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Le silence pesait dans l'air nocturne, seulement interrompu par le léger froissement des feuilles sous mes pieds. Le poids de l'arc entre mes mains me semblait familier, rassurant. Une extension de mon corps. Depuis que j'étais enfant, c'était mon seul refuge, la seule chose sur laquelle je pouvais compter. Les visages et les souvenirs se brouillaient, mais la tension de la corde sous mes doigts, elle, restait inchangée.

Je ne savais plus ce que c'était que de pleurer. Depuis l'âge de six ans, les larmes étaient une faiblesse que je ne pouvais pas me permettre. Elles avaient été frappées hors de moi, chaque coup un rappel brutal que la douleur n'était qu'une illusion. On m'avait appris à être forte, inébranlable, et aujourd'hui, cette force était la seule chose que j'avais.

Je tirai la corde. La flèche fila, rapide et silencieuse, perçant la cible en plein cœur. Parfait. Toujours parfait.

Derrière moi, une silhouette approchait. Les pas étaient lourds, familiers. Je ne me retournais pas, je n'en avais pas besoin. Mon père. Je pouvais sentir son regard sur moi, scrutant chaque mouvement. Il attendait toujours l'erreur, le moment où je faillirais. Mais ce moment ne venait jamais.

- Ça suffit pour ce soir. (Sa voix était dure, tranchante.) Entre.

Je ne répondis pas. Depuis des années, le silence était mon seul refuge. Les mots étaient inutiles dans cette maison. Je ramassai mon arc, jetant un dernier regard à la cible, parfaite, immobile, avant de me tourner et de suivre mon père à l'intérieur.

Les couloirs de la maison étaient froids, glacials même. Chaque recoin respirait l'opulence, mais derrière les murs de marbre, il n'y avait que vide et silence. Les hommes qui nous entouraient ne me regardaient pas. Ils savaient ce que j'étais. Ou plutôt, ce qu'ils croyaient que j'étais : une arme.

Nous atteignîmes le grand hall. Mon père se tourna vers moi. Ses yeux étaient sombres, durs comme la pierre.

Mon père- Tu as appris à ne jamais pleurer. C'est bien. Il marqua une pause, son regard s'assombrissant encore davantage. Ne l'oublie jamais.

Je le regardai, impassible. Il n'y avait rien à dire. Les mots ne comptaient plus depuis longtemps.

Et alors que je le regardais s'éloigner, une pensée me traversa l'esprit. Ils ne connaissaient peut-être pas mon nom. Mais un jour, ils le sauraient.

Un jour, le monde entier saurait qui j'étais.

Je m'appelle Hayla.

CUERO DI PIETRA Où les histoires vivent. Découvrez maintenant