ELEENALes gouttes de pluie restaient fermement accrochées à la vitre. Certaines d'entre elles coulaient le long du verre, s'entremêlaient, avant de tomber sur le bitume humide et froid de l'extérieur. La lumière des lampadaires créait des halos autour de ces gouttes d'eau, pareil à des perles de nacres.
Je les regardais sans jamais cligner des yeux, laissant le bruit sonore et répétitif de l'hôpital disparaître.
D'une certaine manière, cette vision m'apaisait un peu, bien qu'elle me renforçait dans ma tristesse et ma solitude. C'était ce genre de tristesse tellement profonde que j'avais l'impression de ne mériter que ça. Alors, j'essayais par tous les moyens d'y trouver un peu de réconfort.
Après tout, si je devais vivre ainsi, autant rendre cette tristesse belle...
— Tous tes résultats sont normaux, je vais tout de même te prescrire des antidouleurs au cas où ça reviendrait.
Je mis un temps avant de décrocher mes prunelles de ces gouttes de pluies. Je tournais mon visage fatigué vers le médecin qui venait de me parler.
J'enfilais ma prothèse avant de descendre de la table sur laquelle elle m'avait auscultée, puis je m'assis à son bureau.
Il faisait encore nuit noire lorsque ma mère m'avait emmené d'urgence à l'hôpital. Les douleurs m'avaient réveillée et elles étaient si violentes que j'en avais eu le souffle coupé.
— Dis-moi, Eleena, te sens-tu angoissée ? Ou stressée en ce moment ? Me demanda-t-elle en tapant sur son ordinateur.
Je mordais ma lèvre inférieure en détournant sur la vitre, pour éviter de la regarder dans les yeux.
— Non, ça va.
C'était devenu une sorte d'habitude de mentir lorsque des personnes me demandaient comment j'allais. Quand j'étais malade, les personnes qui me posaient ce genre de question me faisaient rire.
Comment pouvaient-ils penser une seule seconde que j'allais bien alors que j'étais en train de mourir à petit feu. Si je leur répondais la vérité, c'étaient des regards remplis de pitié et de « Ça va aller » que je recevais. Mais lorsque je mentais, ils me souriaient en disant que j'étais forte. En fin de compte, aucun de ces échanges n'était sincère. Ni dans leurs questions, ni dans mes réponses.
Les seuls moments où je m'autorisais à avouer ce que je ressentais réellement, c'était lorsque les médecins étaient là. Car je savais très bien qu'ils ne me mentiraient pas.
Cependant, cette fois, c'était différent. Pour être honnête, je n'avais aucune idée de comment je me sentais. Chaque personne qui avait déjà vu la mort de très près se prit un coup de fouet, un électrochoc. Ils comprenaient enfin l'importance de vivre et ils remerciaient le ciel chaque matin lorsque leurs yeux s'ouvraient.
Mais ce n'était pas mon cas.
Je subissais le poids de ma vie, comme si j'avais encore ce cancer qui me collait à la peau.
Ma mère me répétait sans cesse que c'était fini. Et même si au début j'y croyais, j'avais fini par me faire à l'idée que jamais je ne sortirais de cette boucle sans fin dans laquelle je me trouvais.
Cette boucle entre la vie et la mort.
— Fais-tu encore des crises d'angoisses ?
Je levai les yeux vers elle tout en lâchant un sourire.
— Non, ou alors très rarement.
Elle m'observait longuement, mais je savais au fond de moi qu'elle ne croyait pas à mon mensonge.
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UNDER THE MOON
RomanceDans la ville tranquille de Sherbrooke, Eleena, n'aspirait qu'à une chose en venant s'installer ici : fuir son passé qu'elle ne parvenait plus à supporter. De son côté, Addam, mystérieux et solitaire, essayait désespérément d'oublier les démons qui...