Chapitre 37

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"Petite araignée qui cherche son salut parmi les Réels, méfie-toi. Les humains et les elfes sont vils, et ils chercheront toujours à t'écraser. C'est dans leur nature même."

~Mère-Soie

Lorsque le Néant s'écrasa sur la Foire, Oyanaël et Irananeo de Mercator étaient à l'extérieur, aidant les marchands à se réfugier dans leurs tentes, bénies de runes imaginaires. Oyanaël, le plus âgé, encourageait chacun à trouver de la place tant bien que mal. Pendant ce temps, Irananeo mettait de côté un peu de nourriture.

Un cri perça le silence, et le noir s'abattit sur leurs épaules sans leur faire de mal. Le Néant les léchait.

Les bénis d'Arachnéa, organisateurs du bal des peuples, ne souffriraient jamais du Néant. Seul le silence macabre pouvait avoir raison d'eux. Mais il était moins douloureux que le souvenir de leurs parents. Qu'ils crèvent, ces enfoirés.

En tendant l'oreille, Oyanaël capta un cri, provenant du cœur même du Néant.

Un cri d'enfant.

Sans hésiter, Oyanaël avança vers son origine, implacable. Le Néant s'écartait devant lui, comme s'il reconnaissait son autorité. Enfin, il découvrit ce qui poussait cet horrible bruit : un nourrisson, âgé de quelques mois à peine, gémissant dans l'obscurité.

Et le Néant le léchait de la même façon que les deux De Mercator.

Oyanaël se frotta les yeux. D'un côté, laisser un enfant en plein millieu du Néant, avec un trou noir qui se formait au dessus d'eux, serait immoral. Mais de l'autre, qu'est-ce qui lui disait que ce n'était pas un piège ? Un démon camouflé ? Et puis, un enfant ? À quoi jouer les dieux ? Il n'avait pas le temps pour un enfant : c'était du temps, et de l'argent.

« Et puis merde... »

Le marchand de babioles se baissa pour prendre l'enfant dans ses bras, et repartit aux côtés d'Irananeo.

~~~~~

Le Jardin de Botanique était en pleine effervescence ce jour-là, malgré le vide qui l'attirait dans un trou noir. Les fleurs étaient ouvertes, et les insectes voletaient parmi les plantes exotiques. Fil, qui avait l'habitude de se réfugier dans les recoins les plus sombres du jardin, observait ce monde éclatant avec une fascination mêlée d'une pointe d'envie. Il se sentait toujours un peu en décalage ici, dans ce lieu si... vivant.

Le garçon se déplaçait silencieusement, sa peau pâle et ses yeux brillants contrastaient avec la lumière autour de lui, et il s'arrêta soudain lorsqu'il sentit une présence inhabituelle dans le jardin.

À l'ombre d'un grand arbre, un jeune elfe était accroupi, complètement absorbé par une plante délicate qui se dressait devant lui. C'était un enfant, à peine âgé de neuf ans, tout au plus, avec des cheveux argentés qui semblaient capturer la lumière du soleil. Ses doigts fins effleuraient doucement les pétales d'une orchidée, et un sourire paisible flottait sur ses lèvres.

Fil se sentit attiré vers cette scène, comme si un aimant invisible le tirait vers ce garçon. Il s'approcha lentement, veillant à ne pas troubler le moment, mais quelque chose en lui brûlait de curiosité.

L'elfe tourna soudainement la tête, comme s'il avait senti sa présence. Leurs regards se croisèrent, et Fil fut frappé par l'intensité du vert émeraude des yeux du jeune elfe. Ce regard n'avait rien de la peur ou de l'hostilité que Fil avait parfois rencontrée, mais plutôt une curiosité égale à la sienne.

- Qui es-tu ? demanda le garçon, sa voix aussi douce que le murmure du vent dans les feuilles.

Fil, qui n'était pas habitué à être abordé aussi directement, resta un moment silencieux. Les mains dans le dos, il se les tordait mécaniquement, comme pour faire disparaitre un stress. Finalement, il répondit, sa voix à peine plus qu'un murmure.

Les Royaumes Maudits - Tome 1 [En réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant