𝓢𝓽𝓮𝓵𝓵𝓪 | chapitre I

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STELLA, 17 ans
Édimbourg.
         Écosse.
            30 septembre, 19h45.

— Tu ne manges pas, chérie ?

L'interrogation de mon père brise le silence pesant qui s'est installé comme à chaque dîner.

Les couverts crissent sur la table, amplifiant l'absence de conversation.

— Ma glycémie est trop élevée, dis-je en détournant le regard vers mon téléphone, une barrière entre moi et cette atmosphère familiale devenue insupportable.

C'est un mensonge. En réalité, mon taux de sucre dans le sang est si bas que je frôle l'hypoglycémie. Pourtant, cette réalité me procure une étrange fierté, comme si chaque repas auquel je renonce était une victoire sur ce qui est vital.

Je mens constamment à propos de ma nourriture, mais personne ne s'en rend compte, trop absorbés par leurs propres préoccupations.

— Fais un effort, Stella. On est à table, pose ton téléphone ! aboie ma sœur, laissant tomber ses couverts bruyamment sur son assiette.

— Sasha, parle autrement à ta sœur !

Le regard de mon père, déjà légèrement irrité, se pose sur elle, émanant d'une froideur palpable.La fatigue de sa journée semble l'aveugler sur ce qui se passe vraiment.

— Sérieusement, papa ? Quand c'est moi, tu hurles, mais quand il s'agit d'elle, tu la défends ? Elle me désigne du doigt, sa voix chargée de colère.

— Arrête de jouer la victime !    Contrairement à toi, je ne passe pas mon temps sur mon téléphone pour faire de la merde. Et je n'amène pas mon copain junkie vivre ici non plus, rétorqué-je sans honte, la colère montant.

— Chérie, tu sais très bien que c'est le fils de ton parrain, intervient mon père, d'un ton las.

— Vous vous foutez de moi ? Tu ne lui dis rien ? Et après, tu oses prétendre qu'il n'y a pas de favoritisme dans cette maison ! crache-t-elle, me fixant avec dégoût.

Ses cheveux rouge bordeaux, fruit d'une énième teinture, sont rassemblés en un chignon, soulignant l'expression de mépris sur son visage.

La rancœur entre nous a tellement grandi que je ne me souviens même plus du moment où nous sommes passées de jumelles inséparables à ennemies en guerre permanente.

— Contrairement à toi, Stella me facilite la vie. Le lycée ne me convoque pas à répétition...

— Donc quoi ? Elle est la fille parfaite et moi, la ratée ? C'est ça ? rétorque Sasha avec amertume.

— Il dit simplement qu'à l'inverse de toi, je ne gâche pas mon avenir. Fais un effort pour avoir de bonnes notes et arrête de fumer avec Cloud au lieu d'aller en cours, peut-être que papa t'engueulera pas, dis-je, épuisée par ses éternelles accusations.

— Désolée si tout est facile pour toi.

Facile.

Son regard se plante dans le mien, une lueur de défi que je connais trop bien. Il n'y a plus que ça entre nous : compétition.

Une bataille silencieuse pour gagner l'attention de notre père.

Facile ? Rien n'est facile. Je vis sous une pression constante. Le perfectionnisme me hante, chaque minute de chaque jour. Tout doit être impeccable : mon corps, mes notes, mon image. C'est ce que j'aimerais lui dire, que ce masque de perfection est le résultat d'un travail acharné qui étouffe mes véritables envies.

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