SORROW HEARTS

𝙳𝙴𝚄𝚇

☂︎ Ma définition de la paix est paradoxal.
Je la collecte dans la haine que je délivre aux autres. ☂︎

KYLE
Aujourd'hui

La pluie touche à sa fin, nous accordant un instant de répit. Le rire de mon frère se balade dans mon esprit. De nouvelles taches de sang apparaissent sur mes mains bien qu'elle soit transparente pour le reste du monde ; je les vois trop clairement.

Dans ma tête, je décèle les cris de chacune de mes victimes, mais ce n'est pas ce qui me fait peur. Ce qui m'effraie c'est de réaliser que je me moque pas mal du nombre de personnes que je tue, tant que je suis assuré qu'ils ne sont que des crapules méritant d'être six pieds sous terre et que mon compte en banque affiche un chiffre suivi d'une accumulation de zéros.

— Tu as les documents que je t'ai demandés ? exigé-je à Jaylen qui s'avance vers moi.

Il brandit une enveloppe brune qu'il me tend. Ses cheveux châtains s'agitent au rythme du vent et le grain de beauté sur sa joue gauche est camouflé par une fine couche de barbe.

— C'est particulier de vérifier que l'homme dont tu as ôté la vie est une crapule bien après que tu l'aies abattu, tu ne trouves pas ? s'étonne Jaylen.

Je ne lui réponds pas tout de suite, défaisant la cire cachetée de l'enveloppe avant d'y plonger ma main. Une dizaine de photos se proposent à moi, prises par un espion de Byron. Ces dernières montrent Jack Williams, l'individu que j'ai assassiné il y a deux jours, glissant promptement une substance dans le verre d'une femme dans le but, probablement, d'abuser d'elle ou de l'offrir à un homme qui le fera. Dans les deux cas, il en est le principal fautif. Ça me dégoûte.

Il m'écœure.

— Mort utile ou inutile ? renchérit mon voisin.

— Utile, je réponds du tac au tac et un poids invisible sur mes épaules se volatilise.

Si j'avais tué un humain qui était bon, je m'en serais très certainement voulu et pas qu'un peu. Je n'en sais trop rien à vrai dire. Ce n'est qu'une supposition. De toute ma carrière, depuis mes seize ans, je n'ai jamais envoyé qui que ce soit sous terre sans avoir préalablement une preuve tangible de ce qui l'incrimine.

Aujourd'hui, c'est une première.

Byron m'a testé.

"Je veux voir jusqu'à où tu serais prêt à aller pour moi, à quel point tu as confiance en moi" m'a-t-il dit

Il m'a mis à l'épreuve, un challenge que j'ai remporté haut la main.

Pourquoi ? C'est la question.

Pourquoi lui ai-je obéi, négligeant une de mes règles d'or : celle de tuer si, et uniquement si, la cible est pourrie jusqu'à la moelle ?

Au fond de moi, la réponse à cette question m'est claire et concise. J'ai simplement ce besoin inexplicable d'obtenir sa considération et son respect parce qu'il est celui qui m'a recueilli quand, autour de moi, il n'y avait pas le moindre habitat. La maison que je recherchais tant, c'est lui qui me l'a fourni.

Les photos sous mes pupilles, je les assemble, les glissant derechef entre le pli brun, mais elle m'échappe des mains, tombant à nouveau sur mes cuisses. Je la récupère et un léger bruissement attire mon ouïe.

— Il doit y avoir un autre document.

Jaylen attrape la paperasse que je lui tends et je plonge dans l'enveloppe. J'y extirpe un morceau couvert d'encre et mes sourcils se froncent à mesure que je le déplie. Qu'est-ce que ça peut bien être ?