Chapitre 1: L'éveil.

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                        L'air lourd, saturé de cendres et de poussière, étouffait les ruines de la ville. Le soleil à peine levé peinait à traverser les épais nuages gris qui obscurcissaient le ciel. Lia s'éveilla, son corps raidi par une nouvelle nuit passée sur un matelas de fortune, fait de couvertures trouées et de vieux vêtements trouvés au hasard dans un immeuble en ruines. Ses yeux papillonnèrent un instant avant de se fixer sur le plafond fissuré au-dessus d'elle. Le monde ne changeait pas. Le silence autour d'elle, dense et oppressant, était toujours là. Le même silence mortel qui régnait depuis des mois.

Elle se redressa, réprimant un grognement de douleur lorsque ses muscles tendus protestèrent. Lia frotta ses yeux cernés de fatigue. Chaque nuit était une bataille pour trouver le sommeil, la peur des Brûlés est omniprésente. Ces créatures ne sortaient que la nuit, mais leurs hurlements déchirants, lointains mais terrifiants, étaient devenus son quotidien.

La jeune fille jeta un coup d'œil à son sac posé près d'elle, une vieille besace en cuir qu'elle portait toujours, même en dormant. Son contenu était maigre : une petite lampe torche, un couteau dont la lame s'émoussait un peu plus chaque jour, quelques conserves trouvées dans une épicerie pillée, et une vieille photographie de sa famille. Le cadre était cassé, mais elle ne pouvait se résoudre à s'en séparer. C'était tout ce qu'il lui restait de son passé. Ses pensées revinrent à eux, à son père, à sa mère, à son petit frère, tous emportés par le virus. Elle se souvint du chaos, des premiers jours où les gens tombaient malades, des tentatives désespérées de fuir la ville. Le virus avait transformé les malades en créatures cauchemardesques, leur peau brûlant de l'intérieur comme un feu incontrôlable. Les autorités avaient tenté de contrôler l'épidémie, en vain. En quelques semaines, tout s'était effondré.

Lia serra la photo contre sa poitrine, luttant contre les larmes qui menaçaient de couler. Pleurer ne servait à rien. Pas ici. Pas dans ce monde. Elle devait survivre, c'était tout ce qui comptait. Elle se leva enfin, rassemblant ses affaires avant de s'approcher de l'escalier délabré qui menait à l'extérieur de l'immeuble. Elle avait dormi dans ce vieil immeuble de bureaux pendant deux nuits, une durée déjà trop longue. Rester trop longtemps au même endroit, c'était inviter la mort. En atteignant le rez-de-chaussée, elle jeta un coup d'œil prudent par une fenêtre brisée. La rue était déserte, comme d'habitude. Des carcasses de voitures gisaient, tordues, calcinées, le bitume fissuré par les explosions qui avaient secoué la ville. Les immeubles aux alentours étaient en ruines, les fenêtres béantes comme des yeux morts fixant le néant. Une fois de plus, elle était seule.

Mais l'apparente tranquillité ne signifiait rien. Les Brûlés ne sortaient que la nuit, mais des survivants pouvaient rôder à tout moment. Elle avait appris à ses dépens que les humains, quand ils étaient poussés à bout, pouvaient être bien plus dangereux que les créatures qui les traquaient.

Lia hocha la tête pour se donner du courage et franchit enfin la porte rouillée. Chaque pas qu'elle faisait sur le sol fissuré résonnait étrangement dans le silence environnant. Elle se dirigea vers l'un des bâtiments qu'elle n'avait pas encore fouillés, un vieil entrepôt à quelques pâtés de maisons. Le grand logo délavé d'une entreprise de logistique était encore visible sur la façade. Elle espérait y trouver des vivres, ou peut-être quelque chose d'utile pour la défense. Son couteau ne tiendrait plus très longtemps. Elle avançait avec prudence, ses sens en alerte, ses yeux scrutant chaque recoin, chaque ombre. L'air était lourd, chargé de cette odeur familière de cendres et de métal brûlé. Tout ici portait la marque du désastre : les bâtiments dévastés, les rues abandonnées, les vestiges d'une civilisation éteinte. Chaque coin de rue lui rappelait l'ancien monde, celui où elle n'avait pas à se battre chaque jour pour survivre.

