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Le Reflet du Ciel était resté derrière moi, mais l’empreinte de ma rencontre avec Gabriel restait vive. Alors que je marchais d’un pas rapide vers mon appartement, les mots tranchants et l’attitude distante de Gabriel tournaient en boucle dans mon esprit. « Je préfère travailler avec des personnes fiables. » Cette phrase m’avait piquée, non seulement par sa froideur, mais par l’implication sous-jacente qu’il me voyait comme une novice manquant de sérieux. Pourtant, une petite voix me murmurait qu’il n’était pas qu’un simple patron arrogant ; Gabriel était un homme pointilleux, sans doute autant que moi, et cette confrontation ne faisait que débuter.

Une fois chez moi, j’ouvris les fenêtres pour laisser entrer l’air frais. J’avais toujours besoin de sentir le vent me rappeler que la vie ne se résumait pas qu’à des échanges professionnels conflictuels. Je pris mon téléphone pour répondre à un message de ma mère.

Maman : « Viens dîner ce soir, ma chérie. J’ai préparé ta tarte aux pommes préférée. »

Je souris malgré moi. Elle savait comment me faire venir.

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Le soir venu, je me retrouvai chez ma mère, un appartement chaleureux où chaque meuble racontait une histoire. Les photos de famille accrochées aux murs, les rideaux à fleurs, tout ici respirait une douceur réconfortante. Ma mère était assise à la table, ses cheveux grisonnants soigneusement attachés, et son sourire accueillant me fit oublier un instant mes préoccupations.

— Alors, ma Rose, comment s’est passée ta journée ? demanda-t-elle en me servant une part de tarte.

Je haussai les épaules tout en jouant distraitement avec ma fourchette.

— Oh, tu sais, comme d’habitude. J’ai rencontré un type de la société de production, Gabriel. Un vrai glaçon.

Elle haussa légèrement les sourcils, intéressée. Ma mère n’était jamais du genre à juger ouvertement, mais sa curiosité était subtile, toujours en quête de détails à demi-mots.

— Un glaçon, dis-tu ? fit-elle en souriant doucement. Est-il si froid que ça ?

Je pris une bouchée de tarte pour m’accorder une pause.

— Froideur personnifiée, maman. Je te jure, il a tout du type qui dort avec un manuel des bonnes manières sous l’oreiller. Toujours tiré à quatre épingles, toujours en train de noter des remarques acerbes dans son carnet. Il a l’air d’un professeur qui évalue ses élèves plutôt que d’un collaborateur.

Ma mère gloussa légèrement, ses yeux plissés de tendresse.

— Peut-être qu’il prend son travail au sérieux, ma chérie. Ce n’est pas une mauvaise chose, tu sais.

— Sérieux, c’est peu dire. Il a l’air de ne vivre que pour son boulot. Je suis presque certaine qu’il annote aussi ses rêves la nuit, répondis-je avec ironie.

Elle m’observa, prenant une gorgée de thé.

— Peut-être qu’il te plaît, ce Gabriel.

Je faillis m’étouffer avec ma tarte. Ma mère aimait lancer ce genre de remarques en apparence innocentes, mais qui contenaient toujours une petite graine de malice.

— Plaire ? Maman, sérieusement ? Gabriel et moi, c’est comme l’eau et l’huile. Il incarne tout ce que je déteste : la rigidité, la froideur, le manque de spontanéité. Rien chez lui ne m’attire, je te l’assure.

— Tu ne trouves rien d’attrayant chez lui ? Pas même son sérieux ? Ou ses yeux perçants ? continua-t-elle avec une pointe de taquinerie.

Je levai les yeux au ciel.

— Ses yeux ? Peut-être. Mais, honnêtement, je préfère encore un vieux roman poussiéreux à lui, dis-je en riant.

Ma mère sourit, mais derrière ce sourire, je savais qu’elle n’était pas dupe. Elle savait lire entre les lignes.

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Les jours suivants, le travail devint une échappatoire. Les échanges de mails avec Gabriel étaient formels, presque froids. Des phrases courtes, sans la moindre trace d’émotion. Je me surprenais à analyser ses messages, essayant d’y déceler une once d’irritation ou d’amusement.

Gabriel : « Merci pour les modifications. Respectez les délais pour le reste. »

Moi : « C’est noté. »

Je relus ces quelques mots plusieurs fois. Ce n’était qu’un simple message professionnel, mais quelque chose me chiffonnait. Gabriel était à la fois distant et exigeant, et pourtant, il semblait toujours attentif aux détails, aussi infimes soient-ils. Cela m’agaçait, car cela éveillait en moi un étrange mélange d’agacement et de curiosité.

Au fil des jours, je continuai à travailler sur notre projet commun. À chaque nouvelle idée, Gabriel prenait le temps de répondre avec la même précision clinique. Sa manière de communiquer ne variait jamais, mais elle me poussait à affiner davantage mes propositions, à les défendre avec plus de conviction.

Et pourtant, en dépit de cette dynamique tendue, il y avait un certain plaisir dans ces confrontations. Un défi intellectuel que je n’avais pas ressenti depuis longtemps. Gabriel me forçait à sortir de ma zone de confort, et bien que je refusais de l’admettre, cela me stimulait.

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Un vendredi soir, après une longue journée, je m’accordai un moment de détente en prenant un verre avec mes collègues. On parla de tout et de rien, mais mes pensées retournaient constamment à Gabriel et aux échanges tendus que nous avions eus cette semaine. Je partageai mes impressions avec Émilie, une amie proche qui travaillait également dans le milieu.

— Je ne sais pas ce que j’ai fait pour mériter ça, mais ce type me met hors de moi, dis-je en soupirant.

— Ah, Gabriel, le mystérieux collaborateur. Il ne serait pas en train de te rentrer sous la peau, celui-là ? demanda Émilie avec un sourire en coin.

— Ne m’en parle pas. Je ne le supporte pas, mais il y a ce truc... Il a une manière de me défier qui m’oblige à me surpasser. C’est épuisant, mais... presque addictif.

Elle leva son verre, un éclat malicieux dans les yeux.

— Eh bien, ma chère Rose, il y a des défis qui valent la peine d’être relevés.

Je haussai un sourcil, mais un sourire naquit malgré moi. Peut-être Émilie avait-elle raison. Peut-être que ce combat n’était pas un simple affrontement, mais une occasion de grandir, d’explorer des facettes de moi-même que je n’avais pas encore découvertes.

Pour l’instant, la bataille continuait, mais quelque chose me disait que la suite de l’histoire réservait des surprises.

TENSION MAGNÉTIQUE. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant