Le Traqueur De Nombre

Prologue.

L'Agent Spécial Swan se tenait dans une ruelle étroite, une main enfoncée dans sa poche, l'autre agrippant le col de sa veste pour se protéger du vent glacial qui s'infiltrait jusque sous sa peau.
La pluie battait contre les pavés, rebondissant, se confondant avec les gouttes de sang à ses pieds.
Les sirènes de la police résonnaient au loin, étouffées par le crépitement incessant de la pluie.

Swan restait immobile, figée dans ce silence étrange, où le monde semblait suspendu, comme s'il retenait son souffle en attendant son verdict.

Sixième scène de crime en deux mois.

Sixième victime, même signature. Elle s'accroupit lentement à côté du corps, laissant la pluie ruisseler le long de son visage sans ciller. Le froid lui engourdissait les doigts, mais elle n'y prêtait aucune attention. Son regard glacé sondait chaque détail du dos lacéré de la victime, une femme d'une quarantaine d'années. Les entailles, nettes et précises, formaient un motif méthodique, comme une œuvre d'un sadisme minutieux.

Les lampes des agents s'agitaient autour d'elle, projetant des ombres tremblantes sur les murs des immeubles. Pourtant, pour Swan, tout se réduisait à cette mare de sang qui s'étalait lentement, teintant le bitume d'un rouge sombre. L'odeur métallique créant un parfum de mort et de terre mouillée.

Elle avait vu des corps avant, des centaines.

Mutilés, déchiquetés, victimes d'une violence aveugle ou calculée. Elle s'était blindée, avait construit un mur entre elle et cette horreur quotidienne. Mais cette fois, quelque chose perçait ce mur.

Une étincelle de reconnaissance.

Son cœur accéléra, pulsant douloureusement contre sa poitrine. Elle connaissait cette femme. Les années avaient laissé leurs marques, mais il était impossible pour Swan de se tromper. Une ancienne amie, peut-être, ou une figure croisée au détour d'une enquête passée. Les souvenirs se bousculaient, flous, tandis que la réalité se frayait un chemin à travers la brume de la pluie.

Elle resta accroupie un moment, incapable de détourner les yeux. Cette marque, ce trou dessiné dans la chair... mais comment n'ai-je pas pu comprendre avant ! Ce dit-elle la voix pleine de remord.

Elle l'avait vu avant.

Elle l'avait reconnue.

Puis le visage des anciennes victimes refont surface.

Ses mains se mettent à trembler.

Six fois déjà. Mais cette fois, elle comprenait ce que cela signifiait. C'était un message. Un jeu. Le tueur voulait qu'elle comprenne, qu'elle fasse le lien.

Elle murmura, sa voix à peine audible sous le déluge:

- Tout est lié.

Ses pensées s'enchaînaient, rapides. Ce n'était pas une simple série de meurtres.

C'était un défi, un labyrinthe qu'on lui imposait. Et le tueur, d'une manière perverse, l'avait impliquée personnellement. Peut-être savait-il qui elle était, peut-être l'avait-il observée, guettant la moindre faille dans son armure.

Un frisson glacial la parcourut, non pas de froid, mais de compréhension. Elle serra les poings, luttant contre la rage qui montait en elle.

- Un jeu, murmura-t-elle encore. Un jeu où il veut que je comprenne quelque chose.

Les autres agents s'agitaient autour d'elle, tentant de recueillir des preuves malgré le déluge. Elle les ignora. Ses pensées étaient ailleurs. Le puzzle prenait forme, et pour la première fois, elle se sentait à la fois piégée et déterminée.

Elle se releva lentement, les yeux fixés sur le vide, une résolution brûlante dans le regard.

- Et j'ai compris, ajouta-t-elle, je sais qui sont ces cadavres...

Elle marqua une pause, inspirant profondément.

Mais au moment où elle s'apprêtait à finir sa phrase, son téléphone vibra dans sa poche.
Intriguée, elle le sortit et jeta un coup d'œil à l'écran. Le message était simple, mais glaçant: « Je vous attends. »

Et elle souffla.

- ...et je suis sans doute la prochaine.