Chat-pitre 1

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Le chat soupira. Son distributeur de croquettes était vide. Encore. C'était de plus en plus fréquent ces temps-ci. Son asperge semblait contrariée par il ne savait quoi et en venait à oublier de le nourrir... L'espèce de femelle étrange en tablier qui passait son temps à pester en nettoyant ses déjections n'était apparemment pas en capacité neuronale de penser à sa nourriture. Heureusement que l'asperge était là et veillait à ce que ses bols soient toujours remplis... Du moins, normalement.

Le chat émit un énième petit soupir et grimpa sur une des nombreuses plateformes qui couvraient les murs de son foyer avant d'ouvrir grand la gueule et de pousser un miaulement strident. Comme par magie, l'asperge accourut -bien que plus mollement que d'habitude.

« -Qu'est ce que t'as encore le chat, demanda-t-il dans un soupir fatigué ? »

Le chat. C'était son nom. Persuadé que ce petit corps frêle n'allait pas passer la journée (puis la semaine, puis le mois...), l'asperge l'appela ainsi : le chat. Après deux longs mois de soins, nourriture et convalescence, l'asperge dû fatalement comprendre une chose : le chat allait survivre. L'animal fût pris en photo et apparemment posté sur internet -sans son accord, rendez-vous compte ! La semaine suivante, une femme se présenta au domicile de l'asperge afin de le récupérer.

Le chat ne fut pas vraiment surpris ni même vexé : l'humain avait répété à tout bout de champs qu'il ne pouvait pas le garder. La femelle qui vivait ici avec lui il y a peu avait embarqué son ancien chat, prétextant qu'il serait plus heureux avec elle, et depuis il refusait catégoriquement d'adopter un nouveau compagnon.

Le chat ne prit donc pas la fuite alors que l'asperge le prenait dans ses bras « une dernière fois ». Ils s'étaient longuement regardés : yeux jaunes contre yeux marrons, air résolu contre air hésitant, mine blasée contre mine attristé. Au bout de longues secondes, l'asperge ferma les yeux. La femme repartit les mains vides et le chat su qu'il avait gagné : il restait. Pour toujours.

L'asperge se mit alors à lui chercher un nouveau nom -à chaque fois de plus en plus ridicule- mais lui en avait déjà un : il s'appelait le chat. Son humain l'avait toujours appelé ainsi et il refusait catégoriquement de réagir à tous les autres acronymes dont il avait tenté de l'affubler. Il daignait tourner son regard indéchiffrable vers son esclave uniquement lorsque le chat était prononcé. C'était un petit jeu entre eux... Quand bien même l'asperge tenait entre ses mains la plus appétissante des pâtées : si autre chose que le chat était prononcé, il ne réagirait jamais.

Maintenant, revenons-en à la gamelle vide, la fatigue évidente sur le visage de l'asperge et l'air passablement agacé sur celui du félin.

Alors que le chat allait miauler une nouvelle fois, la sonnette retentit, le coupant net dans son élan. Avant même que la porte ne s'ouvre, il sût que l'autre humain agaçant et perturbant était de retour.

« -Je peux savoir ce que tu fais là ?

-Et bien je viens éclaircir les choses, vu que tu fuis comme un lâche !

-Je suis chez moi. A quel moment tu appelles ça fuir, Gabriel ? »

L'humain agaçant et perturbant -grognon comme l'appelait le chat- se tendit lorsque son nom fut prononcé par son humain. Le félin devait cependant avouer que le ton employé par l'asperge ainsi que son sourire hautain et supérieur avaient de quoi énerver. Assis sur sa plateforme tel le roi qu'il était, le chat agita sa queue d'un air satisfait : son humain lui ressemblait, il avait de quoi être fier.

« -Alors apparemment tu as besoin d'un professeur, Jordan. »

Outch. Le chat aplatit ses oreilles en même temps que son asperge perdait son sourire : Jordan prononcé Jor-dent. Ce n'était pas fair-play.

Le chat et l'aspergeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant