sur mes lèvres. Mes yeux se remplirent de larmes de joie, tandis qu'une chaleur envahissait ma poitrine.
— Mais c'est formidable ! Félicitations ! m'exclamai-je, sincèrement heureuse pour elle.
Adèle, visiblement soulagée, laissa échapper un petit rire nerveux, comme si elle venait de se libérer d'un lourd secret. Son visage s'illumina à son tour, et elle me serra la main avec une affection profonde.
— Merci, souffla-t-elle, les yeux brillants.
Nous restâmes ainsi, à nous regarder dans les yeux, partageant un moment d'intimité profonde. Je savais à quel point Adèle désirait fonder une famille. Elle en parlait souvent, surtout depuis son mariage deux ans et demi plus tôt. C'était un sujet qui revenait fréquemment lors de nos discussions, et je savais que ce moment représentait pour elle la réalisation d'un rêve longtemps espéré.
— Depuis combien de temps ? lui demandai-je, curieuse et touchée de partager ce moment avec elle.
— Quatre mois, répondit-elle en caressant doucement son ventre, comme si elle prenait soudainement conscience de la vie qui grandissait en elle. Je ne savais pas comment te l'annoncer plus tôt... J'avais besoin d'être sûre que tout allait bien avant de le partager avec tout le monde.
— Je comprends, lui dis-je en hochant la tête. C'est une grande étape, une transformation, et je suis honorée que tu aies choisi de me le dire ce soir.
Nous continuâmes à discuter de sa grossesse, de ses sentiments à ce sujet, et des changements à venir dans sa vie. Elle était à la fois excitée et nerveuse, comme toutes les futures mères sans doute, mais je pouvais voir dans ses yeux qu'elle était prête à embrasser cette nouvelle aventure. Je lui proposai même que nous allions faire du shopping bientôt, pour acheter quelques vêtements ou accessoires pour le bébé. Elle ne savait pas encore si ce serait une fille ou un garçon, mais cela n'avait pas d'importance pour elle ; l'important, c'était que son enfant soit en bonne santé.
Après avoir terminé notre repas, nous décidâmes de prolonger la soirée en nous promenant dans le quartier. Le quartier de Saint-Germain-des-Prés, dans le sixième arrondissement de Paris, était animé à cette heure. Les cafés débordaient de clients, les terrasses baignées de la lumière des réverbères. Nous marchions côte à côte, riant et discutant de tout ce que l'avenir pouvait bien nous réserver. La nuit s'installait doucement, enveloppant la ville d'un manteau de mystère et de calme.
À un moment donné, nous nous arrêtâmes devant une vitrine de magasin de vêtements pour enfants. Adèle regarda les petits habits avec un sourire attendri, et je vis dans ses yeux cette lueur d'amour qui la transformait déjà en future maman.
— Tu vas être une merveilleuse mère, lui dis-je en la regardant.
Elle me sourit, émue, et me prit dans ses bras.
— Merci, Gloria. Et toi, tu seras la meilleure des tatas de cœur.
Nous restâmes ainsi quelques instants, enlacées au milieu du trottoir, avant de reprendre notre chemin, légères et heureuses. Cette soirée marqua le début d'une nouvelle étape dans notre amitié, mais aussi dans la vie d'Adèle. Nous étions désormais liées par ce secret, par cette promesse d'un avenir rempli de nouvelles joies et de nouveaux défis.
Lorsque l'heure fut venue de nous séparer, nous échangeâmes un dernier regard complice.
— Merci pour cette soirée, Gloria, me dit-elle. Ça comptait beaucoup pour moi.

L'ÉCHO DES SILENCES-NOUVELLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant