Âmes Opposées

Chapitre 10

J'ai passé toute la journée d'hier chez Sam. C'était du grand n'importe quoi mais c'était super drôle. Ça avait pourtant commencé comme une journée normale. On jouait à la console, on se racontait des bêtises... Mais à un moment, il n'a pas trouvé meilleure idée que de me vernir les ongles. Sauf que, pour rappel, il n'a jamais fait ça de toute sa vie. Et, effectivement, j'avais raison de m'inquiéter car, désormais, j'ai un mélange de rose, de orange, de bleu et de vert sur chaque ongles. Il a piqué toutes les armes du crime à sa petite sœur et je ne suis pas sûr qu'elle était d'accord mais bon.

Ensuite, vers 1 heure du matin, quand je m'étais enfin endormie, il n'a pas trouvé plus intelligent que de me vider un bol d'eau sur la tête. L'eau était glacée sinon ce n'est pas drôle. On s'est bagarré mais il m'a vite fait comprendre que je ne faisais pas le poid du haut de mon petit mètre soixante-treize.

Le lendemain - aujourd'hui - nous avons été réveillés vers 10h par les travaux en bas de la rue.

Il est maintenant 14h et je suis sur le chemin pour rentrer chez moi. J'ai mes écouteurs dans les oreilles et je pianote sur mon téléphone. Je heurte quelque chose ou plutôt quelqu'un et ça me ramène à la réalité.

- Désolé, je vous avez pas... Tyler ?!

Mais qu'est-ce que le grand brun fait dans le coin ?

- C'est rien t'inquiète, je t'avais pas vu non plus, dit-il en désignant son téléphone dans sa main.

- Qu'est-ce que tu fais dans le coin ?

- Oh... Euh... Je me suis embrouillé avec mes parents donc je suis sortie faire un tour.

- Oh, d'accord. Mais tu es venu jusqu'ici à pied.

- Ouais.

- Mais tu habites à 25 minutes en bus du lycée et on est à l'opposé du bahut ! T'as dû marcher pendant plus d'une heure !

- Peut-être, j'ai pas regardé l'heure.

Soudain, des gouttes de pluie se mettent à tomber puis elles sont suivies par une grosse averse. Il n'y a rien pour s'abriter.

- Viens, suis moi, lui dis-je.

- Où ça ?

- Chez moi. Je vais pas te laisser sous cette pluie.

Il me suit donc sans demander son reste et on se met à courir jusqu'à chez moi. On passe la porte d'entrée trempé de la tête aux pieds.

- Viens. T'inquiètes il n'y a personne, mes parents sont sortis, ajouté-je en voyant sa réticence à entrer.

Il avance avec moi jusqu'à ma chambre.

J'enlève ma veste et la pose sur ma chaise de bureau en l'incitant à faire de même.

Tyler regarde partout autour de lui, détaillant chaque affiche de musique, de danse ou de pièces de théâtre accroché aux murs.

- Waouh, t'es vraiment passionné, constate-t-il.

- Ouais.

Il redirige à nouveau son attention sur moi avant de dire :

- C'est cool. Toi aussi moins tu as un truc qui te passionne, un but dans la vie.

- Parce que toi tu n'en as pas. Oh mince, c'est vrai j'oubliais, le grand Tyler Sarte n'aime rien, plaisanté-je.

- C'est pas vrai ça, se défend-t-il en riant.

- Très bien, alors qu'est-ce que tu aimes ? demandé-je de nouveau sérieux.

- Sortir, marcher sans forcément savoir où aller. Faire des films. Le théâtre aussi.

- Qu'est-ce qui t'empêche d'en faire ?

- C'est pas aussi simple que ça. À vrai dire, je ne veux pas être comme ça.

Devant mon air perplexe il ajoute :

- Je ne veux pas être le connard que je suis.

Il se tait pour me laisser le temps de digérer l'information. Je ne comprends plus rien là. Mais en même temps je n'ai pas envie qu'il se braque alors je ne pose pas la question qui me brûle les lèvres. Finalement, il y répond sans que je n'ai besoin de la dire à haute voix :

- Je n'ai jamais vraiment été moi-même. Mes parents n'ont pas la même vision de la vie et des choses en général que moi. Là où je vois un acteur, ils voient un bouffon. Enfin, tu vois le truc ?

Je hoche la tête de peur qu'il ne se taise si j'ouvre la bouche.

- J'agis comme ils le veulent pour avoir la paix. Mais il y a des fois, comme aujourd'hui, où j'en ai marre de faire semblant.

Je suis surpris qu'il se confie comme ça à moi. Je comprends mieux maintenant pourquoi il est comme ça.

Je n'ose même pas imaginer la pression qu'il doit subir au quotidien.

- Enfin bref, conclut-il. On devait pas remettre notre petite répétition improvisée à plus tard ?

- Si.

Il change de sujet et je le comprends. Personne n'aime parler de sa vie et de ses problèmes.

- Et bien, plus tard c'est maintenant.

- D'accord. T'as ton texte ?

- Ouais dans mon téléphone.

- Super.

Je me lève et vais chercher le mien sur mon bureau avant de venir me rasseoir sur mon lit.

- Pourquoi es-tu comme ça avec moi Ander ? Que t'ai-je fait ?

- C'est plus compliqué que ça en à l'air Lucas, récite-t-il, cette fois sans regarder son texte.

- Alors explique moi ! m'exclamé-je en me levant. Je veux savoir.

- Si je te le dis ce ne sera plus jamais pareil entre nous.

- Tu en as déjà trop dis alors vas-y.

Son magnifique regard vert se plonge dans le mien. Il le fait car c'est dans le scénario mais j'ai l'impression que c'est plus que de la simple interprétation. Il s'approche doucement de moi, son attitude a soudain changé. La personne en face de moi n'est plus le Tyler que j'ai fait entrer chez moi, c'est le vrai Tyler, celui dont il m'a parlé. J'ai l'impression que plus rien n'existe autour de nous.

Il est maintenant si près que je peux sentir son souffle sur mon visage.

- Je crois que j'ai des sentiments pour toi, dit-il avant de franchir les derniers centimètres qui nous séparent.

Il passe sa main dans mes cheveux pour prolonger le baiser et ce n'est pas pour me déplaire. Sa langue vient rapidement trouver la mienne et elles se lancent toutes deux dans une danse endiablée.

Nous nous séparons à cause du manque d'air. Je vois des émotions contradictoires passer dans ses yeux émeraudes : du désir mais aussi de la peur.

- Il faut que j'y aille, réussit-il à prononcer à bout de souffle.

Il récupère sa veste et sort en courant de la pièce. J'ai à peine le temps de réaliser ce qu'il vient de se produire que Tyler a déjà claqué la porte d'entrée. Je me retrouve donc seul et désemparé.