Alors qu'elle s'approchait de l'entrepôt, un bruit sourd, presque imperceptible, la fit s'arrêter net. Elle se figea, ses doigts serrant instinctivement la poignée de son couteau. Quelque chose bougeait derrière elle. Elle se retourna lentement, le cœur battant, ses yeux fouillant le paysage dévasté.

Là, à l'autre bout de la rue, une silhouette titubante apparut. Une silhouette brûlée.

Lia sentit son estomac se nouer. Le Brûlé marchait lentement, de manière erratique, ses mouvements saccadés par la douleur qui semblait consumer son corps. Sa peau était calcinée, noire, des morceaux de chair carbonisée se détachant à chaque pas. Son visage, autrefois humain, n'était plus qu'un masque de souffrance figé dans une expression de rage et de désespoir. Il n'avait pas encore remarqué sa présence.

Lia n'attendit pas. Elle se glissa furtivement dans l'entrepôt, refermant la porte en silence derrière elle. L'obscurité l'engloutit aussitôt. L'intérieur de l'entrepôt était un vaste espace vide, rempli de caisses métalliques empilées les unes sur les autres. L'odeur de poussière et de métal rouillé flottait dans l'air, mélangée à celle, plus subtile, de la moisissure. Elle devait se dépêcher de fouiller avant que la créature ne s'approche davantage.

Elle commença à ouvrir quelques caisses, espérant trouver de la nourriture ou de l'équipement. Ses mains fouillaient frénétiquement, chaque seconde comptait. Elle trouva des bouteilles d'eau à moitié pleines, des outils rouillés, mais rien de réellement utile pour sa survie. Le sentiment d'urgence grandissait en elle, alors que l'ombre du Brûlé continuait de planer sur ses pensées. Alors qu'elle fouillait une autre caisse, un grincement retentit dans l'entrepôt. Lia se figea, ses doigts suspendus au-dessus du couvercle. Ce n'était pas le bruit d'un Brûlé. C'était quelque chose d'autre. Quelqu'un d'autre.

Elle recula silencieusement, se cachant derrière une pile de caisses. Ses yeux scrutèrent l'obscurité, son souffle court, son couteau serré dans sa main tremblante. Le grincement se fit plus proche, accompagné de pas lourds et lents. Lia se tendit, prête à attaquer si nécessaire. Elle ne savait pas ce qui l'attendait. Peut-être un autre survivant, peut-être quelqu'un d'hostile. Dans ce monde, faire confiance à un inconnu était un luxe qu'elle ne pouvait plus se permettre.

Les pas se rapprochaient encore. Elle prit une profonde inspiration, son corps prêt à réagir au moindre mouvement. Soudain, une silhouette émergea des ombres. Un omme, grand, le visage dissimulé sous un masque à gaz. Il portait un manteau en cuir usé et tenait un pied de biche. Son allure était menaçante. Il scrutait l'entrepôt, cherchant probablement des provisions ou un endroit sûr pour la nuit.

Lia retint son souffle, espérant passer inaperçue. Mais alors qu'elle reculait, son pied heurta une petite boîte en métal qui roula bruyamment sur le sol. L'homme se tourna instantanément dans sa direction, levant son pied de biche.

« Qui est là ? » grogna-t-il, sa voix étouffée par le masque.

Lia se recroquevilla derrière les caisses, son cœur battant à tout rompre. Elle savait qu'elle ne pourrait pas fuir sans se faire repérer. L'homme s'avançait lentement vers elle, ses bottes résonnant contre le sol en béton.

Elle devait faire un choix...

Les Flammes du CrépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant